Jeremy Corbyn à Genève ce soir pour recevoir le prix Sean McBride

Welcome, Comrade !


Ce soir, à 18 heures, à la Mairie de Genève (Palais Eynard, 4 rue de la Croix Rouge), le leader du Parti travailliste britannique, et chef de l'opposition au gouvernement conservateur, et peut-être (ou sans doute...) prochain Premier Ministre de Grande-Bretagne, Jeremy Corbyn, recevra le Prix Sean McBride pour la Paix, décerné par le Bureau International pour la Paix. La cérémonie est publique, Jeremy Corbyn y prendra la parole. Il reçoit ce prix pour son engagement dans la campagne pour le désarmement nucléaire de la Grande-Bretagne -un engagement qui s'ajoute à tous ceux qui sont les siens, depuis des décennies, au sein de la gauche britannique -et de la gauche du Parti travailliste.


Corbyn, c’est un Mélenchon qui serait resté au PS.


Bernie Sanders ne sera peut-être pas président des Etats-Unis, Jeremy Corbyn n'est pas (encore) Premier ministre de Grande-Bretagne, mais l'un et l'autre ont redonné à la gauche de leur pays des couleurs qu'elle avait perdues. Et c'est un double paradoxe : d'abord, parce que ce sont de vieux militants, et des élus de longue date, qui balancent ce coup de jeune à une gauche que des jeunes aux dents plus longues que les convictions avaient réduite à plus grand chose. Ensuite, parce que Sanders et Corbyn défendent un programme, des projets, des convictions typiquement et profondément social-démocrates. Mais au vrai sens politique du qualificatif. Au sein de ce à quoi la social-démocratie s'était réduite, la renaissance d'un projet social-démocrate digne de ce nom (la plupart des formations de la "gauche de la gauche" n'en défendant d'ailleurs pas un autre) tient du virage à gauche.


La progression spectaculaire des travaillistes lors des dernières élections législatives britanniques, dans le même temps où s’effondrait la gauche française, s’est faite sur cette même ligne, celle de Corbyn précisément, résolument à gauche, ce qui en Grande-Bretagne signifie une ligne social-démocrate au vrai et originel sens du terme : étatiste, redistributrice, égalisatrice. Corbyn propose des nationalisations, un renforcement des aides de l'Etat, un contrôle du politique sur l'économie. Plus rien à voir avec le « social-libéralisme » de Blair, ni avec la tradition social-libérale des Fabiens. Mais rien à voir non plus avec une stratégie de « rupture » : Corbyn est un socialiste de l’espèce la plus traditionnelle, la plus « archaïque » disent ses (nombreux) adversaires au sein de son propre parti. Cela fait quarante ans qu’il est membre du Labour, trente ans qu’il est député et vingt ans qu’il y est l’une des incarnations de la gauche socialiste. Corbyn, c’est un Mélenchon qui serait resté au PS pour le changer, ou le faire renaître au socialisme. Et le voilà promu par "Le Monde" du 12 août dernier "champion de la gauche radicale en Europe", en étant parvenu à "fédérer des couches de population aux opinions divergentes, mais toutes désireuses d'un changement de politique", des jeunes anticapitalistes radicaux à la classe ouvrière traditionnelle soucieuse de défendre ses propres droits : des centaines de milliers de personnes, nouveaux adhérents ou anciens militants que la dérive droitière du parti avait fait fuir, et qui y reviennent, ont rejoint les rangs du Parti Travailliste depuis qu'il en est devenu le leader.


Comme disait Alain Krivine (les vieux trostks ne sont pas sans lucidité quand elle porte sur d'autres qu'eux), "les sociaux démocrates qui ne peuvent pas faire de réformes, ils sont foutus. Ou ils s'adaptent complétement au capitalisme et ils deviennent libéraux -ce qu'on appelle le social-libéralisme-, ou ils meurent". On ajoutera cependant qu'il leur reste le choix de (re)devenir socialistes... comme Jeremy Corbyn (qui, lui, n'a jamais cessé de l'être) tente de faire redevenir son parti, un Labour débarrassé du présomptueux "New" que le funeste Blair lui avait accolé.

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