RFFA : tièdes soutiens pour une réforme réchauffée


Un compromis sans consensus ?

Le Président de la Confédération en titre, et Conseiller fédéral en charge des Finances (et de la campagne en Alémanie et auprès de la pour le "paquet" de la RFFA -Alain Berset s'occupant de la gauche et de la Romandie), Ueli Maurer, a, l'autre jour, quitté le plateau de la télé alémanique fâché par la présentation de l'enjeu de la votation du 19 mai, et en particulier par le reproche fait à la RFFA de n'être qu'une RIE III réchauffée. Consternation des partisans de ladite RFFA : "si on gagne le 19 mai, ce sera malgré lui" confie l'un d'eux à la "Tribune de Genève"... Et s'ils perdent, ce sera grâce à qui, ou à quoi ? On ne peut pas dire en tout cas que leur projet suscite un enthousiasme délirant dans le camp qui devrait lui être acquis : l'UDC (le parti de Maurer) n'a pas réussi à prendre position au plan suisse (et à Genève, où le projet n'est plus soutenu que par le PLR, le PDC et le MCG) elle appelle à voter "non"), et les Verts libéraux s'y opposent. Les partisans de la RFFA présentent ce projet comme un compromis capable de faire consensus -mais un consensus entre qui ? ses seuls auteurs ?


Qui "parle d'une seule voix" ? A Genève, c'est la gauche... pour dire "non"

Les opposants à la réforme fiscale fédérale (la RFFA) ont lancé fin mars leur campagne contre le "paquet" ficelé par le parlement fédéral, et qui lie dans un vote unique cette réforme et un financement supplémentaire de l'AVS. Les Verts, la gauche de la gauche, le PS genevois, la Jeunesse socialiste, le syndicat SSP, ne refusent pas le principe d'un taux d'imposition unique pour les entreprises, et donc la suppression des "statuts spéciaux", mais dénoncent une réforme fiscale conduite par la droite qui va entraîner 2,1 milliards de francs de pertes pour les collectivités publiques, sans que personne ne sache (ou n'ose) dire comment les compenser sauf à couper dans les prestations à la population. Ils dénoncent également un double dumping fiscal, entre les cantons et entre la Suisse et les autres pays, pour l'accueil des profits des multinationales -ce dumping-là prive les pays les plus pauvres des ressources nécessaires à leur sortie (et à celle de leurs peuples) de la pauvreté.

Les pertes fiscales dues à la réforme fédérale pèseront essentiellement (pour au moins un milliard et demi) sur les cantons et les communes -et celles de la réforme cantonale genevoise, évidemment exclusivement sur lui (186 millions de moins la première année) et elles. La facture fédérale (comme sans doute la facture cantonale) est d'ailleurs sous-estimée : nul ne prévoit les pertes dues aux niches fiscales, ni celles dues au passage des indépendants au régime des sociétés anonymes. Et on n'aura garde d'oublier que derrière la réforme soumise au vote le 19 mai s'en profilent d'autres, du même tonneau, que les cantons sont libres de fixer le plus bas possible (avec un plancher de 50 %) leurs taux d'imposition des dividendes.

"Il faut savoir quel type de développement nous visons, et si nous voulons (continuer à) être un repaire pour ceux qui planquent leur argent", assène Agostino Soldini, du SSP. Il faut savoir, et les partisans de la réforme, en effet, le savent : le type de développement actuel les satisfait entièrement. Même s'il fragilise totalement les cantons les plus accueillant pour les multinationales, en les rendant dépendants des ressources fiscales qu'elles assurent : à  Genève, un millier de sociétés "à statut" assurent 23 % des recettes fiscales des personnes morales, totalisent 22'000 emplois directs, contribuent à 40'000 emplois indirects. Doit-on en déduire que ces recettes et ces emplois disparaîtraient si on passait à un taux d'imposition de 14,99 % plutôt que les 13,99 % proposés par le parlement ou les 11,6 % qu'elles paient actuellement ? Bien sûr que non : il faudrait pour cela que toutes les sociétés actuellement "à statut" quittent le canton (combien, d'ailleurs, ce déménagement leur coûterait-il ?).  "Il ne s'agit pas de faire peur à la population", se récrie la ministre genevoise des Finances, Nathalie Fontanet, juste après avoir évoqué le risque d'un exode massif des multinationales. C'est pourtant bien ce à quoi elle se livre, et avec elle ses six collègues du gouvernement et les partis qui soutiennent son projet -un projet qui s'inscrit pleinement dans un contexte, sinon de dumping, du moins de concurrence fiscale entre cantons : le gouvernement et la majorité parlementaire de Genève avaient les yeux obsessionnellement braqués sur le taux vaudois... Et quand la "Tribune de Genève" ou "Le Temps" nous annoncent que tous les cantons romands parlent d'une seule voix pour défendre la (RFFA), cette "seule voix" est celle des gouvernements cantonaux, celle de Pascal Broulis reprise en choeur par ses homologues des autres cantons -mais pas celle de toutes les forces politiques et sociales : à Genève, qui parle d'une seule voix ? la gauche politique et syndicale...  pour dire "non"...

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