Réforme des retraites : La gauche contre la gauche ?


Le 24 septembre dernier, Suissesses et Suisses ont refusé la réforme de leur système de retraite, telle que proposée par le Parlement. Le chef du groupe socialiste aux Chambres fédérales, Roger Nordmann, est furax contre la Jeunesse Socialiste et sa présidente, Tamara Funiciello : en menant campagne contre la réforme des retraites, que Nordmann (comme le parti suisse) soutenait, la JS et sa présidente, "idéologiquement aveuglée", auraient contribué de "façon significative" à l'échec du projet (à vrai dire, c'était le but...) et à une grande victoire pour le camp bourgeois (le PDC et les syndicats patronaux romands, qui soutenaient le projet, n'en feraient donc pas partie, du "camp bourgeois" ?)... Or les premiers sondages d'après-vote signalent plutôt une majorité de l'électorat de gauche en faveur du "non". Pour Nordmann, qui nous fait le coup du "c'est jeune et ça ne sait pas", la JS ne doit pas s'opposer au PSS "lorsqu'il s'agit de thèmes  aussi complexes que tous les jeunes ne comprennent pas au premier coup d'oeil". Contrairement à tous les vieux, qui comprennent tout au premier coup de glaucome et de sonotone et aux caciques du parti (et du syndicat) qui ont la science infuse, même que c'est bien pour ça qu'ils sont caciques ? Réponse de la bergère au berger : "Au lieu de vouloir jouer au papa de la Jeunesse Socialiste, Roger Nordmann ferait mieux d'utiliser son temps à du travail de contenu". Sur l'avenir d'un système de retraite fondé, comme l'AVS, sur la solidarité et la répartition, plutôt que sur l'épargne individuelle forcée et la capitalisation, par exemple ?

Quand l'électorat de gauche désavoue les organisations de gauche

Quel qu'eût été le résultat du vote de septembre dernier sur le système de retraites, les échéances restaient les mêmes : à plus ou moins long terme, une nouvelle révision de l'AVS, et une nouvelle baisse du taux de conversion du 2e Pilier, sont plus que prévisibles -quasiment inévitables, à moins d'une refonte globale du système et d'une absorption du "deuxième pilier" dans le premier.  Le report de l'âge de la retraite à 67 ans pour femmes et hommes a déjà pointé le bout de ses naseaux dans la campagne. Or l'Union Syndicale suisse et le Parti socialiste suisse viennent de soutenir, après plus d'un siècle de combats pour la réduction du temps de travail, un report de l'âge de la retraite. Comment la gauche pourra-t-elle efficacement combattre un nouveau report de l'âge de la retraite, cette fois pour tout le monde et plus seulement pour les femmes, alors que ses deux principales organisations en ont admis les prémices en acceptant de le reporter d'un an pour les femmes ? Ce faisant, l'USS et le PSS se sont vraisemblablement trouvés confrontés au vote inverse de leur propre électorat, ce qui, si cela se confirme, dément l'hypothèse (commode) d'un refus majoritairement "bourgeois" et "de droite" de la réforme : ce serait alors l'électorat de la gauche qui aurait désavoué dans les urnes les organisations nationales de la gauche.  Le refus de la réforme du système de retraite semble en effet avoir été acquis, le mois dernier, grâce au vote des femmes et des "classes populaires", si l'on en croit un sondage Tamedia publié le surlendemain du scrutin : si 51 % des hommes sondés disaient avoir accepté le report d'un an de l'âge de la retraite des femmes, seules 42 % des femmes admettaient y avoir voté "oui", et une majorité se dessinait pour le "non" dans l'électorat au salaire inférieur à 7000 francs par mois.

Selon un sondage Tamedia réalisé au moment de la votation populaire, 68 % des sondés s'opposent à un report de l'âge de la retraite à 67 ans, mais 62 % s'attendent à ce qu'il soit imposé dans les dix ans à venir, et on sait pertinemment que cette "solution" mijote à droite, même si, conscients de son impopularité, ses marmitons la jouent prudents et discrets : "ce n'est pas un sujet d'actualité", assure l'udéciste fribourgeois Jean-François Rime, président du syndicat patronal des PMR (l'USAM), qui s'en tient, comme la radelibe vaudoise Isabelle Moret, à la retraite à 65 ans pour les femmes et les hommes (qui vient pourtant d'être refusée). Or la commission du Conseil des Etats est appelée à se prononcer sur une proposition qui va encore plus loin celle du report de l'âge de la retraite à 67 ans, en attendant celle de le reporter à 70 ans, pour toutes et tous : celle de fixer l'âge de la retraite en référence à l'espérance de vie moyenne -plus longtemps on vivra, plus tard on aura le droit de prendre sa retraite. Dès lors, pourquoi ne pas pousser le raisonnement jusqu'à son terme logique en fixant l'âge de la retraite à l'âge moyen du décès ?

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