Flicage des assurés : Drôle de priorités


A presque deux contre un, les Suissesses et les Suisses ont accepté de modifier la loi sur les assurances sociales pour leur donner la base légale nécessaire à renforcer la surveillance des assurés. Seuls deux cantons l'ont refusée : Genève et le Jura. On ne regrettera pas le référendum, ni de l'avoir soutenu. Ni même sa défaite nationale. On regrettera en revanche le manque d'engagement du PS suisse dans le soutien, tardif, qu'il lui a apporté, contrastant avec le soutien acritique qu'a apporté à la loi le président socialiste de la Confédération. Là où le PS a réellement mené campagne contre la nouvelle loi, comme à Genève, elle a été refusée. Bref, les assurances, même privées, recevront pour la surveillance des assurés plus de droits que la police pour celle de possibles terroristes. Drôle de priorités.


Fliquer les assurés, c'est plus simple que contrôler les assureurs


Les assureurs publics (la SUVA, l'AI) ou privés pourront donc recourir à des détectives privés, à des surveillances visuelles et sonores, à des localisations par GPS. Ou plutôt, pourront à nouveau y recourir. Ils le faisaient déjà, mais en avaient été empêchés par un arrêt de la Cour européenne des droits l'homme (salauds de juges étrangers !) relevant l'absence de base légale les y autorisant. Les Suisses ont donc accepté de la leur donner. Selon la nouvelle loi, l'assuré soupçonné de fraude pourra être observé lorsqu'il se trouve dans un lieu accessible au public, mais aussi depuis un tel lieu même lorsqu'il se trouve chez lui (ou dans un autre domicile privé).


La SUVA (l'assurance-accident) déclare récupérer par la confirmation de fraudes entre 12 et 18 millions de francs par année menant en moyenne 2400 enquêtes par an (ce qui concerne un seul assuré sur 13'000), dont seules 150 obtiennent des résultats. Mais combien lui coûteront, pour en récupérer autant (ou même plus) les détectives privés qu'elle engagera pour fliquer des assurés sans aucune certitude que cela prouvera qu'ils ont fraudé ? Et combien lui coûtent déjà ses treize collaborateurs spécialisés dans la lutte contre la fraude ? Elle assure aujourd'hui qu'elle exigera des détectives privés "qu'ils travaillent selon les prescriptions légales en vigueur". C'est supposé nous rassurer ? C'est pourtant bien la moindre des exigences.


Tirez les rideaux, fermez les volets, baissez les stores, ne sortez pas de chez vous, écoutez la radio ou la télé avec des écouteurs, déconnectez votre ordinateur, n'allez plus au bistrot : si vous êtes à l'assurance (maladie, accident, invalidité), vous pouvez être surveillés. En revanche, les assurances, elles, ne seront pas plus et pas mieux surveillées qu'avant. C'est un choix : fliquer les assurés, c'est sans doute plus simple que contrôler les assureurs. C'était d'ailleurs le choix des assureurs eux-mêmes. c'est devenu le choix de la majorité des assurés. Se sont-ils rendus compte qu'ils étaient tous suspects d'être d'abominables fraudeurs ? sans doute pas : le fraudeur, c'est forcément l'autre.


On n'en dira pas autant du cocu. Cette bête à corne-là pourra garder les siennes, puisqu'elle y tient.

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