L'Omnipotent, l'Omniscient, l'Omniprésent, l'Omnibénévent : Macron règne


Quels sont les attributs de Dieu ? l'omnipotence, l'omniscience, l'omniprésente, l'omnibénévence. Et l'Eternité, seule qualité qui manque à Emmanuel Macron, Emmanuel signifiant d'ailleurs aussi bien « Dieu est avec nous », que « que Dieu soit avec nous ». Trève d'ironie (en cette journée internationale de la Bible, elle serait malséante), et contentons-nous de ce constat : alors même que sa popularité stagne autour de 40 % des personnes sondées, Macron est sans contre-pouvoir -sans même celui de la rue : les manifestations contre la "loi travail se font dans la division syndicale, s'ajoutant à la division entre syndicats et partis politiques. Macron tient le présidence, le gouvernement et l'Assemblée nationale. A droite, le mécontentement des maires furieux de la suppression (même partielle et échelonnée) de la taxe d'habitation est sans perspective, la droite libérale a été vampirisée par Macron et son mouvement, le Front National est aux abonnés absents, la gauche socialiste est à la recherche d'elle-même et la gauche "mouvementiste" à la recherche d'un début de commencement d'amorce d'efficacité politique. Et pendant ce temps, Macron règne, sans même avoir besoin d'être populaire : il lui suffit d'être sans adversaire.

"Regardez comme sourient les présidents quand ils font des promesses à l'innocent" (Violeta Parra)


Macron est donc seul en scène. En France, il n'a affaire qu'à des porteurs d'eau (son Premier ministre, ses ministres, les députés de majorité parlementaire), des faire-valoir ou des figurants. Et sans adversaire en France, il est même désormais sans équivalent en Europe : il a pour lui, devant lui, quatre ans et demi de pouvoir presque sans partage, alors que les chefs d'Etat et de gouvernement des principaux pays de l'Union Européenne, à commencer par Angela sont presque tous englués dans des crises politiques qui les dépassent.

Sur 100 électeurs de Macron au premier tour de la présidentielle, la moitié avaient voté pour Hollande en 2012, et seulement 18 pour Sarkozy ou Bayrou. Macron n'est certes pas un président de gauche, mais il a été porté au second tour, et donc élu, par l'électorat de gauche -ou du moins une partie de cet électorat, par rejet de la candidate du Front National mais aussi en prenant un pari (risqué) sur l'inconnu. Cet électorat-là est optimiste, quand celui de Le Pen (et, en face, celui de Mélenchon, est pessimiste), et il croyait que le mouvement qui portait Macron au pouvoir était aussi porteur d'un renouvellement des pratiques et du personnel politique -une croyance n'ayant pas besoin d'une analyse rationnelle pour se diffuser.
Macron a donc été élu grâce, essentiellement, aux voix de gauche, les voix de droite lui ayant fourni l'appoint nécessaire pour éliminer le candidat de la droite au premier tour, et la candidate de l'extrême-droite au second. Mais ce président élu par la gauche est allé chercher don Premier ministre à droite, chez les Républicains (il est vrai qu'avant de passer à droite, le Maire du Havre avait vaqué à gauche, chez les rocardiens), et pour "casser" la droite après avoir réussi à "casser" la gauche. Philippe ne s'était pourtant pas privé, pendant la campagne du premier tour de la présidentielle (il soutenait alors la candidature de Fillon), d'ironiser sur Macron : "il n'assume rien mais promet tout, avec la fougue d'un conquérant juvénile et le cynisme d'un vieux routier", "il marche sur l'eau en ce moment. Il guérit les aveugles, il multiplie les pains, il répand la bonne parole. A la France paralysée, il ordonne "Lève-toi et en marche !"; aux électeurs déboussolés, il dit "Celui qui vient à moi n'aura jamais faim et celui qui croit en moi n'aura jamais soif"... Et puis, le premier tour passé, Philippe a rencontré Emmanuel sur un chemin de Damas le menant à Matignon, arrivée saluée par plus d'une centaine d'élus des "Républicains" comme un "acte politique de portée considérable", et par Jean-Luc Mélenchon comme la manifestation d'une "annexion" de la droite, et de la volonté de Macron de "prendre le commandement de toute la classe politique traditionnelle de notre pays" -classe politique traditionnelle dont Méluche lui-même est d'ailleurs issu.
Car c'est l'autre "effet Macron", sur la gauche, celui-là : la liquéfaction du PS, et le confinement de la "gauche de la gauche" dans une fonction tribunitienne sans "relais de masse". Et puis, d'ailleurs, d'où nous vient-il, Méluche ? de la planète mars ? des faubourgs de Caracas ? Non : d'une vieille tradition de la gauche française. Et d'un parcours à travers presque toutes ses cultures politiques : il fut trotskiste (de la tribu lambertiste), puis (comme nombre de trotskystes des diverses tribus de l'espèce) socialiste (de la tribu mitterandienne), il est devenu "mouvementiste". Et, le voulant ou non, personnification de la gauche de la gauche. Une personnification, au risque de la personnalisation, tout à fait dans la logique de la Ve République -ce même système qu'il veut dépasser, mais auquel il est confronté, comme tous les acteurs politiques français, sauf ceux qui, délibérément, se situent hors du champ institutionnel. Ce champ où règne Macron, souriant comme "sourient les présidents quand ils font des promesses à l'innocent" (Violeta Parra)...

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