Autour de la religion...


Prémices et prémisses de la laïcité

"La liberté de conscience est illimitée; la manifestation des opinions religieuses est subordonnée aux sentiments de la concorde et de la paix. Tous les cultes sont permis s'ils ne troublent point l'ordre public et n'affectent aucune domination ou prééminence. La police les surveille et a le droit de s'enquérir des dogmes et des devoirs qu'ile enseignent. Les rapports d'une secte avec une autorité étrangère ne doivent influer ni sur les affaires politiques, ni sur la prospérité et les lumières du peuple" (Art 6 de la Constitution de la République Helvétique). Cette première (1798) constitution suisse est aussi la seule dont se soit dotée l'Etat central qui pose le principe de la laïcité, sans utiliser ce terme (on est en 1798, pas en 1905) mais en donnant de la liberté religieuse une définition qui ne diffère pas fondamentalement de celle qu'on peut donner deux siècles plus tard : une conjugaison de la liberté et de l'égalité, dans la séparation des cultes religieux et de l'Etat...


Les religions ne sont tolérantes que lorsqu'elles ne peuvent pas faire autrement...

La liberté religieuse n'est assurée que dans des sociétés où règne le pluralisme religieux (et irréligieux) : c'est ce pluralisme qui impose cette liberté et la rend "incontournable", sauf à accepter une situation de conflit permanent entre les différentes composantes religieuses (ou irréligieuses...) de la société : c'est parce que le pluralisme confessionnel n'avait pu être évité en France que l'Edit de Nantes avait admis la liberté religieuse, dans les limites que l'époque lui imposait. Et la révocation de l'Edit ne fut qu'une tentative, malheureuse et calamiteuse, d'extirper ce pluralisme en abolissant cette liberté : la France y a considérablement perdu -mais Genève et la Prusse y ont considérablement gagné... quoique pas forcément en ouverture, en pluralisme, pour ne pas parler de "laïcité" : On trouvera ainsi une excellente définition (en  forme de revendication) de la confusion de la religion et de la politique, de l'église et de l'Etat, sous la plume de Jean Calvin : "un gouvernement qui néglige la religion est un gouvernement mutilé. Et les magistrats qui ne s'occupent que des affaires publiques, et ne songent pas à faire observer le culte divin, sont de passifs avortons"... N'importe quel salafiste pourrait reprendre cette sentence calvinienne, à quoi Sébastien Castellion répondait que "Nul ne devient bon contre son gré. Et ceux qui veulent contraindre les hommes à la foi sont comme celui qui voudrait introduire de force, à l'aide d'un bâton, de la nourriture dans la bouche d'un malade qui s'y refuse".

La sécularisation, la laïcité, la liberté religieuse s'imposent en "Occident" en émergeant des sociétés occidentales elles-mêmes : elles n'ont pas été imposées de l'extérieur, par une invasion, une occupation, une colonisation. Elles ne s'imposeront pas non plus dans le monde islamique en émergeant d'une autre source que celle de ce monde lui-même. Il n'y a pas de religion monothéiste plus tolérante ou plus intolérante qu'une autre : chacune n'est tolérante des fois différentes (ou des absences de foi) que lorsqu'elle y est contrainte par la société, ou par l'histoire. Le christianisme ne devient tolérant que dès lors que la société, du moins ses élites, ne supporte plus l'exercice de l'intolérance par les églises instituées. L'islam n'est (ou n'était) tolérant que dans les sociétés où il coexiste (ou coexistait) avec d'autres religions monothéistes, confinées dans un statut de marge autorisée. Le judaïsme n'est devenu tolérant qu'en exil de sa terre promise -lorsqu'il la dominait, la Bible elle-même est assez éloquente quant au sort qu'il réservait aux fidèles d'autres religions. Lorsque l'on croit en un Dieu unique, on exclut tous les autres dieux et tous ceux qui les révèrent -et à plus forte raison ceux qui ne croient à aucun dieu et ne reconnaissent aucun prophète : les religions ne sont durablement tolérantes que lorsqu'elles ne peuvent pas faire autrement...

Parlant des auteurs du carnage de "Charlie Hebdo", le président François Hollande, mué en islamologue, avait assuré que "ces illuminés fanatiques n'ont rien à  voir avec l'islam". On ne se permettra pas de douter des compétences de l'ancien président de la République française s'agissant de distinguer ceux qui "n'ont rien à  voir avec l'islam" de ceux qui ont tout, ou quelque chose, à y voir, mais on rappellera tout de même que c'est bien de l'islam et pas du yezidisme ou du zoroastrisme que se réclamaient les assassins de "Charlie". Et qu'ils étaient aussi fondés à  s'en réclamer que François Hollande à leur en dénier le droit.

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