Fonds de tiroir


A Genève, dans les rues basses, le réveillon a été un peu plus animé que d'habitude, grâce à un peu plus d'une centaine de militantes et militants du droit au logement, qui ont occupé un immeuble vide de sept étages (un magasin en rénovation) donnant sur l'une des rues les plus fréquentées de la ville,  et en ont été délogés manu policiari par des dizaines de robocops (116 personnes ont été interpellées, 43 ont été détenues plusieurs heures à l'hôtel de police et une trentaine de manifestants ont été dispersés au camion tonne-pompe ). « Nous avons arraché à ce centre-ville morne et livré aux logiques mortifères du marché un lieu de fête qui nous ressemble », ont proclamé les fugaces occupants du magasin H&M. « Tout un pan de la population ne se retrouve pas dans la vie nocturne, d'où ce besoin de se la réapproprier », soutient la cheffe du groupe socialiste au Conseil municipal de la Ville de Genève, Albane Schlechten. Avec la fermeture d'Artamis, il y a déjà neuf ans, le paysage culturel alternatif genevois, si florissant dans les grandes années des squats, est pratiquement réduit à l'Usine et à quelques lieux précaires. La priorité donnée à la construction de logements met la recherche d'espaces culturels non marchands en concurrence directe avec celle d'espaces de logement, et au centre-ville, les espaces commerciaux inutilisés le restent, stupidement vacants. Alors on n'a qu'un reproche à faire aux fêtards occupants des rues basses, le 31 décembre : ne pas nous avoir avertis de leur action, on les aurait rejoint, au lieu de nous retrouver comme des glands dans des rues bourrées de flicaille, une fois la fête terminée... La poésie des petits matins glauques, faut pas en abuser.

Genève n'a pas gagné un Conseiller fédéral, l'année dernière, et le Conseil fédéral n'a pas gagné un Genevois, mais le « Blick »  a gagné un chroni-queur : tous les quinze jours, Pierre Maudet publiera une chronique dans le canard zurichois (le plus fort tirage de suisse, à part « 20 Minutes »). Z'en ont de la chance, les Staubirnes... Même que c'est le « Blick » qui lui a demandé, à Maudet, de chroniquer dans ses pages, pour « qu'un Romand marquant relaie le point de vue de cette partie du pays ». Parce que du coup, le point de vue de Maudet, c'est le point de vue de la Romandie entière ? Faut croire. Et même que Maudet, il écrira ses chroniques en français. Bon, elles seront quand même traduites en tudesque, mais c'est le geste qui compte, non ?

Une alliance bigarrée de syndicats patronaux de PME, d'entreprises (la librairie Payot, par exemple), d'élue de gauche, du PDC, du PLR et de l'UDC a déposé une initiative populaire «pour des prix équitables» qui veut en finir avec l'« îlot de cherté suisse » : selon les initiants, les Suisses paient chaque année des surcoûts à la consommation de 50 milliards de francs, si on compare les prix pratiqués en Helvétie à ceux pratiqués dans les pays voisins pour la plupart des produits. Ces surcoûts sont en moyenne de 16 à 17 %, mais peuvent atteindre 70 %, du fait des marges que s'octroient les importa-teurs -dont certains empêcheraient aussi les détaillants suisses de s'approvisionner librement à l'étranger (ainsi des diffuseurs de livres qui sont des filiales suisses de groupes français et empêchent les libraires suisses de s'approvisionner librement auprès des maisons-mères en France. Bon, ça fait une initiative de plus. Mais celle-là tient un discours fort libéral de défense du «libre marché» et ça va être intéressant d'observer la réaction des défenseurs attitrés du libéralisme quand il faudra qu'ils se prononcent sur un texte qui s'inspire de leur propre idéologie en menaçant les profits de certains d'entre eux... Ben ouais, la cohérence, des fois, ça a son prix...

L'« ombudsman » (le médiateur, en français...) des media alémaniques de la SSR, Roger Blum, s'est fendu d'une prise de position à l'adresse du magazine d'actualité « 10vor10 », qui avait qualifé l'Afd allemande, le FPOe autrichien et le PVV néerlandais de partis d'extrême-droite. Un téléspectateur s'en était plaint. Et l'ombudsman lui a donné raison : faut pas les qualifier de partis d'extrême-droite mais de partis de la droite populiste. Parce qu'il existe des différences idéologiques entre eux et le fascisme, le nazisme ou le franquisme. Qui eux sont d'extrême-droite. Appa-remment, pour l'ombudsman, « extrême-droite », c'est synonyme de fasciste, ou de nazi. Sauf que c'est idiot, et réducteur : « extrême-droite », ça ne qualifie pas une idéologie ou un projet politique mais une position dans le paysage politique. La position tout à droite. Extrêmement à droite, quoi. Là ousque plus à droite, on sort du paysage. Mais ça dit rien de ce qu'on y fait, dans le paysage. Faudra le lui expliquer, à l'Ombudsman. Et en at-tendant, on continuera à désigner comme d'extrême-droite les forces po-litiques les plus à droite. Parce que les mots ont un sens. Et les situations aussi. Et que tout confondre, ça aboutit à ne rien comprendre.

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