Sous le PAV, la rage ?


L'étrange campagne de la droite

La droite genevoise appelle à voter NON à la modification de la loi sur le périmètres Praille-Acacias-Vernets (PAV), avec d'étranges arguments. Elle refuse la loi au prétexte qu'elle prévoit 62 % de "logements sociaux" et que "c'est trop". Sauf que si la modification est refusée, c'est la loi actuelle qui restera s'imposer. Et qu'elle prévoit 65 % de ce que la droite appelle des "logements sociaux". Le comité de droite reproche aussi à la modification de la loi de ne prévoir de propriété par étages qu'en droit de superficie. Sauf que si la modification de la loi est refusée, de la propriété par étage, il n'y en aura plus du tout. Donc le comité qui trouve que 62 % de "logements sociaux", c'est trop et que la propriété par étage telle que proposée est "restrictive", se bat en fait contre ses propres critères, pour plus de "logements sociaux" et pas de propriété par étage du tout. Et une densité de logements moindre, puisque le projet soumis au vote double la proportion de logements nouveaux par rapport à celle d'emplois nouveaux ou importés. En fait, il n'est pas un argument des opposants de droite au nouveau projet PAV qui ne se puisse être retourné contre ses auteurs. Et pas un, non plus, qui ne puisse s'expliquer par la rage des milieux immobiliers de ne pas maîtriser le plus ambitieux projet urbanistique de ce début de siècle.


Si la droite genevoise n'existait pas, aurait-on l'idée de l'inventer ?

On l'a cherché, et on a fini par le trouver, l'opposant à la modification de la loi sur le PAV qui ne dit ou n'écrit pas n'importe quoi sur cette loi et cette modification, et reconnaît, au moins implicitement que l'argumentation des milieux immobiliers et de leurs porte-serviettes politiques (le PLR, le PDC, l'UDC...) tient d'une mauvaise foi qui confine au mensonge (au "mensonge délibéré", pour risquer un pléonasme) : le député UDC André Pfeffer reconnaît, dans la "Tribune de Genève" du 29 mai, que la proposition soumise au vote le 10 juin "va dans la bonne direction" (celle qui lui convient à lui et devrait convenir à la droite), "soit deux logements au lieu d'un,pour un emploi, et une réduction de 100 % à 88 % d'habitats à louer, ainsi que de 75 % à 62 % de logements sociaux". Certes, le député UDC confond, comme tous les porte-paroles de son camp sur cet objet, "logements sociaux" et "logements d'utilité publique", mais chez lui, cette confusion semble involontaire -alors qu'elle est délibérée dans les textes et les discours de la droite.

Le PAV, ce n'est pas 62 % mais seulement 24 % de logements sociaux. Car ne peuvent en réalité être qualifié de "logements sociaux" que les HBM. Les autres logements prévus dans le projet soumis au peuple sont soit des HM, soit des logements en loyers libres,soit des logements en propriété par étage ou en coopérative -bref, des logements accessibles, voire destinés, à cette classe moyenne et à cette "mixité sociale" dont les opposants font mine de faire si grand cas. Et le PAV tel qu'il est proposé aujourd'hui, c'est une densité de logements supérieure à celle prévue dans l'accord initial.

Petit rappel en passant, à usage des invocateurs rituels de la « classe moyenne » (on les entend beaucoup en ce moment à propos du PAV) : si on la définit en fonction du revenu, elle rassemble les personnes dont le revenu individuel brut mensuel se situe entre 70 % et 150 % du revenu médian. Autrement dit, à Genève, entre 4500 et 9000 francs par mois. Ce qui, contrairement à ce que clament les milieux immobiliers et la droite, leur donnerait droit à un HM dans le PAV tel qu'il est proposé au vote.

Au fond, la gauche, qui (le Parti du Travail excepté) soutient le projet soumis au peuple, aurait eu plus d'arguments que la droite pour le combattre : le projet réduit la proportion de logements locatifs, augmente celle de terrains en mains privées, ouvre le périmètre à la propriété par étage. Comme l'admettait le député UDC Pfeffer, il modifie la loi actuelle dans un sens qui devrait complaire à la droite. Alors, que lui reproche-t-elle finalement, sinon de ne pas être le sien, de ne pas livrer sans contrainte ce périmètre entier aux acteurs privés, de ne pas leur laisser la totalité des terrains et la liberté absolue de fixer les loyers à leur gré ? C'est à l'aune de ce regret de ne pas pouvoir maîtriser le PAV qu'il faut comprendre son "non" revanchard et vindicatif. Et son usage systématique des "contre-vérités" (pour user d'un euphémisme). Et son espoir délirant que d'un "non" le 10 juin pourra naître le projet dont elle rêve, alors que ce "non" n'accouchera que du statu quo. C'est-à-dire de la loi actuelle, encore plus éloignée de ce fantasme que le projet qu'elle combat.
La droite genevoise, si elle n'existait pas, on n'est pas sûr que quelqu'un aurait l'idée de l'inventer... Sinon peut-être la gauche genevoise.

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