Initiative populaire «Pour une politique culturelle cohérente à Genève» : En revenir à la loi


Le 2 janvier, le comité d’initiative «Pour une politique culturelle cohérente à Genève» a déposé 14’205 signatures (il en fallait 10'263 valables) au service des votations et élections. Sa démarche, soutenue par les milieux culturels (notamment l'Action intermittents, Aropa, La Culture Lutte, Fonction:Cinéma, Les Rencontres Professionnelles de Danses) et le SIT – Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs est présentée par le comité d'initiative comme une "remise en question des options récemment prises en matière de gouvernance culturelle". Son texte propose d’instaurer une collaboration active entre les communes, les villes et le canton pour élaborer et mettre en œuvre une politique culturelle publique cohérente. Il demande en outre un engagement renforcé du canton en matière de cofinancement de la création artistique et des institutions culturelles. Au fond, l’initiative demande d'inscrire dans la constitution le principe du "faire ensemble" que la loi sur la culture prévoyait déjà, et que le processus de répartition des tâches culturelles entre le canton et les communes, particulièrement la Ville, avait faussé, dérouté et réduit à un marchandage. l'initiative, si elle est acceptée par le peuple, devrait permettre de hausser le canton à la hauteur des responsabilités que la loi lui donne, et que sa majorité parlementaire refuse d'assumer. Les deux magistrats en charge de la culture pour la Ville et pour le canton, Sami Kanaan et Anne Emery Torracinta, ont d'ailleurs salué son aboutissement : elle et lui sont confrontés à des parlements où la droite et l'extrême-droite majoritaires n'ont, ni au Grand Conseil ni au Conseil municipal le moindre début d'amorce de projet culturel.

Se partager les champs culturels comme on se partagerait des territoires

En novembre 2013, les deux magistrats en charge de l'essentiel de la politique culturelle genevoise, le Conseiller d'Etat Charles Beer et le Conseiller administratif Sami Kanaan, affirmaient de concert leur volonté de  faire travailler le canton et la Ville ensemble dans le champ culturel (six mois avant, une nouvelle loi cantonale sur la culture avait été adoptée par le Grand Conseil -mais cette loi n'avait pas pour objectif un hypothétique "désenchevêtrement"). Quatre ans et des poussières plus tard, où en est-on ?  A se partager les champs culturels comme on se partagerait des territoires, avec pour mot d'ordre "chacun chez soi".

Fin janvier 2016, "La Culture lutte" exprimait à la Conseillère d'Etat Anne Emery Torracinta, au Conseiller administratif Sami Kanaan, aux députés, aux Conseillers municipaux (et à d'autres intervenants dans le financement de la culture) sa "stupéfaction" et ses "sérieuses interrogations quand au dispositif de désenchevêtrement dans le domaine artistique et culturel", dispositif "discuté et mis en place sans aucune concertation avec les milieux concernés", pas même avec le Conseil consultatif de la culture, chargé par la loi de conseiller les collectivités publiques sur "les orientations et les priorités de leurs politiques culturelles et de la politique culturelle coordonnée sur l'ensemble du territoire cantonal". Pour "La Culture lutte", le dispositif mis en place pour se répartir les tâches et les charges dans la politique culturelle ne relève pas d'un projet politique mais d'un "marchandage" qui "consacre la seule politique budgétaire au détriment de la politique culturelle", et qui s'est effectué entre les seuls canton et Ville, en ignorant les autres collectivités, en particulier les 44 autres communes du canton. Verdict de "La Culture lutte" : "Le désenchevêtrement est un projet au petits pieds, purement court-thermiste, qui va conduire, touche par touche, à la destruction des projets culturels qui font aujourd'hui la richesse et la vitalité de Genève de par leur nature même".

L'initiative qui vient d'aboutir est une réponse à ce constat : Genève est certes de tous les cantons suisses celui où les collectivités publiques (le canton et les communes) consacrent le plus de ressources financières (et humaines) à la culture, avec 532 francs par habitants en 2014, mais cela tient d'abord à sa réalité de canton urbain (Bâle-Ville n'est d'ailleurs pas si éloignée de Genève en termes d'efforts quantitatifs pour la culture, alors même qu'il n'y a pas de commune de Bâle...), universitaire, tertiaire, frontalier et international tout à la fois. Mais la charge de cet effort matériel pour la culture est fort mal répartie entre la Ville, qui en supporte l'essentiel, les autres communes et le canton. Une nouvelle répartition des charges et des compétences se justifiait donc, quant au principe. Encore eût-il fallu qu'elle soit fondée sur le principe et la méthode de "faire ensemble" plutôt que sur le principe du "chacun chez soi" et la méthode de la "shopping list". que l'initiative refuse de pérenniser, en quoi elle mérite notre soutien.
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