M le Maudet


Pierre Maudet va-t-il rester encore longtemps Conseiller d'Etat, quand même la présidente de son parti lui conseille, certes à mots couverts -mais à mots quand même- de démissionner ?  Le Grand Conseil, qui a levé l'immunité de Maudet, a refusé de débattre en urgence d'un projet de résolution déposé par "Ensemble à Gauche", proposant que le parlement lui demande de renoncer à son mandat gouvernemental (une telle résolution ne pouvant avoir d'effet, outre celui de satisfaire ses auteurs, que si le principal intéressé y consentait : nul autre que lui-même ne peut le contraindre à la démission). De toute façon, privé de la présidence du gouvernement, de la responsabilité ministérielle de la police, de celle de l'aéroport et de la présidence de la Conférence des chefs cantonaux de justice et police, Maudet ne dirige plus grand chose (à part la surveillance des communes et les prisons...), et, déjà couvert de goudron et de plumes, devenu un poids pour ses collègues, ne peut plus guère porter de projet et trouver de majorité au Grand Conseil (tant mieux d'ailleurs, quand il propose de construire une nouvelle prison ou remet en cause le secret médical dont peuvent bénéficier des détenus). Sa démission est sans doute, même encore entre parenthèse, même s'il déclare se refuser à cet "échappatoire", inscrite dans son propre agenda. Dis Tonton, ça serait comment, la vie politique genevoise sans Maudet ? Ben, ça va être comme la vie politique genevoise avec Maudet, mais sans Maudet. Un seul être vous manquera (quoique...) et pas grand-chose ne sera dépeuplé : nul n'est irremplaçable, et ce qui constitue la politique, ses grands enjeux, ses clivages fondamentaux, résiste au passage des personnages politiques. Même au passage de ceux qui, après avoir été porté aux nues par les media ont été par eux, et sans l'ombre d'une autocritique, plongés dans l'opprobre. Ainsi passe-t-on sans grande transition de M le Merveilleux à M le Maudit.

"La plus grande chose du monde, c'est de savoir être à soi"


En juin 2013, Pierre Maudet, Conseiller administratif de la Ville de Genève, devenait Conseiller d'Etat, à la faveur d'une élection partielle provoquée par la démission de son collègue de parti, Mark Muller, piégé dans une affaire vaudevillesque (il avait agressé le barman d'une boîte de nuit six mois avant, en avait menti pendant deux mois à ses collègues, à la presse et à la population, en avait demandé pardon avant de démissionner). Une élection partielle qu'il avait gagnée. Avant d'être réélu quatre ans plus tard, à nouveau au premier tour, grâce notamment à un fort apport de voix de gauche. Et d'inquiéter aujourd'hui la droite pour sa possible démission, qui entraînerait une élection partielle, que la gauche pourrait gagner si elle est capable de s'unir derrière une candidature unique (qui ne pourrait guère provenir que d'"Ensemble à Gauche", seule composante de l'Alternative à ne pas siéger au gouvernement).

"Sans les médias, Pierre Maudet ne serait pas Pierre Maudet", observe le politologue Oscar Mazzolini. Certes. Mais sans les media (et souvent les mêmes), il ne porterait pas le bonnet d'âne -ou de bouc émissaire. Et puis quoi, est-ce si essentiel d'être président du Conseil d'Etat, ou Conseiller d'Etat tout court, si l'on ose dire ? Et ne plus l'être, est-ce être ce "Roi sans divertissement" que Pascal plaint, ou feint de plaindre : "Qu'est-ce autre chose d'être surintendant, chancelier, premier président, sinon d'être dans une condition où l'on a le matin un grand nombre de gens qui viennent chez (eux) pour ne leur laisser pas une heure en la journée où ils puissent penser à eux-mêmes ? Et quand ils sont dans la disgrâce et qu'on les renvoie à leurs maisons des champs, où ils ne manquent ni de biens, ni de domestiques pour les assister dans leur besoin, ils ne laissent pas d'être misérables et abandonnés, parce que personne ne les empêche de songer à eux"

Laissons alors, anachroniquement, répondre Montaigne : "La plus grande chose du monde, c'est de savoir être à soi", et non à ses affaires publiques et à ses commensaux, "ce n'est plus ce qu'il vous faut chercher, que le monde parle de vous, mais comme il faut que vous parliez à vous-mêmes". Et il arrive parfois que les conséquences de nos propres conneries nous y incitent. Voire nous y contraignent...

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