Cassis im Bundeshüüs


L'élection qui ne change pas grand-chose

On ne peut pas dire que la surprise ait été au rendez-vous, hier matin, au Palais fédéral : Ignazio Cassis a été élu au Conseil fédéral. Election logique : à force de dépasser ses deux concurrents par la droite (ça va être autorisé sur les autoroutes, ça l'est déjà dans les campagne pour le Conseil fédéral), il a obtenu le soutien massif de l'UDC, pendant que ses deux concurrents devaient se partager (et partager avec lui) le soutien des autres partis. Donc voilà. Cassis succède à Burkhalter au Conseil fédéral (mais pas forcément aux Affaires Etrangères). Et alors ? ça change quoi ? Pas grand chose. Un petit glissement à droite, peut-être. Au point où on est, ça va tenir de l'imperceptibilité. A moins évidemment que Cassis n'hérite du département de Berset en partance pour de nouvelles aventures dans un autre ministère. Le lobbyste en chef des assurances-maladie désigné ministre de la santé, ça simplifierait en effet diablement la compréhension par les assurés du racket qu'ils subissent...


...d'argent à l'écureuil rampant de gueules, avec la devise « Quo non ascendet ? »

Il n'y a pas eu de "front anti-Cassis" lors de l'élection du successeur de Didier Burkhalter au Conseil fédéral : l'hypothèse d'un tel front étant la seule qui aurait permis à Pierre Maudet (Isabelle Moret paraissant larguée à la troisième place depuis des semaines) de surpasser le radelibe tessinois, celui-ci a facilement été élu au deuxième tour. Les bundeshausologues ont fait leurs comptes : l'UDC a massivement voté pour Cassis, la majorité du PLR et du PDC aussi, la majorité du PS, du PBD et des Verts libéraux a voté Maudet, la majorité des Verts a voté Moret. On célébrera donc le retour d'un italophone au gouvernement fédéral, en oubliant commodément que ledit italophone était surtout connu pour être le principal lobbyste des caisses-maladies au parlement, et que d'autres candidatures représentatives de la Suisse italienne étaient concevables, comme celle de Laura Sadis, qui eût comblé à la fois le PLR, les partisan-e-s de l'élection d'une femme et celles et ceux de l'élection d'un-e italophone...
Mais foin de ces considérations anecdotiques : l'épisode de cette élection, s'il ne change pas grand-chose à la configuration politique du gouvernement de ce pays, illustre tout de même les faiblesses du processus de sa désignation par le parlement. Pourtant, dans un système de démocratie "semi-directe", où les gouvernements cantonaux sont élus par le peuple, celui-ci pourrait fort bien élire aussi, avec les cautèles institutionnelles garantissant une répartition régionale et linguistique, le gouvernement fédéral, ce qui obligerait les candidates et candidats à défendre devant les citoyennes et les citoyens un programme, une ligne politiques au lieu que de négocier leur élection devant des groupes parlementaires dont chacun a ses propres échéances en tête -et d'entre elles, des successions à venir au Conseil fédéral.
L'élection du gouvernement fédéral par le peuple n'est pas à l'ordre du jour -tant pis pour le peuple. Les sondages suggèrent d'ailleurs qu'Ignazio Cassis, élu par le parlement, l'aurait également été par le peuple. Peu importe, d'ailleurs.
Quant à Pierre Maudet, son résultat est loin d'être ridicule : il obtient 90 suffrages (contre 125 à Cassis) et laisse Isabelle Moret loin derrière lui, il conforte son image et étend sa notoriété. Il ne pourra certes pas prendre pour blason celui de la famille Fouquet, d'argent à l'écureuil rampant de gueules, avec la devise « Quo non ascendet ? » (« Jusqu'où ne montera-t-il pas ?), mais vu le sort funeste réservé au magnificent Surintendant, cela vaut sans doute mieux.

Cela dit, demain étant un autre jour, son échec, même honorable, fera tout de même de sincères déçus : les chauffeurs de taxis et les syndicats de policiers et de gardiens de prison genevois, qui caressaient le secret espoir de n'avoir plus affaire à lui grâce à une sorte d'éjection par le haut. Son escapade bernoise lui assure en effet d'ores et déjà une élection de maréchal au Conseil d'Etat l'année prochaine. Ce que, comme le relève "Le Courrier" d'hier, ses soutiens de gauche auraient pu méditer avant d'en chanter les louanges comme des griots celles du chef de tribu, sur le mode du dithyrambe.

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