Un Grand Théâtre de Genève tout nouveau, tout beau : Qu'en faire ?



L'Opéra genevois nouveau est arrivé. Le Grand Théâtre rénové à ouvert ses portes, l'Opéra des Nations qui le remplaçait a fermé les siennes (et a migré en Chine). La renaissance du "vaisseau amiral de la culture genevoise" (qui ne va pas tarder à être escorté par la Nouvelle Comédie et la Cité de la Musique) n'a pas été saluée par un excès de flonflons et de discours officiels (d'aucuns et d'aucune, comme Sylvie Bonier dans "Le Temps", s'en sont émus : "le public s'est installé à sa place comme si la dernière représentation datait d'hier"), mais les media en ont plus que largement rendu compte et les visiteurs de la journée "portes ouvertes" ont été "éblouis" par un opéra rajeuni aux décors lumineux : c'était, nous dit-on, le "chantier du siècle" (enfoncés, le CEVA et le "Léman Express" ?) -un chantier de 65 millions de francs (suppléments et incidents non compris). Et puis, le Grand Théâtre n'a pas seulement changé de parure : il a aussi changé de directeur : Tobias Richter, à la tête de l'opéra genevois depuis dix ans, laissera son poste à Aviel Kahn, qui présentera sa première saison en mai. Il est tout nouveau, tout beau, l'Opéra de Genève. Ne lui reste plus qu'à mériter cette parure par sa ramure.

"Immerger" le Grand Théâtre dans "le tissu social qui l'environne"
Le Grand Théâtre de Genève, c'est la plus grosse institution culturelle de Suisse romande (hors l'école), avec un budget de 60 millions de francs par année (à plus des deux tiers couvert par la seule Ville de Genève, qui y consacre près du quart de ses dépenses culturelles), plus de 300 employés (dont la moitié sont en fait employés par la Ville), un chœur et un corps de ballet... mais un public (une centaine de milliers de spectateurs par année) dont le renouvellement, acquis grâce au déménagement provisoire à la place des Nations, doit être garanti par un renouvellement de la programmation. La Tetralogie wagnérienne, ça vous pose sans doute un opéra, mais ça n'y amène pas celles et ceux qui n'y ont jamais mis ni les pieds, ni le coeur. Et puis, il faut bien qu'on vous l'avoue : Wagner nous emmerde...

Dès la saison 2019-2020, Aviel Kahn, directeur depuis 2008 de l'Opéra des Flandres (qui chapeaute ceux d'Anvers et de Gand) succèdera à Tobias Richter à la tête du Grand Théâtre, qui assure quitter "une institution en très bon état". Aviel Kahn déclarait dans la "Tribune de Genève" du 26 mai dernier imaginer "un théâtre actif, immergé dans le tissu social qui l'environne", et vouloir "multiplier les liens avec les acteurs culturels présents pour faire en sorte que l'opéra ne se replie pas sur lui-même". Fortes résolutions, pour "replacer Genève à la première place parmi les scènes lyriques en Suisse", ce qui n'est guère aimable pour son prédécesseur. Le nouveau directeur est convaincu de pouvoir compter sur "une des plus grandes salles du pays" et sur "un orchestre de qualité", dirigé par un chef qu'il "apprécie beaucoup". Que demander de plus ?

L'Opéra genevois a les moyens d'une ambition culturelle plus grande que sa présence actuelle : les dimensions de sa scène, le volume de son budget, la qualité de son orchestre attitré (l'OSR) et, souvent, de sa programmation, pourraient faire de lui l'une des meilleures scènes d'Europe -or il n'est, selon les analystes des scène lyriques, que dans une bonne moyenne. Le critique de la NZZ, Peter Hagmann, l'explique par le conservatisme du public genevois -mais la programmation de Jean-Marie Blanchard avaient su le bousculer, alors que celle de Tobias Richter est plutôt de nature à le conforter. Une scène à peu près équivalente de la genevoise, celle de Lyon, fait mieux -et sa fréquentation s'en est trouvée améliorée, et son public rajeuni. C'est cet enjeu que le GTG doit remporter, à la faveur de sa rénovation.

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