Budget de la Ville de Genève : Nouvelle procédure, vieux réflexes


Aujourd'hui, ou demain, le Conseil municipal de la Ville de Genève décidera d'entrer ou non en matière sur le projet de budget 2018 que lui présente le Conseil administratif. C'est un rite annuel de rentrée -mais qui depuis deux ans se déroule selon une nouvelle procédure, un peu improvisée, mais assez inventive : Une valse à quatre temps (on n'allait pas s'en tenir bêtement aux trois temps habituels). Premier temps, le Conseil administratif présente un projet de budget au Conseil municipal, où la droite et l'extrême-droite se coagulent pour former une majorité qui refuse d'examiner ce projet (qu'il soit bénéficiaire, équilibré ou déficitaire peu importe : il est présenté par un Conseil administratif de gauche, la droite et l'extrême-droite sont contre, point barre). Deuxième temps : le Conseil administratif présente un autre projet, ou représente le même, et cette fois la droite fait mine de vouloir l'examiner et accepte qu'il soit renvoyé en commissions. Troisième temps : en commission des Finances, la majorité de droite coagulée coupe au hasard dans le projet du Conseil administratif et en séance plénière vote un budget amputé. Quatrième temps : la gauche et des milieux associatifs lancent un référendum ou plusieurs contre les amputations, le les fait aboutir, et le peuple décide. Alors évidemment, on perd du temps, et on finit par se prononcer en juin, ou en septembre, voire plus tard, sur un budget qui devrait être appliqué dès le 1er janvier, mais au final, on a soumis le budget à référendum et au vote populaire, alors qu'en principe la loi l'exclut. On est inventifs, à Genève...

Folia nunc cadunt, praeut si triduom hoc hic erimus : tum arbores in te cadent


Au cas où vous ne le sauriez pas, conformément à la nouvelle procédure budgétaire municipale genevoise résumée plus haut, on vote en Ville de Genève le 24 septembre sur les coupes opérées par la droite municipale dans le budget (pourtant bénéficiaire) présenté par le Conseil administratif. Des coupes parfaitement inutiles, combattues par quatre référendums victorieux lancés par "Ensemble à Gauche". Mais faut croire que ni le Maire de la Ville, Rémy Pagani, qui s'était pourtant beaucoup investi dans la récolte de signatures pour les référendums, ni la droite municipale, n'avaient réellement envie que le vote se fasse normalement. Et donc Rémy ayant un peu tripatouillé la brochure officielle de présentation de l'enjeu pour laisser le plus de place possible aux arguments des référendaires et le moins possible à la droite, la droite a hurlé au déni de démocratie et demandé l'invalidation du scrutin, c'est-à-dire son report (elle avait déjà tenté le coup en 2016, sans succès, la Chambre administrative ayant rejeté son recours). Alors déjà que voter en septembre sur le budget de l'année en cours, c'est pas ce qu'on peut faire de plus utile, mais alors voter en décembre (ou l'année suivante, tant qu'à faire...), faut vraiment avoir du temps et de l'énergie à perdre. On pourrait pas rationaliser tout ça, et en partant du constat que de toute façon, l'examen du budget par le Conseil municipal dans sa composition actuelle n'aboutira qu'à un vote populaire après référendum, contourner carrément le Conseil municipal et demander au Conseil administratif de soumettre directement son projet au peuple ?

En attendant que cette ultime simplification de la procédure ait été adoptée, on s'en tient donc à la procédure qui passe encore par le Conseil municipal, mais aboutit déjà devant le peuple. Et le 24 septembre, en votant sur les coupes que la droite coagulée y a opérées, on votera sur le budget de l'année en cours. Où la droite a-t-elle coupé ? dans l'achat de matériel et d'équipement pour les places de jeux dans les écoles et les parcs, dans l'entretien et le nettoyage des bâtîments et des préaux d'école, dans les événements destinés aux aînés, dans les subventions culturelles et sportives, dans les moyens des expositions des musées, dans la lutte contre le bruit (pose et entretien de revêtements phonoabsorbants sur les routes), dans la solidarité internationale et l'aide sociale. Et ce n'est qu'un début, une sorte de mise en forme. Car si les coupes soumises au vote populaire le 24 septembre semblent dérisoires (2 millions et demi, sur un budget de plus de 1,1 milliard), les apparences arithmétiques sont piégeuses : c'est vingt fois plus que la droite veut arriver à couper d'ici 2020.
Le vieux Plaute nous met en garde : Folia nunc cadunt, praeut si triduom hoc hic erimus : tum arbores in te cadent -ce ne sont encore que des feuilles qui tombent, mais si nous restons ici, ce seront des arbres qui tomberont alors sur toi.
Le 24 septembre, en retenant les effeuilleurs, on retiendra les tronçonneurs. D'ailleurs, ce sont les mêmes.

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