Fonds de tiroir


Le 23 novembre, la « Tribune (encore) de Genève » s'interrogeait : « Pierre Maudet, un héros tragique?»... Nous, on aurait plutôt suggéré « tragi-comique », et Feydeau ou Labiche comme auteur plutôt que Racine ou Coneille, mais c'est un détail. En revanche, le défaut dans l'« Affaire » de l'unité de temps et de l'unité de lieu, indispensables à la tragédie classique, pose problème :  Abu Dhabi, c'est quand même pas à G'nêêêve, et on peut pas faire tenir tous les rebondissements de ce feuilleton dans une seule journée. On pourrait plutôt qu'à une tragédie le comparer à une chanson de geste, mais pour le reste, c'est vrai qu'il y a bien des ingrédients tragiques, voire tragicomiques, dans l'« Affaire » : des rebondissements incessants, justement, des trahisons, des infidélités, des cris de douleur, des appels aux grands sentiments, un héros blessé mais droit dans ses cothurnes, un destin aveugle, des traquenards, et un mort à la fin. Pas physiquement mort, quand même, on n'est pas dans la Rome ou la Grèce antiques, ni à Roncevaux (quoiqu'on n'ait que l'embarras du choix pour personnifier Ganelon, et que les media font de très efficaces olifants),  mais politiquement mort. Ce qu'on ne sait pas, c'est qui sera politiquement mort : Maudet ou le PLR. Ou les deux, tant qu'à faire ? Cela dit, si on pouvait exprimer une critique, on aurait quelques doutes à formuler sur la qualité de la mise en scène. Et sur la longueur de la pièce. Et le jeu de quelques acteurs, aussi... Ben ouais, il est comme ça, le public genevois : sévère et exigeant.

Les PV d'audition de l'instruction de l'« Affaire Maudet » publiés dans trois quotidiens, l'audit du contrôle financier de la Ville qui sort dans deux : et voilà une revendication fondamentale satisfaite à Genève : la transparence (politique, admi-nistrative, judiciaire et financière). La République de Genève, c'est Brigitte Bardot dans « Le Mépris ». Bon, d'accord, il manque Godard à la mise en scène et Delerue à la musique, mais on fait avec ce qu'on a sous la main...

Un hôtel cinq étoiles genevois, le Kempinski, a offert la gratuité d'une salle à l'assemblée générale des « jeunes PLR » (ouais, y'en a, mais on ne sait s'ils sont plutôt PL ou PR) mercredi. Et les « jeunes PLR » n'y voient aucun problème. Le chef du groupe PLR au Grand Conseil, qui a appelé à la démission de Pierre Maudet, non plus et affirme que le cadeau aux djeuns n'a rien à voir avec les cadeaux à Maudet. Et il a raison, mais c'est juste une question de volume. Une salle de réunion au Kempinski, ça fait quand même un peu tchip à côté d'un voyage et d'un séjour à Abu Dhabi.

Titre de la « Tribune de Genève » de jeudi : « Genève veut raréfier le parking au centre » (pour réduire le trafic pendulaire). Ouais. C'est sans doute pour ça que « Genève » a autorisé le propriétaire du Plaza à détruire ce cinéma pour mettre sous un centre commercial un parking en cinq niveau de sous-sol, au centre-ville. Près de quatre autres parkings. Et c'est aussi pour ça, sûrement, que « Genève » veut faire payer une zone piétonne à Rive par un autre parking. C'est marrant, quand même : quand « Genève veut raréfier le parking au centre », il pousse des parkings au centre.

Après le Conseil administratif, la haute fonction publique municipale, et après la Cour des Comptes, le contrôle financier de la Ville : mandaté par le Conseil admi-nistratif (bien avant que la Cour des Comptes se penche sur ses notes de frais), le contrôle financier de la Ville a examiné en détail 262 écritures comptables  et 500 pièces justificatives, concernant le remboursement de 200'000 balles de dépenses de hauts cadres de la Ville, et constaté que seules 48 % sont conformes au règlement : les preuves de la dépense remboursée manquent ou sont illisibles, l'identité des participants à des repas remboursés n'est pas indiquée, des voyages en train ou en avion effectués en classes supérieures à celle de base ont été remboursés alors qu'ils n'auraient pas dû l'être, etc... 34 hauts cadres ont dépassé leur forfait téléphonique de 100 balles, deux l'ont même défoncé avec plus de 1000 balles de communications diverses et une directrice à effectué plus de 20'000 francs de dépenses personnelles avec sa carte de crédit professionnelle, avant de les rembourser (avec intérêts). Le Conseil administratif a accepté les recommandations du contrôle financier, notamment la suppression des cartes de crédit dont le paiement est assuré directement par la Ville et la révision complète des règles encadrant le rembourse-ment des frais. Ouala. On notera quand même que, contrairement à ce qu'à cru bon de titrer la «Tribune (encore) de Genève», ce ne sont pas «la moitié des frais du personnel de la Ville» qui sont non conformes au réglement, mais la moitié des frais d'une partie des seuls hauts cadres, soit quelques dizaines de personnes (mais les mieux payées) sur les 4000 de la fonction publique municipales. « Le Courrier », lui, a bien titré « les cadres aussi sans contrôle ».  Mais bon, on lui pardonne, à la « Julie » : avec toutes les Genferei de l'automne qu'elle doit suivre, et Tamedia qu'elle doit supporter, elle a droit à une certaine fatigue.

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