"Sauver le Plaza" : les choses sérieuses commencent


Impossible n'est pas genevois

Mercredi, le Conseil d'Etat a, dans un arrêté publié aujourd'hui dans la Feuille d'Avis Officielle, constaté l'aboutissement de l'initiative populaire cantonale législative "Le Plaza ne doit pas mourir", qui avait été déposée avec 11'316 signatures. Il en fallait 7697 valable pour que l'initiative aboutisse, le Service des votations et élections en a trouvé 7701 valables en ne vérifiant que 8455 de celles rendues, l'initiative a donc abouti. Les choses sérieuses vont donc commencer : le gouvernement a jusqu'au 1er avril 2018 pour se prononcer sur la validité de l'initiative et transmettre au Grand Conseil un rapport sur sa prise en considération, le Grand Conseil a jusqu'au 1er décembre 2018 pour décider sur cette prise en considération et d'un éventuel contre-projet, et jusqu'au 1er décembre 2019 pour l'adopter. Après quoi, c'est au Conseil d'Etat de fixer la date de mise en votation de l'initiative et du contre-projet. Un parcours encore semé de quelques traîtresses embûches, mais pour les surmonter les défenseurs de ce qui fut la plus belle salle de cinéma genevois ne sont plus la demie-douzaine d'irreductibles à gueules d'alternatifs qui s'opposent depuis plus de deux ans à son saccage et sa destruction (Plus d'infos sur
http://fb.me/PlazaCitta) : ils ont plus de 10'000 citoyennes et citoyens genevois avec eux. Impossible n'est pas genevois.

"Le patrimoine représente une histoire, une identité et ses habitants" et doit être "vivant, utile..."

Intéressante, la page consacrée dans le GHI de mercredi au recensement du patrimoine architectural de Meyrin et Vernier, et au projet d'inventaire complet du patrimoine genevois dans lequel il s'insère. Intéressante par son sujet, mais aussi par les déclarations des responsables de la politique dans ce domaine, du chef du département de tutelle, Antonio Hodgers, pour qui "identifier et protéger (le patrimoine genevois) est un enjeu majeur", au directeur du Service de l'inventaire des monuments d'arts et d'histoire, Mathieu de la Corbière, qui relève le "regard nouveau" porté sur le bâti du XXe siècle...

Pour Antonio Hodgers, il faut "informer et éviter qu'on défende des bâtiments dignes de protection trop tard". A quoi pensait-il précisément, le Conseiller d'Etat ? Nous, ici, on n'a pu s'empêcher de penser à ce ce qui fut (et pourrait redevenir) le plus beau cinéma genevois : "Le Plaza", à Chantepoulet, que son propriétaire a pour projet de détruire pour construire à sa place un centre commercial, et sous le centre commercial un parking (et sur le centre commercial, des "logements pour étudiants" histoire de diluer un peu les objectifs purement financiers de l'exercice). Ce projet a obtenu l'autorisation de construire -et donc celle de détruire la salle- qui lui était nécessaire. Il l'a obtenue malgré toutes ses tares (à commencer par celle de nécessiter, pour pouvoir être autorisé, une dérogation générale à quasiment toutes les lois qu'un projet de ce genre est supposé respecter).

"Nous devons rappeler aux urbanistes et architectes que Genève n'est pas une page blanche, vierge. Que le patrimoine représente une histoire, une identité et ses habitants". Et qu'il doit être "vivant, utile...". Et que pour cela, il faut "concilier la valeur patrimoniale et la valeur d'usage". Nous n'aurions pas dit mieux que le Conseiller d'Etat pour engager le débat sur le sauvetage, la réhabilitation, la réouverture du Plaza, avec un vrai projet culturel. Car si considérable que soit la valeur patrimoniale de cette salle, elle ne se réalise pleinement que par un projet d'utilisation -ses défenseurs ne veulent pas d'une belle sale vide et inutilisée.  S'ajoutant à la valeur patrimoniale du Plaza, seul un tel projet, que les qualités architecturales de la salle rendent possible, peut justifier l'intervention de la Ville et du canton. Mais pour que cette intervention se fasse, il n'était plus qu'un moyen légal possible, tous les autres ayant été utilisé en vain : l'expropriation pour utilité publique. Cette expropriation pourrait être décidée par le parlement cantonal, mais le rapport des forces politiques qui y règne laisse peu de chances à une telle solution. Ne restait donc que la décision populaire, par voie d'initiative législative. Et donc, elle a été lancée. Et elle a abouti. Et plus de 11'300 personnes l'ont signée, dont plus de 10'000 ont le droit de vote à Genève. Et ont ainsi dit, par leur signature, la même chose que ce que le Conseiller d'Etat Hodgers dit à GHI : "Le patrimoine représente une histoire, une identité et ses habitants". Et il doit être "vivant, utile...". Et pour cela, il faut "concilier sa valeur patrimoniale et sa valeur d'usage". C'est ce que l'initiative populaire demande. Et si on est capable de la faire accepter par le peuple (et d'abord de la lui soumettre...), on sauvera "le Plaza" du triste destin d'être détruit pour laisser place (de parking) à un centre commercial de plus. Et on préservera durablement le patrimoine de la menace de voir sa protection réduite par des critères de rentabilité commerciale qui ne peuvent que la nier.

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