A l'automne tombent les feuilles des arbres. Et les augmentations de primes d'assurance-maladie. Et les initiatives populaires.


A l'automne tombent les feuilles des arbres. Et les augmentations de primes d'assurance-maladie. Presque tout le monde s'en plaint (certains ont tout de même les moyens de s'en foutre), mais presque tout le monde s'y résigne : Genève est l'un des cantons où les primes d'assurance-maladie sont les plus élevées et subissent les plus fortes hausses moyennes : 5,4 % pour 2018 (4 % en moyenne nationale, mais jusqu'à 6,4 % dans le canton de Vaud). Or le niveau des primes est un facteur déterminant de paupérisation, avec le niveau des loyers. A Genève, les trois partis de l'"Alternative" (la gauche genevoise représentée au parlement cantonal), le PS, les Verts et "Ensemble à Gauche") ont lancé une initiative cantonale proposant des subsides cantonaux afin de permettre de plafonner à 10 % la part prise par les primes d'assurance-maladie sur le revenu des personnes et des familles (dans le canton de Vaud, un tel plafonnement, négocié et intégré dans les mesures d'accompagnement de la réforme de l'imposition des entreprises, va être mis en place à 12 % en 2018 et 10 % en 2019.
La récolte de signatures (il en faut 5100 valables) vient de commencer pour l'initiative cantonale genevoise*, le Parti du Travail a déposé à la mi-juillet la sienne pour une "caisse d'assurance maladie et accidents genevoise à but social"et deux autres initiatives, fédérales, sont en cours de signature : l'une contre les liens d'intérêts entre caisses-maladie et parlement fédéral, l'autre pour autoriser les cantons à créer une caisse publique : On peut télécharger des feuilles de signatures sur
http://www.ps-ge.ch/wp-content/uploads/2017/11/IN10-PS.pdf

Des réponses concrètes à une situation concrète.


Ce que quelques-uns d'entre nous peuvent se permettre, tous ne le peuvent pas. Hélas. Tout le monde ne peut pas pratiquer, comme l'auteur de ces lignes, l'autoréduction de ses primes d'assurance-maladie à un niveau supportable de son revenu (la méthode consiste à ne payer qu'une prime sur deux, mais implique de se retrouver aux poursuites et sous saisie de salaire et/ou de revenu). Sans doute une grève massive des cotisations aurait-elle un tout autre effet qu'une manifestation -deux millions d'assurés pratiquant l'autoréduction des primes, engorgeant les services de recouvrement et les offices des poursuites, ça aurait de la gueule, mais ce serait aussi deux millions de commandements de payer, d'actes de saisie, d'impossibilité de conclure un bail ou d'obtenir un prêt... Il faut donc agir autrement, du moins tant que la méthode de l'insoumission collective relèvera du rêve libertaire. Agir autrement, c'est agir sur les lois, les structures, les institutions. Et comme les parlements nous sont hostiles (et que celui de la Confédération est peuplé de porte-valises des caisses d'assurance), c'est aux assurés que l'on va s'adresser -du moins à ceux qui disposent du droit de vote- par voie d'initiative. Comme le fait maintenant la gauche genevoise. Certes, à plusieurs reprises déjà, des initiatives populaires qui avaient largement abouti ont été défaites dans les urnes -au passage, on pourra dire notre étonnement de voir manifester samedi dans la rue genevoise, contre la hausse des primes, des représentants de partis qui avaient contribué à l'échec au plan fédéral  de l'initiative pour une caisse unique et des primes fixées en fonction du revenu -l'approche des élections n'étant sans doute pas étrangère à cette sorte amnésie.

Le système proposé par la gauche genevoise, et visant à maintenir la part des primes (en moyenne cantonale, soit 583 francs par mois) sur le revenu déterminant à 10 %, soit plus que ce que le Conseil fédéral s'était engagé à garantir par la LAMA (8 %), profiterait avant tout à cette catégorie de la population dont le revenu est tout juste suffisant pour les exclure des subsides versés aux personnes et aux familles les plus modestes -et qui sont d'ailleurs attaqués par la droite. A terme, une personne sur deux pourrait ainsi être aidée. Mais elles sont déjà 110'000 à l'être parce que leur revenu est carrément insuffisant à assurer la couverture régulière des primes d'assurance-maladie, et cette aide représentera un montant de près de 350 millions de francs en 2018 (sans compter la prise en charge par l'Etat des primes impayées par des assurés insolvables, estimée à plus de 50 millions pour 2018). Le coût supplémentaire des subsides proposés par l'initiative (un peu plus de 250 millions de francs) pourrait être couvert par l'abandon du "boulier fiscal" qui protège les hauts revenus ou les grosses fortunes, ou par une réévaluation des biens immobiliers soumis à l'impôt.

La proposition genevoise, la contrepartie vaudoise à l'accord sur l'imposition des entreprises, les deux initiatives fédérales, ne vont pas fondamentalement changer le système instauré par la loi fédérale (la LAMA), mais vont au moins en réduire les conséquences calamiteuses. Il restera donc à faire tout le travail, politique, de dépassement de ce système pour en construire un nouveau : une sécurité sociale décentralisée au niveau des cantons et financée par des cotisations tenant compte des revenus des cotisants. D'ici là, et en attendant la grande réforme, des initiatives comme celles lancées au niveau fédéral ou celles lancées à Genève s'imposent, comme des réponses concrètes à une situation concrète. Et concrètement inacceptable.

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