Coupes dans le budget de coopération internationale de la Ville de Genève : Sur le dos de qui ?


55 % de la population mondiale vit sans protection sociale : ni retraite, ni indemnités de chômage, ni assurance-maladie... c'est le constat du rapport de l'OIT sur la protection sociale présenté le 30 novembre dernier à Genève. Constat à confronter à l'objectif (l'un de ceux des Nations Unies pour le développement durable) de mettre en oeuvre des systèmes nationaux de protection sociale partout et pour tous d'ici 2030. C'est dans douze ans. Et c'est pas gagné : La directrice du département de la protection sociale de l'OIT résume : "les politiques d'austérité à court terme continuent de saper les efforts de développement à long terme". Même à Genève, ces politiques sévissent : d'entre les coupes imposées par la droite coagulée dans le budget de la Ville et que la gauche propose d'annuler (on vote le 4 mars...), on notera celle (340'000 francs) opérée dans les ressources allouées à la solidarité et à la coopération internationale... Mais bon, l'essentiel est sauf : nos jetons de présence et indemnités de conseillers municipaux n'ont pas été réduits (ils équivalent précisément, en gros à ce que la droite a coupé dans la coopération internationale). Question de priorités politiques, certainement. "Les affrontements politiques municipaux ne doivent pas se dérouler sur le dos des plus pauvres", proteste la Fédération genevoise de coopération. Mais sur le dos de qui pouvait-on s'attendre à ce que la droite municipale les déroule ? celui des plus riches ?

La paille et la poutre

Depuis bientôt cinquante ans, les pays "développés" se sont engagés à accorder à l'aide au développement 0,7 % de leur produit intérieur brut. 17 communes genevoises respectent cet engagement... allant même au-delà, jusqu'au 0,7 % du budget de fonctionnement municipal annuel.  La Ville de Genève n'y est pas encore (elle en était en 2016 à 0,61 %), mais le Conseil administratif s'était engagé à l'atteindre. Encore faut-il lui consacrer les budgets nécessaires (elle a un budget de solidarité internationale depuis 1967). Le projet de budget 2017 prévoyait de s'en approcher, mais la droite municipale a célébré à sa manière le cinquantenaire du budget de solidarité internationale de la Ville en réduisant de 340'000 francs les ressources proposées proposées à la coopération au développement et la solidarité internationale en 2017, pour augmenter, sans demande exprimée en ce sens par les instances qui en sont responsables (la Croix Rouge, notamment) celles de l'"aide au retour" des requérants d'asile déboutés, histoire de jouer les besoins, les précarités et les nécessités les unes contre les autres. Or la solidarité et la coopération internationales ne sont pas des variables d'ajustement budgétaire, ni des accessoires budgétaires auxquels on peut opposer l'aide humanitaire ou l'aide au retour des migrants : ce sont des engagements fondamentaux, surtout pour une ville comme Genève. Ce sont d'ailleurs aussi des engagements constitutionnels (art. 54 de la Constitution suisse, article 146 de la Constitution genevoise).

On dira (on l'entend déjà) que 340'000 francs, c'est rien. Une paille. Pourquoi couper, alors, si l'économie ainsi faite est ridicule ? De fait, sur un budget municipal de plus de 1,1 milliard, la coupe est en effet ridicule, et sans aucune justification financière (le projet de budget était excédentaire, les comptes le sont année après année) Mais si la coupe est sans effet sur le budget de la Ville, elle ne l'est pas sur les projets concrets de coopération, sur le terrain, au plus près des besoins des populations les plus précarisées (celles précisément qu'on ne veut pas voir venir chez nous quand elles ne peuvent vivre décemment chez elles). Swissaid relève ainsi que lorsque les femmes ont accès à l'éducation, la la malnutrition chez les enfants recule de 43 % de ce seul fait. Or d'entre les projets soutenus par la Ville, par l'intermédiaire de la Fédération genevoise de coopération, il y a en a qui portent précisément sur l'éducation des femmes. D'autres portent sur la défense de l'environnement, la promotion de la santé, la promotion des droits fondamentaux (en particulier ceux des femmes et des enfants)... Des pailles, sans doute aussi ?

340'000 francs, c'est une aide directe de Terre des Hommes à 70'000 personnes au Burkina Faso, par des projets de promotion du droit à l'éducation, à l'alimentation et à la lutte contre l'exploitation du travail. C'est pour Helvetas permettre à 6'000 personnes d'accéder à l'eau potable. C'est l'ensemble du financement des projets d'AccEd au Sénégal, au Burkina et au Togo contre le travail des enfants et des jeunes filles et pour leur scolarisation, pour la protection de l'environnement. C'est l'ensemble des projets de la Centrale Sanitaire en Amérique latine, pour la réduction de la mortalité maternelle et des grossesses précoces et la formation du personnel soignant. C'est l'ensemble des activités de FH Suisse en Ouganda et au Rwanda.
Des pailles, on vous dit. Et des poutres, alors, dans les yeux de qui ?

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