Budget tardif, budget apéritif (proverbe municipal)

Pentecôte en Ville de Genève


On est fin mai 2018. Et le Conseil municipal de la Ville de Genève a adopté hier un budget 2018 pour la Ville, presque cinq mois après le début de l'année budgétaire. La Commission des Finances proposait d'accepter le projet de budget du Conseil administratif, et c'est ce que le Conseil municipal a fait, par une majorité constituée de la gauche et du MCG, contre la droite traditionnelle (PLR, PDC, UDC). Laquelle avait renoncé à présenter un rapport de minorité. Après deux votes populaires rétablissant contre elle les projets qu'elle refusait, c'était plus prudent. On s'amusera tout de même de cet effet d'une Pentecôte tardive. Et on saluera les vertus pédagogiques de l'appel au peuple auquel il nous a fallu recourir les deux dernières années pour rétablir un budget qui ait un sens.


"Cette incurable mauvaise foi sans laquelle il n'y aurait pas de vie respirable"


La procédure budgétaire spécifique à la Ville de Genève est donc arrivée à son terme pour le budget 2018, cinq mois après le début de l'année budgétaire -cinq moins vécus par la Ville sous le signe des "douzièmes provisionnels". Le 12 septembre, la droite alors coagulée pour être majoritaire, du PDC au MCG, avait refusé d'étudier le projet de budget présenté par le Conseil administratif. Elle avait fait de même en 2017, et en 2016. Une sorte de réflexe pavlovien : le Conseil administratif est de gauche, on est de droite, on refuse son budget. Ces deux exercices s'étaient clos, plusieurs mois après, par des votes populaires contre les coupes opérées par la droite coagulée dans le projet de budget qu'elle avait finalement consenti à examiner -avec six mois de retard, et pour le bricoler à la varlope. En novembre, la droite (encore coagulée) avait finalement condescendu à faire son boulot et à renvoyer le nouveau projet de budget à l'étude en commissions, mais trop tard pour que ce travail puisse être rendu dans un délai décent après avoir été fait sérieusement. Il a finalement été rendu le 28 mars, et le Conseil municipal a finalement adopté la proposition majoritaire de la commission des Finances d'accepter le projet, à peine retouché, du Conseil administratif. Un exercice qui avait perdu une grande partie de son en jeu, en cinq mois de "douzièmes prévisionnels". On a tout de même eu droit à quelques amendements gesticulatoires du PLR -il lui fallait bien manifester quelque apparence d'existence politique municipale. Par exemple, en proposant de réduire le "centime additionnel" (l'impôt municipal), histoire de plomber le budget et de le rendre déficitaire. Ou en proposant de faire verser par la Ville une subvention extraordinaire au Grand Théâtre, pour pallier au refus par le Grand Conseil, sous l'impulsion du même PLR, de verser une modeste subvention de trois millions à l'Opera genevois. On saluera l'originalité de la démarche : transformer le budget de la Ville en caisse de compensation des incohérences d'un parti politique, ça nous manquait.


Rappelons l'état financier de la Ville de Genève : avec un produit intérieur brut parmi les plus élevés des villes suisses, la Ville solde depuis dix ans (sauf en 2013, où il a fallu recapitaliser la caisse de retraite du personnel) ses exercices budgétaires par des comptes positif Les comptes 2017 affichent un boni de 33,5 millions de francs, les charges sont maîtrisées, elle investit chaque année plus de 100 millions dans l'acquisition, la construction et la rénovation d'infrastructures au service de sa population. Ces investissements sont autofinancés (à 134 % en moyenne sur les dix années 2007-2016) et sa dette a été réduite de 17,9 % en dix ans. Elle représente 7500 francs par habitant, soit moins que les dettes de Lausanne, Zurich ou Berne ((il n'y a plus que six villes en Suisse, dont Genève, qui financent entièrement leurs dépenses d'investissements par leurs recettes propres). A en croire le classement des villes suisses en fonction de la qualité de leur gestion en 2016, établi par "PME Magazine" sur la base de critères (quantitatifs, et ne disant donc pas grand chose des choix politiques des Municipalités) établis par l'Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP), Genève est cinquième sur 19, avec une note globale de 5.59 sur 6, et c'est l'inexactitude de la prévision fiscale qui empêche Genève de se retrouver à la première place (mais les prévisions fiscales sont fournies par le canton, pas par la Ville...). De quoi se plaint alors la droite (les critères de l'IDHEAP n'étant pas vraiment des critères de gauche, et ne mesurant pas la qualité des politiques menées "sur le terrain" mais uniquement celle de l'utilisation de leurs ressources) ? D'une chose, d'une seule : de n'être plus majoritaire depuis un quart de siècle au Conseil administratif, et d'être incapable de le redevenir... Tout le reste de ses discours et de ses postures tenant de "cette incurable mauvaise foi sans laquelle il n'y aurait pas de vie respirable" après laquelle soupirait Louis-René des Forêts.

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