La gauche genevoise invente l'unité duale




16 % d'unité

Pour l'élection du Conseil d'Etat, la gauche genevoise se présente sur deux "listes" : une socialiste et verte, et une autre d'"Ensemble à Gauche", chaque liste appelant à voter pour l'autre en plus de voter pour elle. On a donc Anne Emery-Torracinta, Thierry Apothéloz et Antonio Hodgers sur la première liste, Jocelyne Haller sur la deuxième. "Ensemble à Gauche" voulait que les socialistes et les Verts s'engagent à défendre un taux d'imposition des entreprises de 16 %, en a fait une condition, mais le PS et les Verts ont décidé de s'en tenir au principe de "zéro pertes fiscales", d'ailleurs porté par une initiative lancée par toute la gauche politique et syndicale, y compris "Ensemble à Gauche". ça valait la peine de renoncer à la force symbolique d'une liste unitaire dans une campagne qui offre quelques possibilités de prendre, un, voire deux sièges (et donc une majorité au Conseil d'Etat) à la droite, et d'y renoncer sous prétexte d'une divergence sur un taux ?


l'"Union est un combat". Du genre rocher de Sisyphe...


A Genève, la gauche part au deuxième tour de l'élection du Conseil d'Etat, le 5 mai, avec un léger avantage. Léger, et fragile. Trois petits pourcents : elle pèse 41 % des suffrages (en comptant les "petites listes" qui n'ont pas obtenu le quorum, y compris la liste Femmes) contre 38 % pour la droite démocratique (PBD et Verts libéraux compris), le reste allant au MCG, à l'UDC et à "Genève en Marche" (arrière). Cette fragile avance lui donne des chances de gagner un ou deux sièges (et donc une majorité) au Conseil d'Etat le 5 mai -des chances, mais aucune garantie.

Les Verts ont certes été les grands gagnants de l'élection au Grand Conseil, mais leur gain de cinq sièges n'est en fait qu'un rattrapage de leur recul lors de l'élection précédente. Ensemble à Gauche a certes réussi à passer la barre du quorum et à rester présente au parlement, mais de justesse, et en perdant encore des électeurs. Quant au PS il a certes progressé en suffrages, et gagné deux sièges au Grand Conseil, mais ce succès ne peut guère être transformé en victoire : avec 15,3 % des suffrages, les socialistes genevois sont au moins dix points au-dessous de ce qui devrait être leur niveau électoral, et avec 17 sièges, ils en ont tout de même onze de moins que le PLR, alors que le PS est en Suisse plus fort que le PLR, en sièges et en suffrages...

Bref, si on veut gagner une élection au scrutin majoritaire, on ne peut pas se contenter de sa base proportionnelle, et il faut l'additionner à celle des autres forces de gauche (les Verts et Ensemble à Gauche, pour ne citer que celles qui seront présentes au Grand Conseil). Or on ne va le faire qu'à moitié. Tout en appelant à faire "ensemble barrage à la droite au Conseil d'Etat". Un barrage en deux parties, donc. Un barrage en kit, à monter soi-même. Un barrage Ikea. Les trois partis de l'Alternative s'engagent en outre à soutenir l'initiative "Zéro Pertes" ? C'est bien le moins, ils l'ont co-lancée avec les syndicats...

Comme disait le regretté Georges Marchais, l'"Union est un combat". Du genre rocher de Sisyphe, mais sans que nul dieu ne nous y ait jamais condamnés -on s'en charge nous-mêmes  Le rocher, on va donc le pousser, jusqu'au 5 mai. On sait pertinemment qu'ensuite, il redéboulera stupidement (c'est très con, un rocher) jusqu'au bas de la pente qu'on se sera échinés à lui faire gravir. Mais là, c'est le 5 mai, l'enjeu, Et c'est le 5 mai, l'opportunité de changer une des trois majorités dont nous avons besoin pour changer notre République. Alors, on vote : pour les quatre candidates et candidats de gauche. Et on se fout de leurs étiquettes et des états d'âme de leurs (de nos) partis.

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