L'"Appel de Genève" en crise ?


Unique en son genre

Un déficit de plusieurs centaines de milliers de francs (dû notamment à la perte d'une contribution européenne), de nombreux départs au sein du personnel, le départ de sa co-fondatrice : l'"Appel de Genève" serait en "crise profonde", et cette crise inquiéterait la Confédération qui le soutient. Mais plus grave, cette organisation profondément originale dans son but, son rôle et ses pratiques s'en éloignerait pour devenir une sorte de petit CICR-bis. Le but, le rôle, la pratique de l'"Appel de Genève" : intégrer des groupes armés non-étatiques qui l'acceptent (des mouvements de libération nationale, des organisations révolutionnaires, des mouvements de résistance...) à un cadre de respect du droit international humanitaire, en élargissant celui-ci à des acteurs qu'il ignorait et qui l'ignoraient : refus de l'usage d'armes exclues par ce droit (les mines anti-personnel), renoncement à l'enrôlement d'enfants-soldats, notamment. Cela, il est le seul à le faire. Unique en son genre, s'il ne fait plus, ou moins, ou mal, ce pour quoi il a été fondé, il ne se justifie plus.


Intégrer dans le droit commun des acteurs que ce droit ignore

Commençons par le commencement : les droits. C'est-à-dire le Droit. Le Droit effectif, c'est le Droit des Etats. Et cela vaut pour le droit international comme pour tout autre niveau du Droit. Les droits de l’homme et le droit humanitaire ont certes été proclamés par des écrivains, des philosophes, des militantes et militants politiques bien avant que de l'être par des parlements et des organisations internationales, mais les textes qui les instituent ont été adoptés par des Etats, et leur respect sont de la responsabilité de ces Etats. Or dans la réalité, peu importe aux victimes de violations de leurs droits que ceux qui les violent soient ou non des agents de l'Etat... Peu importe qui contrôle un territoire quand le non-respect des droits de l’homme engendre sur ce territoire les mêmes conséquences, qu'il soit contrôlé par un Etat ou un groupe armé non-étatique. Le droit international humanitaire est un droit des Etats, mais des acteurs armés non-étatiques contrôlent de grands territoires, et une forte population. Ils ne sont pas des Etats, mais ils pèsent sur des femmes, des hommes, des enfants, comme s'ils étaient des Etats. Il fallait donc inventer des instruments pour intégrer dans le droit commun ces acteurs que ce droit ignore. C'est ce que l'Appel de Genève a fait : il a mis en place une procédure par laquelle les groupes armés non étatiques signent un engagement à respecter le droit international humanitaire, et des moyens de surveiller le respect de cet engagement, déposé et signé à Genève par l'Appel de Genève et le groupe armé, contresigné par les autorités genevoises. Et c'est ce qu'il doit continuer à faire, parce que c'est pour cela qu'il a été fondé, et que c'est cela seul qui peut le justifier.
Les responsables actuels de l'Appel de Genève minimisent la crise. Acceptons-en l'augure : cet ONG est irremplaçable. Et son action, incomparable à toute autre, est trop utile pour qu'on la laisse se dissoudre dans la normalité : elle n'est pas une deuxième Croix-Rouge internationale sans les moyens de la première, et ne peut se réduire à l'être sans perdre toute utilité, et même toute légitimité...

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