Turquie : défendre la liberté d'expression et le droit à l'information


Le 15 juillet 2016, des militaires factieux tentent un coup d'Etat en Turquie. Ce putsch échoue, non sans avoir fait plusieurs centaines de victimes, mais un autre réussit -celui, civil, organisé et mis en oeuvre, massivement, par le président Erdogan et son parti, l'AKP : instauration de l'état d'urgence, arrestation de 50'000 personnes, licenciement ou suspension de 150'000 fonctionnaires, purges dans l'armée, la justice et l'université, fermeture d'écoles et de media (150 en un an), poursuites contre des journalistes, inculpations de 55 des 59 députés du parti d'opposition HDP (gauche kurde),arrestations et détention de 13 d'entre eux, dont les co-présidents du parti et le chef du groupe parlementaire, condamnation de députés de l'opposition, révocation de maires kurdes. Depuis deux ans règnent en Turquie la délation, l'arbitraire, les procès bâclés.

"Les gens ont autant besoin de liberté d'information que d'eau et de pain"


Le régime actuel de la Turquie, décrit l'universitaire Ahmed Insel,"ce n'est pas du totalitarisme mais quelque chose de plus pernicieux, un régime fondé sur l'arbitraire", où la limite entre ce qu'on peut et ne pas pas dire, faire, écrire "devient toujours plus aléatoire", où l'on risque à tout moment l'arrestation, où "on peut être suspect sans même le savoir" après avoir été dénoncé par un collègue de travail, un voisin, un concurrent... et où toute critique de la politique de l'AKP, et à plus forte raison de celle d'Erdogan, peut être considérée comme une insulte au chef de l'Etat. Comme disait Erdogan lui-même, "la démocratie, c'est comme un autobus, on en descend quand on arrive à la destination voulue".  Et la destination voulue, s'agissant de l'information et de la liberté des media, c'est le monde du silence. Ou plutôt : de la parole unique du Sultan. Fin mars, la plateforme turque pour le journalisme indépendant publiait une liste de 155 journalistes incarcérés, la plupart pour avoir critiqué ou condamné la politique du pouvoir au Kurdistan, ce qui est assimilé par ce pouvoir à de la propagande pour une organisation terroriste (le PKK), ou la répression qui a suivi le coup  d'Etat raté de 2016, ce qui est assimilé à un soutien aux putschistes. Dans les semaines qui ont suivi le putsch, douze télévisions et onze radios ont été fermées au Kurdistan.
Mais les journalistes résistent : ils créent de nouveaux media, des plate-forme qui diffusent les informations (et les commentaires) que les media autorisés par le pouvoir d'Ankara ne diffusent pas. Il en est ainsi de l'agence de presse féminine Jinha, créée en 2012, fermée à deux reprises par décrets, dont la fondatrice, Zehra Dogan, est en prison pour avoir publié le texte d'une petite fille kurde racontant la destruction de sa ville par l'armée turque, mais dont les journalistes restée libres ont, pour continuer leur travail, créé le magazine électronique Sujin. Troisième décret de fermeture ? Troisième renaissance, par la plateforme "Jin News", avec pour devise "sur la voie de la vérité, grâce à la plume des femmes".

"Les gens ont autant besoin de liberté d'information que d'eau et de pain", plaident les journalistes de media indépendants, kurdes ou turcs d'opposition. Mais celles eu ceux qui prennent en Turquie, surtout (mais pas seulement) au Kurdistan, le risque de faire vivre cette liberté au prix souvent de leur propre liberté, ont besoin de notre soutien.

Le SOLIFONDS appelle pour le 1er mai à les soutenir, à soutenir la liberté de la presse et de l'information en Turquie, par un soutien aux media indépendants et aux journalistes qui, le plus souvent bénévolement, les animent.
SOLIFONDS, mail@solifonds.ch, www.solifonds.ch
PC 80-7761-7 SOLIFONDS

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