8 mars, Journée internationale de lutte des femmes : Debout, sorcières !

Depuis plus d'un siècle, le 8 mars est la journée de la lutte des femmes pour leurs droits (l'institution de cette journée remonte au congrès des femmes socialistes de 1910). Dans le calendrier pataphysique, ce jour du 8 mars est Jour de Sabbat. Ce qui tombe bien pour un jour de solidarité avec les luttes de celles qui furent si longtemps (et sont encore en quelques contrées, et quelques milieux) considérées et traitées comme des sorcières. Et qui, lasses d'attendre que les promesses des lois, des constitutions, des chartes et des déclarations universelles aient été concrétisées, pourraient (devraient) retrouver l'usage de la seule sorcellerie qui fasse bouger les choses politiques, sociales et culturelles : les mobilisations de masse, façon "Grève des Femmes" : à demi-mot, même la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga le leur recommande.  En attendant, écoutez-les chanter, les sorcières, avec les mots d'Anne Sylvestre et la voix de Pauline Julien : https://www.youtube.com/watch?v=kM8M7mGEQzM


Le combat continue, et il est révolutionnaire. Forcément révolutionnaire, puisqu'il change tout.


Ici, en Suisse, et maintenant, en 2018, la journée de lutte des femmes porte comme l'une de ses revendications fondamentales celle de l'égalité salariale. En arrière fond, évidemment, il y a le formidable mouvement lancé depuis l'affaire Weinstein, contre le harcèlement et les agressions sexuelles, mais qu'on en soit encore, aussi, à revendiquer, en 2018, le respect d'un principe aussi évident que l'égalité salariale, en plus de devoir défendre le droit des femmes à n'être pas harcelées, agressées, violées, dit bien qu'à tous les niveaux, sur tous les terrains, dans tous les champs sociaux, le combat féministe est encore à mener, et le soutien à ce combat à affirmer. C'est trivial, le combat pour l'égalité des salaires ? Peut-être, mais c'est aussi central, parce que l'inégalité contre laquelle ce combat se mène est le produit de toutes les autres : des inégalités sociales, culturelles, économiques et politiques. La décision consternante du Conseil des Etats, le 28 février dernier, de renvoyer en commission (sur proposition du PDC) une proposition pourtant prudente et aboutie de contrôle de l'égalité salariale (proclamée par la constitution fédérale depuis... 37 ans... et imposée par la loi depuis... 22 ans... mais toujours pas respectée) en témoigne : dans les lieux de pouvoir où se concentrent toutes les inégalités (et le parlement est l'un de ces lieux), ce pouvoir fera tout pour maintenir ces inégalités, surtout lorsqu'elles se mesurent en ressources financières : la combat pour l'égalité salariale appuie là où ça fait mal, au porte-monnaie -c'est dire sa légitimité.
Il y a aujourd'hui plus de femmes "actives" professionnellement qu'il y en jamais eu, et plus de femmes bien formées, disposant d'un pouvoir dans la hiérarchie des entreprises ou des services publics -mais il n'y a jamais eu non plus autant de chômeuses et de travailleuses précaires. Globalement plus instruites et plus diplômées que les hommes à 20 ans, elles sont toujours globalement moins payées que les hommes lorsqu'elles occupent un emploi comparable, et touchent des retraites inférieures à celles des hommes : la maternité et le rôle familial sont passés par là, mais aussi une discrimination sans base objective, ne reposant que sur des préjugés et des traditions. En Suisse, la différence moyenne de revenu mensuel entre hommes et femmes est de 18 % (au détriment des femmes, bien sûr), et la différence inexplicable autrement que par une pure discrimination sexiste est de 7 %. Cette inégalité de revenu, cela représente, sur une vie, 400'000 francs de revenu en moins pour une femme, et des milliards de rentrées fiscales perdues.
L'émancipation des femmes n'est pas encore pleinement acquise, mais si inaboutie qu'elle soit, elle n'en est pas moins, déjà, un bouleversement de nos société. Les moments qui scandent cette lente émancipation disent, les uns après les autres, les ruptures de l'ordre ancien.
Rien n'a été donné aux femmes, tout a été conquis, par des siècles de luttes au pluriel, et d'une lutte au singulier, constante, pour l'égalité des droits politiques et sociaux, pour le droit de disposer de leur corps et de leur vie.
Il leur faudra attendre 1960 pour obtenir les droits politiques à Genève, 1971 pour les obtenir en Suisse (et quelques cantons traînèrent encore les génitoires quelques années de plus pour les accorder chez eux). Il faudra attendre 1978 pour que l'autorité parentale soit conjointe, et non plus seulement paternelle, 1988 pour que les époux aient les mêmes droits et devoirs et que l'homme ne soit plus "chef de famille". Il faudra attendre 1992 pour que le viol et les contraintes sexuelles dans le cadre du couple soient punissables, 2001 pour que les couples homosexuels et hétérosexuels puissent à Genève s'enregistrer comme tels à l'état civil, 2013 pour que les femmes aient le droit de garder leur nom de famille lors du mariage. A Genève, les filles n'ont eu accès à la maturité latine qu'en 1925 et à la maturité moderne qu'en 1932 -mais le Collège leur était interdit jusqu'en 1969... Jusque dans les années 1980, les femmes mariées devaient obtenir l'autorisation de leur mari pour travailler ou ouvrir un compte en banque... Et n'oublions pas les luttes pour le droit à la contraception et à l'interruption de grossesse...
On vient de loin, mais on va là où on doit aller, et on y va par une lutte menée par une lutte menée par les femmes sur tous les terrains, y compris au sein des organisations politiques et sociales qui, rhétoriquement, la soutenaient mais qui, concrètement, reproduisaient dans leurs structures, leurs pratiques et leurs réflexes ce contre quoi précisément cette lutte se menait.
Le combat continue, et il est révolutionnaire. Forcément révolutionnaire, puisqu'il change tout.

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