Fonds de tiroir


Le parti radical de gauche de Genève (une spécialité locale) a comme désormais chaque année manifesté avec quelques flambeaux pour célébrer la révolution radicale genevoise de 1846, celle de James Fazy, et la constitution qui en est issue, en la proclamant « notre première constitution, qui fut à la source des droits démocratiques du peuple genevois »... euh... manque de mémoire, citoyens : la première constitution genevoise, c'est pas celle de 1847, c'est celle de 1794 (la République calviniste n'avait pas de constitution), constitution jacobine, qui instaure le suffrage universel (mais masculin et protestant, faut pas charrier, quand même) et le droit de révocation populaire des élus (là, on n'y est pas encore). Bon, ils ne se sont trompés que de 53 ans, les radicaux de gauche, mais quand même, faut pas manquer de reconnaissance envers les grands ancêtres...

Un congrès international de «psychologie militaire» (c'est-y pas un bel oxymore, ça ?)  s'est tenu la semaine dernière à Berne. Et l'Académie militaire de l'Ecole Polytechnique fédérale de Zurich, dont on apprend l'existence (celle de l'Académie militaire, donc, pas celle de l'EPFZ), devait y présenter le résultat de ses recherches autour des tests psychologiques effectués lors du recrutement de nos valeureux futurs soldats. Des recherches qui devraient permettre aux psychologues militaires de comprendre quel pourcentage de recrues faussent leurs résultats lors de ces tests, non pour améliorer leur image et se faire passer pour meilleurs qu'ils sont, mais pour dégrader leur image et passer pour plus mauvais qu'ils sont, afin de ne pas être incorporés, ou de ne pas être appelés à grader. « ça n'arrive qu'en Suisse » de se dévaloriser ainsi, soupire le Dr Hubert Annen, chef des études de psychologie militaire à l'EPFZ... Ben quoi, c'est juste un effet de notre modestie proverbiale, non ?

Eric et Mauro, ils s'aiment plus, et c'est triste comme une dispute conjugale après adultère dans « Top Models ».  Eric Stauffer, Conducator déchu et déçu du MCG s'en prend à Mauro Poggia, Conseiller d'Etat élu comme candidat du MCG (mais qui aurait tout aussi bien pu l'être comme candidat du PDC), qu'il accuse de s'opposer aujourd'hui à un projet de loi sur la « préférence cantonale » à l'embauche (concrètement, il s'agissait d'obliger les employeurs à annoncer tous les postes vacants à l'Office de l'emploi) qu'ils avaient déposé tous les deux du temps où ils étaient copains comme cochons et larrons en foire. Poggia, lui, explique que le projet de loi qu'il avait cosigné en tant que député, il ne peut plus le soutenir en tant que Conseiller d'Etat parce qu'il est contraire au droit supérieur dès lors qu'il prétend s'appliquer à toutes les entreprises et pas seulement au secteur public ou subventionné. Bon, d'accord, il aurait pu s'en apercevoir au moment où il l'a signé, ce projet de loi, Poggia, mais vous savez ce que c'est, quand on est député (ou conseiller municipal), des fois on signe des conneries pour faire plaisir à leur auteur, pis après, on regrette... non, vous savez pas ce que c'est ? zen avez, de la chance... en même temps, personne n'oblige qui que ce soit à être député ou conseiller municipal...

Samedi dernier, les Espagnols de Genève (enfin... pas tous...) célébraient la fête nationale espagnole. Le Maire de Genève, Rémy Pagani était invité à prendre la parole, au nom de la Ville. Et il l'a prise, la parole, Pour célébrer l'amitié hispano-genevoise et l'apport de l'émigration ibérique à Genève. Mais aussi pour dénoncer la répression du référendum catalan. Ce qui lui a valu quelques sifflets et quelques huées (mais aussi des applaudissements), et une réplique du Consul. A qui not'bon Maire a présenté des excuses au cas (peu vraisemblable) où son discours aurait été «mal interprété». La droite municipale, reprenant au bond les protestations de certains Espagnols, a également dénoncé l'intervention de Rémy Pagani, sans qu'on sache vraiment si c'était son contenu ou son auteur qui lui déplaisait. Donc pour vous faire une idée de ce dont on parle, voilà l'essentiel de la partie de l'intervention du Maire qui fait débat. Vous jugerez vous-mêmes si elle est aussi inacceptable que certains le clament. Nous, ici, on se contentera de dire que le Maire de Genève n'a pas défendu une autre position que celle de la Maire de Barcelone, Ada Colau, qui ne soutient pas l'indépendance, mais qui soutient l'expression démocratique et le suffrage universel dans le cadre d'un référendum...
A part ça, vive la République (Espagnole, catalane, basque, on s'en fout...)

«Vous me permettrez aussi de dire combien, dans la crise constitutionnelle que traverse aujourd’hui votre pays en ce qui concerne la Catalogne, nous sommes à vos côtés, et favorables à une solution négociée dans le respect des droits de toutes les parties concernées... Nous sommes bien placés à Genève et en Suisse - et je suis bien placé - pour comprendre et partager des choses qui paraissent élémentaires au bord du Léman, par exemple les gens doivent pouvoir s’exprimer dans les urnes, même quand les questions posées ne plaisent pas aux autorités, si même une fraction de la population le demande... Nous le faisons tous les jours avec nos référendums et nos initiatives.
Autoriser un vote ne préjuge pas de son résultat, empêcher un vote populaire, quand on n’est pas sûr de le gagner est par contre une erreur... de nature à se retourner contre ses auteurs. Envoyer des unités de police pour s’affronter manu militari à des gens qui votent et les empêcher de le faire est une faute politique manifeste. Certes, la Constitution espagnole proclame l’unité « indissoluble » de la nation espagnole... mais les constitutions se modifient, la genevoise par exemple l’a été, il y a moins d’un mois, pour rendre plus facile précisément l’accès au vote populaire sur toutes les questions, y compris les questions constitutionnelles... Et, pour prendre une analogie, n’est-il pas évident que le droit au divorce - l’une des conquêtes de la transition démocratique espagnole - n’est nullement la négation de la famille ou du couple, mais l’une des conditions de liens librement consentis! Si on n’a pas le droit de se séparer quel mérite a-t-on à rester ensemble quelles que soient les proclamations de l’église ou d’autres autorités sur l’indissolubilité du mariage? Il en va de même pour les peuples, les nations et les régions... l’unité ne peut pas se proclamer d’en haut... elle doit venir d’en-bas pour être démocratique... nous le savons dans ce pays qu’est la Suisse, dont l’unité incertaine est sans doute d’autant plus solide qu’elle est librement consentie... (...) Dans ce sens, on ne peut que souhaiter que s’ouvrent des négociations véritables entre les autorités centrales et les autorités catalanes pour trouver des voies de sortie de crise. Et des négociations sans préconditions... le chef de l’Exécutif catalan a suspendu les effets de leur déclaration d’indépendance pour permettre de telles négociations, ne serait-il pas sage que le gouvernement espagnol accepte ce geste de bonne volonté et tente un pas, lui aussi, vers le dialogue, plutôt que de brandir la menace de l’art. 155 de la constitution espagnole et d’exiger de l’autre partie un oui ou non a priori, alors que les autorités catalan disent oui et non, ce qui est une bonne base de discussion.
On me dira que Pagani s’occupe de choses qui ne le regardent pas, que je m’ingère dans une affaire intérieure espagnole... Pour ma défense, je réaffirme que Genève c’est aussi un bout d’Espagne, que nous sommes - un peu - en famille et que nous avons une longue et respectable tradition d’ « ingérence » en Espagne et réciproquement d’engagement d’Espagnol-e-s chez nous (...). »

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