Autodissolution de ETA : Dans le sens de l'histoire...



Le 3 mai à Genève, puis le 4 à Combo-les-Bains, ETA a annoncé son autodissolution par le « démantèlement de toutes ses structures » et sa décision de mettre fin « à toute activité politique » : « ETA ne sera plus un acteur qui exprime des positions politiques, engage des initiatives ou interpelle d’autres acteurs », mais ses anciens membres pourront poursuivre la lutte « dans d’autres champs » que le militaire, pour un Pays Basque « réunifié, indépendant, socialiste, euskaldun (linguistiquement basque) et non patriarcal », et pour le droit du peuple basque d’en décider ainsi (ce qui suggère un référendum d’autodétermination, « à la catalane »). Cette décision, dans le sens de l'histoire (ETA n'avait plus aucune perspective réaliste) aurait été approuvée à 93 % par un vote interne. David Harland, directeur du Centre Henri-Dunant pour le dialogue humanitaire où l’annonce de la dissolution d’ETA a été faite, remercie l'ancien Premier ministre socialiste espagnol José Luis Rodriguez Zapatero pour ses efforts en faveur d'une cessation des actions violentes d'ETA, annonce « la fin du terrorisme européen » : « Bien sûr, il y a encore des attentats, mais ils sont le fait de groupes fondamentalistes religieux extérieurs ». Encore faudrait-il que des gouvernements comme celui de Madrid acceptent de ne pas jeter de l'huile sur d'autres feux que celui qui vient de s'éteindre...

"Aujourd'hui, le Pays Basque ressemble à une oasis comparé au reste de l'Espagne"

L'autodissolution de ETA met fin à l'existence d'une organisation quinquagénaire, qui avait été pendant une quinzaine d'années le fer de lance romantique de la lutte contre le franquisme, mais avait, une fois le franquisme dépassé (sans toutefois être révoqué) par la "transition",  basculé dans un terrorisme ethniste, et avait finalement été totalement rejetée par la société basque, même par la part de cette société qui la soutenait. il est vrai que comme l'observe Gorka Landaburu, directeur de Cambio 16, sans le soutien politique d’une partie significative de la population basque (la « gauche abertzale ») et d’organisations politiques disposant d’une base électorale importante (Herri Batasuna, Batasuna 10 % de l’électorat basque en 2001, interdite en 2002), « ETA aurait disparu depuis longtemps ». Et que c'est la perte de ce soutien qui a rendu inéluctable la décision d'ETA de se dissoudre officiellement, comme on dresse un constat de décès évident, même si ce qui reste d'ETA assure encore avoir permis d’ « avancer sur le chemin de la liberté » et que son projet politique, l’indépendance et le socialisme, a conquis « des secteurs amples » de la société basque.

Les Basques ont abandonné le soutien à la lutte armée (qu'elle soit menée par ETA ou les GAL) et, séparatistes, autonomistes ou unionistes, ont choisi la lutte politique ouverte. Les nationalistes de droite du PNV et les indépendantistes de gauche de Bildu sont, ensemble, majoritaires en Euzkadi, et contrôlent les municipalités des principales villes basques (Bilbao, San Sebastian, Vitoria...). Une sorte de victoire des "polimilis" (politico-militaires) et de la "Sixième Assemblée" d'ETA, et un choix qui a toujours été celui des Catalans.  Le parcours d'ETA, les spasmes, les drames, les ruptures de la "question basque" renvoient aujourd'hui à la "question catalane". Il y a un "nationalisme" catalan comme il y a un "nationalisme basque" -et le catalan est au moins aussi profondément ancré dans la société catalan que le basque dans la société basque. La différence est que, même sous le franquisme, le nationalisme catalan est resté non-violent, et dans l'après-franquisme a choisi le légalisme et s'y est tenu (quoi qu'en dise  aujourd'hui le pouvoir central). Ainsi n'y eut-il, à la seule et fugace exception du groupe "Terra Lliure" entre 1978 et 1985, rien en Catalogne qui ressemblât à ETA, ce qui permit pendant trente ans de renvoyer aux Basques l'exemple des Catalans. Les membres de "Terra Lliure" ne tardèrent d'ailleurs pas à abandonner l'action clandestine et violente, pour rejoindre les rangs de la Gauche Républicaine Catalane (ERC). Pas d'ETA catalane donc. Du moins jusqu'à présent. Parce que la posture prise par le gouvernement de Madrid à l'égard de la Catalogne et de son mouvement indépendantiste risque fort d'en faire naître une, d'ETA catalane, en même temps d'ailleurs de faire faire renaître ETA de ses cendres en Euzkadi, un peu comme l'IRA  en Irlande du Nord avait été ressuscitée par la répression meurtrière du mouvement, pacifique et légaliste, pour les droits civiques de la fin des années soixante et septante.

"Aujourd'hui, le Pays Basque ressemble à une oasis comparé au reste de l'Espagne", soupire Gorka Landaburu... Or cet oasis aussi est menacée par l'invraisemblable aveuglement du pouvoir de Madrid, non  seulement à l'égard de la Catalogne, mais aussi à l'égard d'Euzkadi -et de tout ce qui n'est pas à sa botte -même pas celle de Madrid : celle du parti au pouvoir, un PP farci de nostalgiques du franquisme et de la négation de l'existence même en Espagne d'autres peuples que celui castillan, catholique, patriarcal, nostalgique et soumis. Ou résigné.

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