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On ne lâche rien...

La Ville de Genève accorde aux familles les plus modestes de la commune une allocation de rentrée scolaire, que la droite municipale n'avait cessé de combattre et qu'il avait fallu lui imposer. Ne pouvant la supprimer, elle avait décidé de la dénaturer : l'allocation était versée sous forme monétaire, sur un compte postal ou bancaire, la droite a imposé qu'elle soit désormais versée sous forme de bons d'achat dans les commerces de ses copains. Nous avions combattu au Conseil municipal cette régression vers les aumônes intéressées du XIXe siècle, puis, après qu'elle ait été ratifiée par la droite dilatée (du MCG au PDC), lancé une pétition ("Des allocations, pas des aumônes") pour en revenir "à un mode acceptable et rationnel de versement des allocations de rentrée scolaire". Hier soir, au Conseil municipal, la même droite dilatée qui avait imposé le retour aux bons caritatifs a refusé la pétition. Comme on dit dans ces cas là : "le combat continue" -et il continuera jusqu'à ce quelques bribes de rationalité sociale se fraient, si péniblement que cela dusse se faire, dans quelques cerveaux de droite. Têtus, on est. Et optimistes, aussi...


Faire bien comprendre aux bénéficiaires d'une allocation en quel mépris on les tient

La pétition que la droite municipale a refusé de renvoyer au Conseil administratif (ce qui aurait équivalu à la soutenir) reprenait la position que nous avions exprimée lorsqu'il était venu à la droite municipale l'idée absurde, et au Conseil municipal la faiblesse de l'accepter, de remplacer une allocation sociale versée sous forme monétaire par une subvention aux commerces locaux sous forme de bons accordés à de potentiels clients. C'était la première des manifestations de pulsions fétichistes qui se sont emparées de la droite municipale dès lors qu'elle crut pouvoir être la majorité politique de la Ville. Nous eûmes plus tard le fétichisme balnéo-vestimentaire, lorsqu'il se fut agi de modifier le règlement des piscines municipales pour charger le personnel de ces piscines de vérifier la longueur des manches des tenues de bains des femmes, et nous eûmes il y a peu le fétichisme des dénominations patrimoniales avec le grands retour des Promotions. Sur les allocations de rentrée scolaire, on a eu droit au fétichisme des bons, méthode archaïque que voulait imposer la droite municipale, mais à laquelle la Conseillère administrative, plus moderne que la droite municipale, a substitué la méthode des cartes de débit. Ce n'est qu'un moindre mal.

Pourquoi verser cette allocation sous une forme différente de celle qui prévaut pour toutes les autres allocations ? Pour défendre sa proposition d'en revenir au système des bons, la droite municipale expliquait qu'il fallait que l'allocation de rentrée scolaire profitât au commerce genevois. Comme si telle était sa fonction et sa légitimation. On a eu beau rappeler que la fonction et la légitimation d'une allocation sociale était de concrétiser un droit social, rien n'y  fit, la droite s'accrochait à son rêve de la transformer en subvention au commerce local. Jusqu'à ce que la Commission fédérale de la concurrence lui explique que ce n'était pas possible. Du coup, les bons sont devenus des carte de débit pouvant être utilisées dans toute la Suisse dans des commerces partenaires (dont la Migros...).

Il y avait une motivation et deux prétextes à l'opération "bons de rentrée scolaire" lancée par la droite municipale. La motivation, c'est évidemment l'opposition constante de la droite à l'existence même de cette allocation. Quant aux prétextes, celui du soutien au commerce local, ayant été dissipé par la Comco,  ne reste plus que le deuxième prétexte : faire en sorte que l'allocation de rentrée scolaire ne serve qu'à l'achat de fournitures scolaires. Distribuer des bons ou des cartes valables uniquement dans certains commerces, ce serait s'assurer que les bénéficiaires de ces cartes ne les utilisent que pour la rentrée scolaire de leurs enfants et pas pour d'autres besoins. Parce que les pauvres, on le sait bien, quand on leur donne de l'argent, ils le boivent ou le jouent à la loterie. Contrairement aux Conseillers municipaux, dont nul ne peut douter qu'ils n'utilisent leurs jetons de présence que pour se rembourser des frais liés à leur activité de conseillers municipaux, et pour rien d'autre. Sans quoi ils seraient évidemment les premiers à exiger que leurs jetons de présence leurs soient aussi versés sous forme de bons d'achat.

Bref, le Conseil municipal avait accepté la transformation d'une allocation sociale versée sous forme monétaire en une aumône octroyée sous forme de bons (ou désormais de cartes de crédit), non pour aider ceux à qui ils sont distribués mais les commerces où ils seront utilisés, et surtout
pour faire bien comprendre aux bénéficiaires de l'allocation en quel mépris on les tient. Pour que cette substitution se fasse, il a fallu bricoler, engager trois personnes, dépenser plusieurs dizaines de milliers de francs (76'000 francs en 2017) prélevés dans le budget du Service social. Et ces dépenses vont se reproduire chaque année, puisque ce sont des dépenses de fonctionnement. Des dépenses inutiles pour un fonctionnement absurde -autrement dit, un gaspillage de ressources. En revenir à un mode plus efficace, plus rationnel et plus économe de délivrer cette allocation, c'est-à-dire à son versement sur un compte postal ou bancaire, c'était précisément ce que demandait la pétition et ce que la droite a refusé, histoire sans doute de
faire bien comprendre aux bénéficiaires de l'allocation en quel mépris elle les tient.
 
L'allocation de rentrée scolaire est une allocation sociale, pas une aumône ni une subvention aux commerces. Et une allocation sociale se verse comme toutes les autres allocations sociales, en argent, à qui remplit les conditions d'octroi de cette allocation.
Ce que demandait la pétition refusée hier soir au Conseil municipal était plus juste, plus rationnel, plus respectueux des ayant-droit que ce qu'un soir de digestion difficile une majorité de ce Conseil (PDC compris...) avait cru bon d'imposer, et que hier soir elle crut bon de maintenir, pour une raison avouée (le soutien au commerce local) mais rendue illusoire par la Comco, et surtout une raison inavouable (la suspicion à l'égard des bénéficiaire de l'allocation) qu'on a à nouveau entendu exprimer hier soir (notamment par le PLR et le MCG). La majorité étant toujours la même, comme son mépris de classe à l'égard de la population la plus modeste de notre ville, on aurait tort de s'étonner de son obstination. Mais plus grand tort encore de renoncer à la surmonter, d'une manière ou d'une autre.
En changeant de majorité l'année prochaine, par exemple.

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