Réforme des retraites : Un "non" ambigu mais prometteur


A la trappe ou à la Trappe ?

La réforme du système de retraite a donc été refusée par le peuple. On appelait à ce refus, avec toute la gauche (et pas seulement l'"extrême-gauche") politique et syndicale genevoise, et on constate que même s'ils sont moins nombreux, et plus localisés, que les "non" de droite, les "non" de gauche ont fait la différence en s'y ajoutant . La gauche du "oui" y a vu une "alliance contre-nature" -mais elle-même faisait alliance avec le patronat romand. Le système suisse de retraites ne sera donc pas réformé. La victoire du "non", à la fois ambiguë et prometteuse, n'est ainsi ni vraiment une victoire de la gauche, ni totalement une victoire de la droite, mais une victoire du statu quo, une victoire défensive : l'âge de la retraite des femmes ne sera pas reporté, la TVA ne sera pas augmentée. Pour le reste, ce scrutin ne révèle rien, il confirme : aucune vraie réforme sociale n'est possible sans le soutien de toute la gauche, comme aucune vraie réforme fiscale n'est possible sans celui de toute la droite. Or sur la réforme des retraites, la gauche était divisée : le report de l'âge de la retraite des femmes aura fait la différence dans les urnes. Et Le vote d'hier affirme au moins une chose : toute "réforme" du système de retraite impliquant un report de l'âge de la retraite (des femmes, des hommes ou des deux) et un renforcement du 2e Pilier au détriment du 1er, passera à la trappe. Et ses auteurs à la Trappe. Avec voeu de silence. Et de méditation. Le temps pour la gauche (toute entière) de se rappeler que le parlement n'est pas l'alpha et l'omega de l'espace politique, et que ce qui en sort peut être combattu, même par un parti (le PS, en l’occurrence) qui en avait accouché comme d'un moindre mal.


"Le non des Genevois n'est pas le même que le non des Uranais"...

Plaidant pour le "non" à la réforme des retraites, le Conseiller national PLR genevois Christhihan Lüscher nous expliquait dans la "Tribune de Genève" que le "plan Berset" représente "la volonté que la gauche n'ose pas exprimer dans cette campagne" (nous fûmes pourtant nombreux, ici et ailleurs, à l'exprimer...) : "la disparition du 2e pilier en faveur d'une rente unique pour tous". Deux jours auparavant, Alain Berset dénonçait, lui, l'"étrange alliance du patronat zurichois et de l'extrême-gauche genevoise". On avait donc un conseiller national libéral qui renvoait un Conseiller fédéral socialiste à l'extrême-gauche en lui attribuant un projet de solidaritéS, et ledit Conseiller fédéral socialiste qui renvoyait l'"extrême-gauche genevoise" (dont le PS genevois  et la totalité des syndicats genevois...) dans les bras du patronat zurichois, mais pas du patronat genevois qui, lui, soutenait le même projet que le Conseiller fédéral socialiste -le fait qu'il soit socialiste expliquant en grande partie le soutien qu'ont apporté l'Union Syndicale et le PS suisse à son projet, devenu celui du Parlement fédéral grâce à une alliance du PS et du PDC. Et on s'étonne que le résultat du vote de dimanche soit resté indécis jusqu'à midi ? On ne s'en félicitera pas moins, de ce résultat : sur les retraites, il n'y aura pas eu de retraite.

On a donc, au moins pour quelques années, bloqué le report de l'âge de la retraite des femmes. D'aucuns continueront sans doute à se dire in pectore que pour équilibrer les comptes du système de retraite, il est après tout logique, à défaut d'être légitime, de s'en prendre aux femmes. Parce que, franchement, c'est bien de leur faute si ces comptes menacent, à terme, d'être engloutis dans un trou abyssal : au lieu de mourir à 64 ans après avoir pondu un maximum de gosses vivants (surtout des garçons), comme il faudrait pour que les comptes de leur régime de retraite à elles soient durablement équilibrés, elles meurent à 90 ans après n'avoir fourni à la société que deux enfants vivants, qu'il va falloir nourrir, soigner et éduquer pendant au moins 18 ans avant qu'ils puissent cotiser à l'AVS.  Alors que si elles faisaient ce qu'on attend d'elles, c'est-à-dire pondre douze gniards entre la puberté et la ménopause, dont au moins six (en majorité des mecs) atteindraient l'âge de cotiser à l'AVS, on n'aurait pas de problème pour équilibrer les comptes du régime obligatoire de retraites. Surtout si elles avaient en plus le bon goût de faire coïncider le moment de leur décès avec celui de leur droit à la retraite.  Sans doute auraient-elles toujours pu, si la réforme avait été acceptée,  prendre leur retraite à 64 ans sans réduction de rentes AVS, puisqu'elles auraient été augmentées (pour les futures rentières comme pour les futurs rentiers). Et c'est tout de même une étrange "victoire" que celle qui, concrètement, n'assure que le maintien d'une situation où les rentes des femmes sont d'un tiers inférieures à celles des hommes. L'inégalité des salaires des femmes et des hommes (18 % au détriment des femmes, dont la moitié ne s'explique que parce qu'elles sont femmes), dont l'inégalité des rentes découlée directement, ne va évidemment pas se résorber toute seule.

Et maintenant ? On attend le plan B de la droite ou on se rassemble pour présenter le nôtre, à la seule instance qui compte : le peuple ? Le plan B de la droite, on le connaît : c'est le découplage d'une réforme de l'AVS et d'une réforme du 2e Pilier, c'est le report de l'âge de la retraite à 67 ans pour toutes et tous, c'est le sauvetage du 2e Pilier au détriment de l'AVS, c'est le refus de toute augmentation des rentes AVS. Et le plan B de la gauche, alors ? c'est -ou ce devrait être- à peu près tout le contraire : l'augmentation régulières des rentes AVS, un renforcement de la contribution de l'Etat à l'AVS (par une augmentation de la part de la TVA qui lui est affectée et par une contribution spécifique des hauts revenus, des grosses fortunes et des plus-values boursières), et c'est l'intégration progressive du 2e pilier dans le premier. Car c'est bien le Deuxième Pilier qui est malade, pas l'AVS. C'est bien le Deuxième Pilier qui diminue ses prestations, pas l'AVS. Tout est encore à proposer pour en tirer les conséquences. Et ce n'est pas de la droite qu'on l'attend, mais de nous. Comme l'écrit en édito "Le Temps" d'hier, avec la sagacité d'un constat d'évidence : "le non des Genevois n'est pas le même que le non des Uranais"...

Commentaires

Articles les plus consultés