Commission municipale des naturalisations : Appendicectomie bienvenue

Ces derniers mois se sont succédés, un peu partout en Suisse, les épisodes les plus navrants de l'activité des commissions municipales de naturalisation : des candidates et candidats refusés parce qu'il ne fréquentaient pas l'épicerie du coin mais la Migros de la commune d'à côté, ou parce qu'ils n'aimaient pas le bruit des cloches des vaches, ou parce qu'ils ne connaissaient pas les noms des trois suisses du mythe grutléen, ce genre d'âneries... A Genève, même si on arrive aussi d'y entendre des énormités, les commissions municipales des naturalisations sont évidemment moins nuisibles qu'ailleurs : la faute, ou plutôt la grâce, à la cantonalisation plus poussée qu'ailleurs de la procédure de naturalisation. Est-ce une raison suffisante pour maintenir à toute force, et sous n'importe quel prétexte, une instance inutile, qui ne décide de rien, n'enquête sur rien (sauf à sortir de ses compétences légales), ralentit et renchérit la procédure ? Le Conseil municipal de la Ville de Genève devrait en décider aujourd'hui ou demain, pour sa commune. Une décision qui n'aura de toute façon, quelle qu'elle soit rien de définitif. Il n'aura pas fallu moins de sept séances, avec ou sans auditions, à la commission du réglement  pour accoucher des propositions de sa majorité (maintien de la commission) et de sa minorité (substitution d'une commission de l'intégration à la commission des naturalisations) alors que sur le fond du débat, les positions des unes, des uns et des autres étaient connues et affirmées du début à la fin des discussions en commission du règlement. On ne préjugera pas le sort que réservera le Conseil municipal à sa commission des naturalisations, on notera seulement qu'après tout, vu son utilité dans le processus de naturalisation, la supprimer ne serait pas plus une amputation que ne l'est une appendicectomie.


Et si on essayait d'être un peu utiles à quelque chose ?


Le débat en cours sur le maintien ou non de la commission des naturalisations en Ville ne porte pas sur le choix politique (voire idéologique, en tout cas culturel...) entre le « droit du sol » et le « droit du sang », autrement dit entre un droit républicain et un droit communautariste : ce choix échappe totalement à la commune (et même, pour l'essentiel, au canton), il est fait par la loi fédérale sur la base du « droit du sang », avec quelques éléments de « droit du sol », par le parlement fédéral, voire le peuple. Les dispositions cantonales ne peuvent qu'aménager la traduction concrète de ce choix fédéral, et les dispositions municipales ne peuvent qu'aménager la manière dont la commune donne son préavis. Le vote du Conseil municipal de la Ville de Genève sur le sort de sa commission des naturalisations n'y changera rien : seuls les actes du canton et de la Confédération ont valeur de décision. A Genève, en effet, depuis un demi-millénaire, l'octroi de la citoyenneté est une prérogative de la République et non de la Commune. la " bourgeoisie", quand elle existait, puis la citoyenneté, le droit de cité et la nationalité, sont depuis le XVIe siècle, et sans jamais aucune exception, ne fût-ce que d'un jour, des compétences régaliennes, au sens de compétences de la République, et non de la commune. La commune n'a jamais donné au canton le pouvoir de délivrer le droit de cité communal, puisque ce pouvoir, elle ne l'a jamais eu. Elle ne décide même plus du droit de cité communal, qui à Genève est accordé par le canton -aucune opposition ne s'étant exprimée lorsque ce choix a été fait dans la loi, laquelle ne fait même aucune mention d'un accord préalable de la commune à la disposition de son droit de cité par le canton.
Supprimer une commission municipale des naturalisations n'attente donc en rien aux compétences de la commune, pas plus que la maintenir n'affirme ces compétences, puisqu'en la matière, elle n'en a quasiment aucune, sinon celle de donner un préavis qui ne porte que sur des dossiers qui ont déjà reçu le préavis cantonal décisif. Autrement dit : la commune délivre un préavis sur des dossiers où ce préavis ne sert plus à rien. Et quelle que soit la décision du Conseil municipal sur la suppression ou non de sa commission des naturalisation, et la création ou non d'une commission de l'accueil et de l'intégration, la commune continuera à ne donner que des préavis sur des dossiers qui ont déjà reçu un préavis favorable. La seule question qui est posée au Conseil municipal est de savoir qui va donner ces préavis, qui peut les donner le plus rationnellement et le moins arbitrairement possible, et dans des délais acceptables.  A quoi peut bien servir une commission des naturalisations dont les membres ne peuvent ni enquêter sur les candidates et candidats, ni vérifier leurs connaissances de la langue et de la société genevoise, ni formuler un préavis puisque seul le Conseil municipal ou le Conseil administratif peuvent préaviser ?
La majorité (de droite) de la commission a adopté une proposition bricolée qui n'a  qu'une seule ambition, maintenir coûte que coûte la commission des naturalisations du Conseil municipal. La minorité de la commission (la gauche, pour résumer) propose, elle, la transformation de la commission des naturalisations en une commission de l'accueil et de l'intégration. Autrement dit, de donner à la commune des compétences dans un domaine où elle peut en acquérir, plutôt que continuer à croire qu'elle en a dans un domaine où elle n'en a pas et n'en a jamais eu.
Le principal dysfonctionnement qu'amène la commission municipale des naturalisations dans le processus de naturalisation, est ainsi son existence même : elle le ralentit, y amène des éléments supplémentaires de subjectivité et d'arbitraire et permet à ses membres qu'ils ont quelque rôle à jouer dans le processus de naturalisation, au lieu que de leur faire jouer un rôle plus utile, dans l'accueil et l'intégration. Si nous voulons que cette commission puisse être utile à quelque chose, il faut la changer, en faire autre chose que ce qu'elle est et la sortir du processus de naturalisation, qu'elle encombre et qui l'encombre.
En engluant la commune, et le Conseil municipal lui- même, dans une procédure formelle -celle de naturalisation- où elle et il n'ont qu'une part tout à fait accessoire,  on empêche la commune d'assumer une tâche qu'elle, la commune, et lui, le Conseil municipal, peuvent mieux que tout autre assurer : celle de l'accueil de nos futures concitoyennes et nos futurs concitoyens -et plus largement, des nouveaux habitants de la Ville.  C'est cette tâche dont la gauche propose de donner les moyens à la commune, parce que cette tâche-là est utile, et qu'à cette tâche-là la commune peut être utile.
Il ne s'agit de rien de plus, mais cela semble déjà trop à une majorité possible du Conseil municipal de Genève. Et c'est bien ce manque de courage conjugué au déni d'irréalité du rôle de la commune dans le processus de naturalisation qui a de quoi inquiéter le plus. Et de surprendre le moins.

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