L'UDC perd sa "mère des batailles"


Le combat continue

L'initiative de l'UDC contre les supposés "juges étrangers" a été massivement repoussée, à deux contre un au plan suisse, trois contre un dans plusieurs cantons romands. Elle n'a d'ailleurs été acceptée dans aucun canton. C'est sans doute la plus lourde défaite de l'UDC en votation populaire à laquelle on a assisté hier -non pas tant du fait du score du refus de ce texte absurde, mais du fait que l'UDC elle-même en avait fait sa "mère des batailles". Ainsi, la progression de la droite populiste et nationaliste, qu'on constate dans de nombreux pays européens, n'est pas une fatalité. Et la prétention de l'UDC d'être "le parti du peuple suisse" se réduit à celle de n'en être que le tiers -ce qui est déjà beaucoup plus que ce que peuvent revendiquer les partis équivalents dans les pays voisins. Il est vrai que pour balancer le texte udéciste à la poubelle, il aura fallu former une coalition aussi vaste que contradictoire, où l'on retrouvait le PS et le PLR, les syndicats et le patronat, les ONG et les entreprises exportatrices... L'UDC a perdu sa "mère des batailles" ? peut-être. Mais le combat continue : en ce dimanche de votations, cette bête à corne ne les a pas perdues.


il n'y a pas de juges infaillibles -sauf Dieu, pour ceux qui y croient

Les Suissesses et les Suisses ont donc refusé de transformer le droit international, et d'entre lui celui des droits humains, en guirlande de noël. Ils ont compris que ce droit les protégeait aussi des erreurs judiciaires ou des interprétations erronées du droit suisse (car les tribunaux suisses peuvent se tromper, comme d'ailleurs tout tribunal : il n'y a pas de juges infaillibles -sauf Dieu, pour ceux qui y croient, ce qui n'est décidément pas notre cas) et protégeait leur pays du règne absolu des rapports de force (c'est d'ailleurs le droit international qui établit et garantit la neutralité suisse et l'inviolabilité de son territoire).

Les Suisses et les Suisses ont enfin compris qu'une institution comme la Cour européenne des droits de l'homme est une instance subsidiaire : elle ne peut être saisie que si toutes les instances nationales compétentes l'ont été avant elle. Vous ne passez pas du tribunal de police à la CEDH sans avoir auparavant fait recours à une chambre cantonale et au tribunal fédéral. Ce recours à la CEDH, ou à d'autres instances disant le droit international, a fait progresser le droit et les droits en Suisse : c'est grâce à elles que les femmes peuvent garder leur nom (même si ce n'est que celui de son père) après leur mariage et disposent de tous les droits politiques, jusqu'aux communes, accordés aux hommes. C'est grâce à elle que les personnes accusées devant un tribunal et innocentées par lui n'ont pas à payer de frais de procédure. C'est grâce à elle que les justiciables peuvent saisis un juge indépendant à chaque étape de la procédure. C'est grâce à elle que les victimes de l'amiante peuvent être indemnisées. Et c'est grâce au vote de ce dimanche que ce recours n'est pas menacé par les saute d'humeur d'un parlement, voire même du peuple. Car il a ses humeurs, le peuple. Et si en démocratie il a le pouvoir, il n'est pas doté d'une raison absolue, universelle et définitive. Il a le pouvoir, y compris celui de faire des conneries -pouvoir réservé au dictateur dans les dictatures, au monarque dans les monarchies absolues, au Pape ou au Guide dans les théocraties. Et figurez-vous que les en priver pour le donner à (presque) toutes et tous en admettant que la majorité d'entre elles et eux peut se tromper et qu'il est alors nécessaire de pouvoir s'adresser à une instance capable de le dire, est un formidable progrès.

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