Elections cantonales zurichoises : de bonne augure


Ecosocialisme dans les urnes

On attendait une poussée des Verts de gauche et de droite, on a eu une marée : ils doublent leur force parlementaire, font élire un Conseiller d'Etat à la place d'un PLR et, ensemble, font jeu égal avec le premier parti du canton, l'UDC. On n'attendait pas une défaite de l'UDC dans son bastion blochérien, elle l'a lourdement subie : elle perd 5,5 % d'électeurs et neuf sièges parlementaires, fait son plus mauvais score depuis un demi-siècle et sauve de justesse son deuxième siège au Conseil d'Etat. On n'attendait pas une défaite du PLR, il l'a subie, perd deux députés et un ministre et se retrouve pour la première fois avec un seul élu au gouvernement. On ne s'attendait pas vraiment à une progression de la gauche, on pensait que celle des Verts allait se faire au détriment du PS, mais le PS a résisté, sa candidate et son candidat au Conseil d'Etat ont cartonné et le seul siège parlementaire qu'il perd est récupéré par la gauche alternative. Les élections cantonales zurichoises de dimanche dernier ont, à elles seules, changé la donne des élections fédérales de l'automne prochain. L'UDC misait à Zurich et mise toujours au plan national sur la centralité politique de la question européenne, mais c'est celle du climat qui est devenue centrale -sans exclure les grands enjeux sociaux sur lesquels la gauche met l'accent. Bref, avec la victoire des Verts et la progression de la gauche, les urnes zurichoises ont accouché d'un vote "ecosocialiste"...


Chaud, chaud, chaud, l'automne sera chaud !

Le chef du groupe socialiste, Roger Nordmann considérait en mars 2015 qu'il y avait au Conseil national "une quarantaine d'élus qui sont brutalement vendus", "bloqués", "imperméables au compromis parce qu'ils sont dépendants financièrement d'un lobby"*. Ces élus (de droite) "vendus", ce sont ceux qui donnent à l'addition du PLR et de l'UDC une majorité des sièges au Conseil national. Et l'objectif du PS pour les élections fédérales de cet automne est clair : faire tomber cette majorité de droite (dont le PDC ne fait pas vraiment partie), et dépasser les 20 % de suffrages. Il n'est d'ailleurs pas très loin de cette barre symbolique, avec ses 18,8 % de 2015. Pour le président du parti, Christian Levrat, une progression socialiste est nécessaire pour "briser" une majorité de droite atteinte actuellement au Conseil national par la seule addition du PLR et de l'UDC. Le PS a quelques raisons d'être optimiste : il a progressé dans la plupart des élections cantonales de 2017, et il est le premier parti dans les plus grandes villes. De son côté, le PLR s'est donné pour objectif aux élections fédérales de dépasser le PS et de devenir la deuxième parti de Suisse, derrière l'UDC. Le match électoral de cet automne va donc se jouer essentiellement entre ces trois formations, l'UDC, le PS et le PLR, sans pour autant oublier, chellengersni les Verts ni le PDC, et chaud, chaud, il va être chaud...

Au soir du 18 octobre 2015, la droite pouvait fêter sa victoire aux élections fédérales : l'UDC gagnait 11 sièges, le PLR en gagnait trois au Conseil national et deux au Conseil des Etats, les deux partis obtenaient ensemble la majorité absolue des sièges au Conseil national (101 sièges sur 200) et au Conseil fédéral (quatre sièges sur sept). Un grand virage à droite de la politique suisse se dessinait.  Mais à quoi a-t-elle servi, cette majorité PLR-UDC au Conseil national ? Qu'a-t-elle obtenu ? Pas grand chose : l'élection du navrant Cassis au Conseil fédéral, et le démantèlement de la loi fédérale sur le CO2. A part ça ? Rien. D'abord, parce que la progression de l'UDC a été nulle au Conseil des Etats, où le PS et le PDC détiennent ensemble la majorité absolue des sièges (26 sur 46), et qui fait contrepoids efficace au Conseil national, les deux Chambres ayant rigoureusement les mêmes compétences. Ensuite, explique le président de l'UDC Albert Rösti, parce que "le PLR n'est pas un partenaire fiable", notamment sur tout ce qui concerne les relations internationales et le dossier européen, le protectionnisme économique et la "liberté de circulation".

La seule grande réforme soutenue par le parlement et le gouvernement qui a également été soutenue par le peuple l'a été contre l'UDC : c'est la réforme de la politique énergétique. La réforme de la politique d'asile, moins ambitieuse et plus ambiguë, a également été adoubée par le peuple, contre l'UDC. En revanche, la réforme de la fiscalité des entreprises, soutenue par l'UDC et le PLR, a échoué devant le peuple. En outre, le PLR et l'UDC défendent sur plusieurs enjeux importants (comme celui des relations avec l'Union Européenne ou la libre circulation) des positions contradictoires. Enfin, le peuple lui-même est un contre-pouvoir. Ce n'est pas qu'il soit majoritairement à gauche (on en est loin), c'est qu'il se rallie régulièrement à la gauche dans des votes référendaires (comme celui contre la réforme RIE III de l'imposition des entreprises). La gauche suisse est minoritaire, historiquement : depuis qu'elle existe séparément du vieux parti radical, son poids électoral, toutes formation politiques confondues, oscille entre un quart et un tiers des suffrages. Un quart quand elle est égrotante, un tiers quand elle est mieux de sa forme (comme au sortir de la Guerre Mondiale...). On a longtemps considéré que cela faisait de la gauche suisse l'une des plus faiblarde d'Europe. Mais aujourd'hui, sans s'être renforcée, elle est plus forte que celle des pays voisins. Ce n'est pas qu'elle se porte mieux, c'est que les autres se portent plus mal.
Mais au royaume des aveugles, on ne pas se satisfaire d'être borgnes...


*De 1980 à 2010, le nombre de représentants patronaux "directs" siégeant au parlement fédéral (administrateurs ou dirigeants exécutifs des 110 plus grandes entreprises, ou membres des comités directeurs des quatre syndicats patronaux nationaux (USCI, USAM, UPS et USP), est passé de 54 à 28 (41 en 2000). Tous les partis "bourgeois" (PLR, PDC, UDC) voient le nombre de leurs élus pouvant être considérés comme des représentants directs du patronat, se réduire : de 27 à 14 pour le PLR, de 10 à 4 pour le PDC, de 12 à 9 pour l'UDC.

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