1er août, fête nationale suisse : Qu'est-ce qu'on fête ?


Ouala, on est le jour de nôtre fête nationale, à nous autres, Suisses et Suissesses. Mais on y fête quoi ? Mauvaise question : ce n'est pas "quoi" l'on fête qui interroge, : mais qui fête, et qui fête qui. On ne fête pas la Confédération, la patrie, l'ethnie, la souche : on SE fête. Et cette fête suffit à la fête. On SE fête, et tant pis si on ne le mérite pas forcément. On SE fête parce qu'on est là. La Suisse ne fête pas sa naissance (il s'en faudra de cinq siècles depuis le pacte originel pour qu'un Etat suisse soit créé), ni son indépendance (les cantons "primitifs" sont tous des petits bouts du Saint Empire) : les Suisses (au sens large : celles et ceux qui habitent la Suisse) SE fêtent tels qu'ils sont aujourd'hui. Plus riches, plus libres, plus en paix que les autres. Et très contents de l'être. Et peu soucieux de savoir à quoi tiennent ces privilèges.


le 1er août, c'est aussi la journée internationale de la frite belge


Donc, fête nationale. Chaque Etat a la sienne, il eût été surprenant -et courageux que la Suisse décidât elle-même d'échapper à ce rite. Lorsqu'elle s'est constituée comme un Etat "normal", "moderne", au mitan   du XIXe siècle, elle a donc cherché quel jour elle se dédierait à elle-même. Et ce fut le 1er août, supposé être le jour d'un serment constituant la Suisse. Une légende, un mythe bricolé, mais au fond peu importe : Même s'il ne s'est rien passé sur le Grütli le 1er août 1291, et rien non plus de "suisse" qui concerne les Romands dans les 150 ans qui suivirent, on peut faire du premier jour du mois d'Auguste celui de la Suisse et de toutes celles et de tous ceux qui y vivent -qu'ils en aient ou non la nationalité.

Ce n'est donc pas une "patrie" (qui pour celles et ceux d'entre nous qui sont Suisses "de souche" n'est pas d'élection mais d'héritage, autrement dit de hasard -étymologiquement, la patrie est la terre des pères) que nous célébrerons, mais peut-être l'existence de quelque chose comme une nation -une nation au sens républicain du terme (la Suisse, d'ailleurs, ne naît comme Etat qu'en 1798, par une révolution dans le sillage, et avec le soutien, de la française), pas en son insense tribal. Une nation produite par la seule volonté de ceux qui passent entre eux le contrat qui la créée. Une nation rousseauiste, fondée non sur la souche ou l'héritage, mais sur le choix de vivre ensemble. Une nation, pas une tribu. Quelque chose qui se construit, pas quelque chose qui est donné. Quelque chose qui a un passé et de la mémoire, mais qui ne s'y confine pas. Quelque chose d'une mémoire qui est plus celle des révolutions de 1798 et de 1848, et de la Grève générale de 1918, et de la Grève des Femmes, que celle du Grütli et de Morgarten.

Si c'est cela qu'on fête le 1er août, alors fêtons-le.
Et si ce n'était pas cela, il nous resterait à le détourner. Aucune autre date ne s'impose d'ailleurs sans conteste pour être celle d'une fête nationale suisse (ou alors, peut-être, le 29 février ?). Dès lors, gardons le 1er août comme jour de "fête des Suisses".
Après tout, le 1er août, c'est aussi la journée internationale de la frite belge.

Commentaires

Articles les plus consultés