Fonds de tiroir


L'Académie française, à la surprise générale, a accepté de reconnaître qu'il n'y avait « aucun obstacle de principe » à la féminisation des noms de métiers tant que cela ne modifie pas la structure et l'eu-phonie de la langue. Mais certains académiciens ont confié qu'ils n'aimaient pas « doctoresse » parce que ça rimait avec « fesse » (une rime pauvre, pourtant...) ou «rectrice» parce que ça leur évoque «rectal». Ils vont donc virer «gribouille», «fripouille» ou «gargouille» du dico parce que ça rime avec « couille » et « chtouille », exiger qu'on n'amarre plus les ba-teaux à une « bitte » parce qu'avec un « t » en moins, ça fait vachement mal,  et rebaptiser la planète Uranus parce que, et prohiber « vaincu » parce que ç'en est dix-neuf de trop ?

Le 14 novembre dernier, la droite municipale de la Ville de Genève avait cru pouvoir jouer un joli coup en faisant approuver par le Conseil municipal deux délibérations visant les indemnisations des membres du Conseil administratif (faut dire que le conseil administratif est de gauche alors que le Conseil municipal est à majorité de droite). La première délibération privait les membres de l'Exécutif de cartes de crédit « Ville de Genève », et la seconde supprimait le forfait dont ils et elles disposaient pour couvrir leurs frais professionnels, ne leur laissant que la possibilité de se les faire rem-bourser au cas par cas. Et le 5 février suivant, elle avait ajouté à ces deux délibérations vindicatives une troisième délibération, folklori-que : redonner à la Fête des Ecoles son nom de l'époque calvinienne : les «Promotions». Et elle était toute contente, la droite municipale, d'avoir montré ses muscles. Elle avait seulement oublié que les muscles sans les neurones, ça sert pas à grand'chose: le 5 mars, le Conseiller d'Etat Thierry Apothéloz (un socialiste, ce qui ne va pas arranger l'humeur de la droite municipale) à informé le Conseil administratif que ces trois délibé-rations étaient contraires à la loi sur l'administration des communes, qui attribue au seul Conseil administratif la compétence de sa propre organi-sation interne et de la dénomination des manifestation officielles. Du coup, les trois délibérations ont été transformées en résolutions du Conseil municipal. Des pets dans l'eau, quoi. Bon, la gauche est minoritaire au Conseil municipal, mais elle peut toujours compter sur l'incompétence de la droite pour limiter les dégâts. ça console pas, mais ça rassure.

Les communes genevoises ont moins de compétences que les autres com-munes de Suisse, mais ça ne les rend pas moins désirables : L'« affaire des notes de frais » a beau être en toile de fond (l'« affaire Maudet » aussi, d'ailleurs), une masse de candi-datures à la candidature au Conseil administratif de la Ville s'abat sur les partis: quatre candidates et un candidat  (le Maire) au PS, une bonne dizaine chez les Verts, une candidate au Parti du Travail et deux à solidaritéS (ne serait-ce que pour emmerder le PdT),  un candidat du PLR, deux candidates PDC, un candidat du MCG et on attend un candidat de l'UDC. C'est tout ? Ben non, les délais de dépôt des candidatures ne sont clos qu'au PS... et les élections n'auront lieu que dans plus d'un an... Et dire que de sagaces analystes glosent sur la désaffection à l'égard de la politique. ça doit pas concerner celles et ceux qui en font...

L'hypothèse que le PS genevois renonce à soutenir la réforme fiscale cantonale encolérait le député PLR Zweifel : dans « Le Courrier », il assurait que la droite, au moment du vote parle-mentaire, ignorait que les socialistes allaient à nouveau se prononcer sur l'accord qu'ils avaient approuvé : «  ce n'est pas une manière de faire de la politique », geint-il. Ben si, c'est même comme ça qu'on avance... Mais pour Zweifel, «une fois que l'on s'est serré la main, on ne revient pas en arrière ». Peut-être pas chez les maquignons, mais en démocratie, on peut. La preuve : le PS genevois dit deux fois NON à la RFFA fédérale et à sa petite soeur cantonale. Pourtant, la droite nous avait bien expliqué que si on faisait ça, on la peinerait, on la fâcherait, elle n'aurait plus confiance en nous... mais bon, voila, on n'en pas grand chose à secouer de ce que la droite pense de nous. Et puis la «Julie» nous a bien expliqué ce qu'on risquait à dire « non » à la réforme fiscale cantonale: si le PS appelle à voter non (ce qu'il fait) et que la réforme passe. il aura « sauté dans le mauvais wagon au dernier moment. Ce n'est pas brillant mais finalement pas dommageable ». Mais si le PS dit « non » et que le «non» passe, ce serait le « pire scéna-rio », parce que ça «mettrait en rage l'Entente, le MCG et l'UDC». Sauf qu'on s'en fout de mettre ou non en rage ou en pleurs la droite et l'extrême-droite genevoise, on n'est pas là pour leur faire plaisir. D'autant que l'UDC aussi dit «non», sans que le reste de la droite geigne. Pour la «Julie», le débat se résumait en un affrontement entre de gentils pragmatiques qui négocient avec la droite et de méchants fondamentalistes « pour qui tout est à jeter dans cet accord ». C'est à peine caricatural : en fait, il y avait deux pragmatismes contra-dictoires, l'un privilégiant les rapports de force parlementaires et un accord avec la droite, l'autre privilégiant le rapport de force dans la population et l'unité de la gauche.  l'Assemblée générale du PS qui devait choisir entre le soutien et l'opposition aux réformes fiscales se tenait dans une salle décorée d'une grande affiche « Pour le maintien de prestations publiques de proximité » -mais aucun partisans de l'accord passé avec la droite ne pouvait expliquer comment on pouvait maintenir ces prestations avec des centaines de millions de recettes fiscales en moins... et il était difficile de convaincre (et pourtant certains s'y sont essayé) une majorité de socialistes qu'être avec toute la droite contre tout le reste de la gauche était un positionnement politique crédible pour un parti de gauche.

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