Genève : la gauche lance une initiative constitutionnelle sur la fiscalité


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Face à un rapport de force parlementaire ne lui laissant guère d'espoir de faire entendre raison sociale aux promoteurs de la traduction genevoise de la réforme fédérale de l'imposition des entreprises (la PF 17, qui reprend l'essentiel de la défunte réforme RIE III balayée en votation populaire), la gauche politique et syndicale genevoise a choisi de donner la parole au peuple : elle lance aujourd'hui une initiative constitutionnelle encadrant toute réforme fiscale pour en limiter les conséquences sur les ressources des collectivités publiques, pour assurer les prestations à la population et combattre la concurrence fiscale intercantonale, pour ne pas dire le dumping fiscal auquel se livrent certains cantons sur le dos des autres. L'initiative, lancée par l'Alternative (PS, Verts, Ensemble à Gauche) et la Communauté genevoise d'action syndicale (c'est-à-dire l'ensemble des syndicats genevois) propose d'inscrire dans la constitution le mandat donné au canton de lutter contre cette concurrence fiscale intercantonale et de soumettre la mise en oeuvre cantonale des réformes fiscales fédérales au respect de trois objectifs : la préservation du financement des services publics et des prestations à la population, le maintien du niveau des recettes fiscales du canton et des communes, le renforcement de la progressivité de l'impôt.


Zéro perte : garantir les ressources publiques, les prestations et la création d'emplois

Il y a deux enjeux dans l'initiative "Zéro perte" que la gauche politique et syndicale genevoise lance pour "garantir les ressources publiques, les prestations et la création d'emplois" : s'opposer et poser. S'opposer à la remouture de la RIE III rebaptisée PF17, et poser dans la Constitution de la République les principes que toute réforme fiscale devrait respecter.  Le premier enjeu est résumé par le taux d'imposition unique des entreprises (13,49 % contre les 21,4 % actuels), proposé par le Conseil d'Etat, avec pour principal argument la concurrence fiscale avec... les Iles Caïman ? non : le canton de Vaud. Ce taux de 13,49 % signifie pour les caisses publiques genevoises, cantonale et communales, une perte d'au moins 367 millions par an. Pour que l'opération d'unification du taux d'imposition des entreprises (plus précisément dit : des bénéfices des entreprises, 60 % des entreprises genevoises ne faisant pas, ou pratiquement pas, de bénéfices et n'étant donc pas imposées), soit neutre, il faudrait le fixer à 16 %. Mais voilà : il est de 13,79 % dans le canton de Vaud. Et la main de Broulis dans la culotte de Dal Busco tétanise la droite genevoise et son gouvernement. La gauche s'oppose donc à l'engagement de Genève dans une concurrence fiscale stupide avec sa voisine "lémanique" (et jurassienne, et alpine). Mais la gauche genevoise pose en même temps une alternative à cette concurrence, cette sous-enchère, ces menaces sur les prestations à la population.
Il s'agit aussi de faire renoncer le canton à d'autres "réformes" fiscales appauvrissant les collectivités publiques : la suppression de l'imposition sur le capital des entreprises, qui ferait perdre 230 millions aux caisses publiques, la suppression de la taxe professionnelle, la suppression de l'imposition au lieu de travail... et au plan fédéral, la suppression du droit de timbre, dont le coût serait de 2,3 milliards.  Et alors même que la droite, la gauche, le centre et le reste étaient tous supposés négocier un accord sur le volet genevois de la future réforme de l'imposition des entreprises, le PLR pondait trois projets de loi s'ajoutant à ceux, issus notamment du MCG (mais dont il arrive que l'auteur soit passé avec armes, bagages et surtout fonds à "Genève en Marche") déjà en traitement au Grand Conseil), pour réduire les impôts et donc les ressources fiscales de la République et des communes. Le PLR propose de diminuer de 5 % l'imposition ordinaire des personnes physiques,  et d'augmenter les déductions fiscales. Au total, lui même évalue à au moins 125 millions les pertes fiscales annuelles entraînées, pour le canton et les communes, par ses propositions, s'ajoutant donc aux 367 millions (toujours "au moins") de pertes qu'entraînerait la réforme de l'imposition des entreprises, même après restitution d'une partie de l'impôt fédéral direct au canton. C'est bien d'un demi-milliard en moins chaque année dont on parle, alors même qu'on sait, et qu'on a mesuré, que le maintien du niveau des dépenses publiques ont un impact de relance économique deux fois plus fort que toute baisse de la fiscalité.
Les collectivités publiques ne se justifient que dans la mesure où elles sont capables de répondre aux besoins de leur population et y répondre suppose des moyens : il faut des ressources pour financer les places de crèches, les écoles, la formation continue, l'université, l'hôpital, les transports publics, les EMS... et même, ajoutera-t-on perfidement, les prisons, que les partisans des baisses d'impôts et de ressources publiques veulent planter entre Lac et Arve...
L'alternative au dumping fiscal, c'est le maintien des ressources nécessaire à l'accomplissement des tâches collectives.
C'est trivial ? sans doute, mais imparable...

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