Putasserie des uns et complicité des autres aidant : La fin du Plaza ?





Lundi dernier, Notre-Dame de Paris était en feu. Et à Genève le cinéma "Le Plaza" commençait apparemment à partir en miettes. L'une est victime du feu, l'autre est victime du fric. Notre-Dame survivra à son incendie. Elle a survécu à presque tout. Quasimodo et Esmeralda la veillent. Il n'y avait que nous pour veiller sur le Plaza, et s'il se confirme que sa démolition est entamée, rien de lui n'y survivra, sinon le souvenir que nous pouvions avoir de la plus belle salle de cinéma de Romandie. Et de la vulgarité absolue de ceux qui y auront substitué un centre commercial et un parking. Et de l'insondable pleutrerie de ceux qui auraient pu la défendre et la maintenir, et se sont couchés devant ses démolisseurs.

Que nous restera-t-il si réellement la démolition du Plaza avait commencé ?

Le 21 mars 2018, le Conseil d’Etat avait  produit, sur la base de l’ « expertise » de ses juristes, un arrêté invalidant totalement l’initiative « Le Plaza ne doit pas mourir », signée par plus de 11'000 citoyennes et citoyens genevois. Ce faisant, le gouvernement cantonal sortant privait les citoyennes et les citoyens du droit de se prononcer sur ce texte, et ignorait superbement le sens du droit d’initiative populaire législative accordé par la constitution genevoise, et qui fait du peuple lui-même, et non plus seulement du Grand Conseil, le législateur de la République. Il faisait même plus, le Conseil d'Etat :
en s’arrogeant l’exclusivité du droit de proposer au Grand Conseil une loi de déclaration d’utilité publique d’un bâtiment, il privait les députés du droit de proposer eux-mêmes une telle loi dans ce domaine, ce qui revient à priver les législateurs du pouvoir de légiférer.
Nous avions donc fait recours auprès de la Chambre constitutionnelle de la Cour de Justice contre ce déni de démocratie et cette ignorance volontaire du droit accordé aux citoyennes et citoyens, mais également aux députées et députés, de proposer directement une loi, sans en demander l’autorisation au gouvernement. Las ! la Cour de Justice confirmait la décision d’invalidation prise par le Conseil d’Etat, en reprenant sans distance critique son argumentation. Ne désarmant pas nous avons fait recours (nous en attendons le résultat) auprès du Tribunal fédéral contre l’arrêt de la Cour de Justice, pour les mêmes raisons que nous avions fait recours contre la décision du Conseil d’Etat : défendre un droit démocratique (celui d’initiative populaire législative), défendre un droit parlementaire (celui des députés de proposer eux-mêmes une loi) et défendre un élément irremplaçable du patrimoine architectural genevois (la salle de cinéma « Le Plaza »).
Et puis hier matin nous sont parvenues des images : une benne de chantier placée devant la sortie du Plaza et recevant des gravats. Peut-être la première étape d'un saccage. Pour creuser un parking sous un centre commercial, dans un quartier qui regorge de parkings et de centres commerciaux.

Que nous restera-t-il si réellement la démolition du Plaza avait commencé ? la vengeance et le détournement. Venger le Plaza et son architecte de la putasserie des uns et de la complicité des autres. Et détourner ce saccage vers une réaffirmation des droits démocratiques qu'il aura fallu bafouer pour pouvoir le perpétrer.
Des politiciens se sont mis au service du propriétaire démolisseur, d'autres n'étant jamais qu'au service d'eux-mêmes, d'autres encore se drapant dans les hardes pouilleuses d'une impuissance revendiquée (à quoi et à qui servent-ils, ceux-là ?). On se souviendra des uns et des autres... On se souviendra de ceux qui prêchent la mobilité douce et laissent démolir le plus beau cinéma de Genève pour en faire un parking. On se souviendra de ceux qui font des pieds, des mains et du reste pour être élus à une magistrature pour ensuite marmonner "on ne peut rien faire", autant que de ceux qui qui, quand ils entendent le mot culture, sortent leurs autorisations de démolir.


Commentaires

Articles les plus consultés