Réforme cantonale de l'imposition des entreprises : Le PS genevois au risque de la schizophrénie




Jeudi soir, le PS genevois a donné, en Assemblée générale, le mot d'ordre à son groupe au Conseil de soutenir la réforme cantonale de l'imposition des entreprises. La commission fiscale du Grand Conseil genevois a accouché d'un projet "consensuel", soutenu par les commissaires socialistes et -de justesse- par le Comité directeur du PSG, et donc désormais par le groupe parlementaire socialiste,mun projet qui réduirait, selon des estimations forcément contestables, de près de moitié les pertes fiscales du canton (de 350 à 186 millions) et des communes (de 85 à 46 millions), grâce à l'adoption de propositions socialistes : une petite augmentation du taux normal d'imposition (le Conseil d'Etat proposait 13,79 %, la commission propose 13,99 %) et le déplafonnement de l'imputation de l'impôt sur le bénéfice sur l'impôt sur le capital. Fin octobre, le président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers, expliquait que "sur le taux, il n'y a pas de chiffre magique. Il en faut un qui ne soit pas du dumping fiscal mais assure le maintien des multinationales au nom de l'emploi", et justifiait le taux initialement choisi par le Conseil d'Etat (13,79 %) comme un compromis. Quant aux pertes fiscales, elles seraient, si on s'en tient au "compromis" proposé par la commission parlementaire, en partie compensées socialement (mais pas budgétairement -une levée partielle du "frein au déficit" a également été acceptée par la commission) par une hausse des subsides d'assurance-maladie et une aide à la petite enfance. La droite a accepté ces propositions pour éviter un désaveu en votation populaire. Il n'empêche : le PS genevois va faire campagne contre la réforme fédérale, la fameuse RFFA, contre laquelle un référendum lancé par la gauche (y compris le PS genevois) a abouti (on devrait voter en mai) -comment arrivera-t-il à expliquer qu'il dit "oui" à la RIE cantonale et "non" à la RFFA, oui à la traduction cantonale d'une réforme fiscale fédérale à laquelle il dit "non" ? en plaidant une légère schizophrénie, ou en ne faisant piteusement pas campagne ?

Nous sommes socialistes, nous voulons que notre parti le soit aussi. Et cochon qui s'en dédit

La commission fiscale du Grand Conseil genevois a adopté à une très large majorité (les commissaires de tous les partis sauf d'"Ensemble à Gauche", qui ont voté contre, et des Verts, qui se sont abstenus) un projet de réforme cantonale de l'imposition des entreprises qui est présenté comme faisant "consensus, mais dont on sait déjà qu'il ne le fait pas au sein du PS -dont les commissaires l'ont soutenu- puisque le comité directeur du parti n'a décidé de le soutenir qu'à une voix de majorité et que l'Assemblée générale ne l'a soutenu qu'avec un écart de moins de vingt voix sur ceux ert celles qui le combattaient. La Communauté genevoise d'action syndicale, notamment, s'étonne de ce soutien, alors que le PS soutient également une initiative de toute la gauche et des syndicats, l'initiative "*zéro pertes", dont l'objectif est une réforme fiscale sans pertes de ressources pour le canton et les communes -et donc sans risque de péjoration des prestations à la population ni de fragilisation des services publics. Or le "compromis" de la commission parlementaire entraîne tout de même au moins 186 millions de francs de pertes de ressources pour le canton et 46 millions pour les communes...

Il en va d'ailleurs de même pour la réforme fiscale fédérale, combattue par un référendum qui a abouti : avant même que d'avoir été adoptée (si elle devait l'être), la RFFA a déjà produit des effets délétères : pour l'anticiper, les taux d'imposition des bénéfices des entreprises ont baissé (ou vont baisser, ou sont proposés à la baisse) dans toute la Suisse. Les communes fribourgeoises ont ainsi, du jour au lendemain, perdu le quart de leur part des revenus de cet impôt.

Avant que ne tombe le "compromis" liant, au plan fédéral, le financement de l'AVS à la réforme de l'imposition des entreprises, la gauche était au moins unie sur un principe : les pertes fiscales entraînées par la réforme doivent être compensées par ceux qui profitent de la réforme, c'est-à-dire les grandes entreprises et leurs actionnaires. Or la RFFA est financée par une hausse des cotisations à l'AVS, à charge des salariés pour moitié, par un apport de la TVA, payée par les consommateurs, et un apport de la Confédération, payée par les contribuables. Quant à la réforme cantonale, les pertes qu'elle entraînera pour les caisses cantonale et municipales seront toujours, même avec le compromis proposé par la commission fiscale du Grand Conseil, supérieures à 230 millions. Comment faire face à des dépenses cantonales ou communales qui ne peuvent qu'augmenter quand la population augmente, et quand augmente la population qui a besoin de prestations publiques, si les moyens d'y faire face diminuent ? En faisant payer par les communes en général, et les villes en particulier, le coût de prestations qui resteront définies par le canton, comme il vient de le proposer ? ce ne serait que creuser un trou pour un boucher un autre...

Il y a longtemps (35 ans...), nous commîmes pour le "Groupe d'Yverdon du PSS" (l'aile gauche du parti, donc...) un opuscule au titre fort peu apte à séduire le chaland : "Finances fédérales : politique socialiste ou gestion bourgeoise ?". On y glosait budgets, fiscalité, politique sociale... on se permettra ici d'en citer un extrait de l'introduction. On était jeunes et frais et naïfs, mais de ce texte, nous ne changerions  pas une ligne aujourd'hui (sur le fond du moins : le style mérite quelques améliorations...), s'agissant (par exemple) de l'attitude à adopter face à la RFFA (on peut remplacer la référence au PS suisse par une référence au PS genevois...) :
"Dans la mesure où l'on admet que la politique financière fédérale, budgétaire comme fiscale, est conduite par la droite dans l'intérêt des possédants et de l'ensemble de la caste contrôlant les moyens de production et les structures économiques, dans la mesure où l'on qualifie donc cette politique comme elle doit l'être, on qualifie comme elles le méritent les forces qui la soutiennent. Et on doit donc se poser la question : que fait le PSS pour la combattre ? que peut-il faire, ici et maintenant, pour changer une politique contraire non seulement aux intérêts, mais aussi aux droits de celles et ceux que le PSS affirme vouloir défendre ?  ?
Nous affirmons la nécessité d'un changement radical de la structure et de la réalité même de ce pays. Nous affirmons que rien de socialiste ne se fera en Suisse sans le parti socialiste suisse. Nous constatons que rien de socialiste ne sort de l'acceptation par le parti socialiste suisse de compromis qui en font l'infirmier des victimes du capitalisme. Il faut donc changer le PS suisse pour pouvoir changer la Suisse. Nous sommes socialistes, nous voulons que notre parti le soit aussi."

Et cochon qui s'en dédit.


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