Fonds de tiroir


En 2016, le canton de Genève n'avait pas de budget (la Ville de Genève non plus, d'ailleurs, pendant les premiers mois de l'année). Il fonctionnait donc selon le système des « douzièmes provisionnels », basé sur le dernier budget entré en vigueur. Ce système exclut que le gouvernement puisse, d'autorité, modifier des subven-tions. C'est pourtant ce que le Conseil d'Etat a fait (il les a toutes rabotées de 1 %), sans en avoir le droit. Donc il s'est fait rappeler au respect de la loi par le Grand Conseil. Voila. Mais vous inquiétez pas outre mesure, hein : c'est pas parce qu'il s’assoit sur la loi qu'il va renoncer à exiger des communes (de la Ville, par exemple) qu'elles la respecte comme il l'entend lui, le Conseil d'Etat. « Faites ce que je dis, pas ce que je fais », à Genève, c'est aussi un principe de l'Etat de droit.

Le Maire de Genève, Rémy Pagani, la Conseilère admi-nistrative Sandrine Salerno, la Conseillère aux Etats Liliane Maury Pasquier, la Conseillère nationale Céline Amaudruz, le Conseiller municipal Regis de Battista, la Mairie d'Onex : toutes et tous, et d'autres encore, ont été victimes de piratage informatique, nous apprenait GHI la semaine dernière  : e-mails piratés, identifiants subtilisés... Et le Tages Anzeiger annonçait que 37 parlemen-taires fédéraux ont été hackés... Mais à  côté de celles et ceux qui sont inquiets d'avoir été piratés, y'a toutes celles et tous ceux qui sont vexés de ne pas l'être : alors quoi, j'existe pas, j'intéresse personne, on s'en fout de mes photos de vacances et de mes états d'âmes ?

Y'a des fois où, quand on trie nos archives, un petit souffle de nostalgie nous enveloppe... Décembre 2013, débat sur le budget 2014 : la droite (Entente + UDC) multiplie les pro-positions de coupes dans le projet du Conseil administratif, mais aucune ne passe, alors qu'elle est théoriquement (déjà) majoritai-re, si on y intègre le MCG, avec 41 sièges contre 39 à l'Alternative. Mais trois «indépendants» issus de ses rangs Une PLR, un UDC et un MCG) ont voté avec la gauche lors du débat budgétaire -et le président du Conseil municipal, UDC, ne vote pas. Résultat, le projet de budget du Conseil administratif a été adopté presque sans modification. C'était le temps où la droite, déjà élargie à l'UDC, n'était pas encore coagulée avec le MCG, et où ses élues et élus consentaient à faire, en plénière, le travail qu'on attend de conseillères municipales et de conseillers municipaux : examiner le budget, en débattre, éventuellement l'amender, et finalement le voter ou le refuser, et se retrouver dans la majorité ou la minorité, mais en ayant fait son boulot. Comme disait l'autre, « Genève, c'était mieux avant ». Mais avant quoi ?

Nous, ici, sportifs dans l'âme (mais seulement dans l'âme) on a deux références dans le monde de foot : Zinedine Zidane, pour sa capacité, rare chez un sportif, de travailler avec la tête, et Christian Constantin, incarnation vivante du respect de l'autre qui est une valeur fondamentale du sport (si, si...). Alors quand Constantin est condamné à 100'000 balles d'amende et quatorze mois d'ostracisme (suspension de terrain de jeu) par la « Swiss Football League », dont on ignorait qu'elle fût une instance judiciaire, on compatit. Pas avec la Swiss machinchose, mais avec Constantin. Parce que qu'est-ce qu'il a fait, Constantin, pour mériter pareille condamnation ? Il a tapé sur un ancien entraîneur devenu consultant d'une chaîn de télé sportive. Quel mal y'a à ça, on se le demande. Mais comme on le refait pas, Constantin, il a renvoyé ses juges dans les cordes : « La SFI veut un bout de guerre, elle aura un bout de guerre. On verra qui sera debout à la fin ». C'est carrément Verdun. N'empêche que si on ne sait pas « qui restera debout à la fin », on sait déjà qui est plié de rire au début : nous...

Ignace est une girouette. Voila. Donc, on a appris à la mi-octobre que le tout nouveau Conseiller fédéral PLR Ignazio Cassis avait adhéré au lobby pro-armes, «Pro Tell » (un machin très à droite de la droite) neuf jours avant son élection au gouvernement. Et en avait démissionné une semaine après qu'on ait appris qu'il y avait adhéré. Logique, il n'avait plus besoin de l'appui des « grands électeurs » (les parlementaires fédéraux) maqués avec le lobby. Et il pourra défendre la position du Conseil fédéral face au lobby, lorsqu'il s'agira d'appliquer en Suisse une directive européenne restreignant le droit de chacun (et chacune) à détenir une arme à feu. «C'est la démonstration que cette homme-là ne sait pas résister aux pressions », résume le président du PS, Christian Levrat. Peut-être. Ou alors, c'est la démonstration qu'il est capable de toutes les contorsions et de tous les retournements de veste pour être élu. Evidemment, pour obtenir les voix de l'UDC, vaut mieux avoir la carte de Pro-Tell qu'être comme Maudet co-promoteur d'une opération de régularisation des sans-papiers...

On avait fait de l'in-contournable opuscule de Georges Picard, « De la Connerie » (chez José Corti), l'un de nos livres de chevet (voire, en quelques moments d'introspection autocritique, un miroir...). On pourra peut-être faire du livre de Maurizio Ferraris, « L'imbécilité est une chose sérieuse » (aux PUF) son complément. Pour Ferraris, l'imbécilité est une forme d'extrême individualité : « nous sommes simplement prisonniers de l'injonction à nous démarquer », ce qui fait qu'il y a à la fois plus d'imbéciles et plus de génies, grâce notamment aux nouveaux media, chaque medium nouveau redistribuant les cartes, et faisant d'attitudes naguère brillantes des attitudes parfaitement ridicules. Reste à suivre alors le conseil de Ferraris: « essayer de repérer l'imbécile en soi, et dans les autre ». Dans les autres, c'est facile. Et en soi, «l'autodérision, c'est le début de la lumière intérieure ». Bon, d'accord, on n'éteint pas la nôtre, de lumière, des fois qu'on aurait besoin de s'autodérisionner. pure hypothèse vu que rien de nous ne peut être objet de dérision. A part notre modestie.

Mardi dernier, au Conseil municipal de la Ville de Genève, la droite coagulée (PDC, PLR, UDC, MCG) a réussi un gros coup, à la mesure de son intelligence politique : elle a adopté une résolution s'opposant à l'octroi par le Fonds d'équipement communal d'une subvention de 330'000 francs (sur un coût total de près de 9 millions) à une passerelle piétonnière et cycliste sur le Rhône, entre les Evaux, à Onex, et Aïre, à Vernier. Le Fonds est un instrument dont l'Association des communes genevoises s'est dotée pour subventionner des équipements ou des prestations intercommunales ou bénéficiant à plusieurs communes : il subventionne ainsi (pour plusieurs millions) le Grand Théâtre, institution municipale de la Ville mais dont le public vient de tout le canton. Mais quand l'Association des communes genevoise décide d'une subvention, des communes peuvent s'y opposer, et pour autant que deux tiers des communes s'y opposent, ou un tiers représentant la majorité de la population du canton, la décision est invalidée. C'est ce que la droite de la Ville de Genève tente, sous prétexte que l'équipement subventionné (la passerelle) serait une route, mais en réalité parce que l'intercommunalité, elle n'y comprend que dalle, la droite municipale de la Ville. Et comme en plus la passerelle qui serait subventionnée relie deux communes de gauche, et qu'elle ne serait pas ouverte aux bagnoles, la droite de la Ville de Genève a sauté sur l'occasion comme un morbac sur sur une couille. Et tant pis si en retour, les autres communes lui renverront le moment venu la lourde monnaie de sa pièce légère, en s'opposant par exemple à la subvention accordée par l'ACG au Grand Théâtre. Bon, y'en a qui disent qu'on a la droite municipale qu'on mérite, mais franchement, même dans nos moments de grande fatigue on mériterait quand même mieux que celle-là...

Commentaires

Articles les plus consultés