Le tocsin sonne : et si les réformes fiscales étaient refusées ?


RFFakenews

Les partisans des réformes fiscales fédérale et cantonale genevoise nous le clament sur tous les tons : leur refus mènerait à une catastrophe, à un départ en masse des multinationales de notre beau pays et de notre glorieuse République, à une crise sans fin et sans fond. On imagine une flotte d'esquifs fragiles peuplés de patrons désespérés tentant de traverser le Léman pour se réfugier à Evian, et des groupes hagards de managers épuisés passant la Versoix par des nuits sans lune pour demander asile à Coppet. On a trop d'imagination. Si la réforme fédérale et sa petite sœur étaient refusées, toutes les deux ou l'une ou l'autre, il resterait sept mois aux parlementaires fédéraux, au Conseil fédéral, aux députés et au gouvernement genevois, pour concevoir un projet acceptable -qui ne vide pas les caisses publiques et n'encourage pas la sous-enchère fiscale. Sonner le tocsin (comme il fut déjà fait avant la votation du même genre sur la RIE III) égaie certes la campagne, mais ne relève que d'une "fake news".


Sept mois pour proposer une réforme fiscale acceptable


La réforme de l'imposition des entreprise répond à un impératif fixé par l'Organisation pour la coopération et le développement économique : égaliser les taux d'imposition des bénéfices entreprises, mettre fin aux privilèges dont disposent les multinationales. Et tout le monde est d'accord avec ce principe, celui d'un taux unique: les désaccords portent sur le niveau de ce taux et sur la persistance d'avantages fiscaux dont seules les multinationales et les grosses entreprises "nationales" pourront bénéficier. Mais le délai fixé par l'OCDE pour répondre à ces exigences n'est pas fixé au dimanche 19 mai qui vient, date de la votation fédérale et de la votation cantonale, mais au 31 décembre de cette année. Dans plus de sept mois. Les parlementaires et les gouvernants fédéraux et genevois ont donc sept mois pour présenter une nouvelle copie de réforme -d'une réforme fiscale qui ne vide pas les caisses publiques. Et une copie de réforme qu'on emballe pas dans un papier cadeau du genre d'un financement additionnel de l'AVS, certes indispensable mais qui n'a rien à voir avec une réforme fiscale, et n'en compense nullement les effets.

Ce n'est d'ailleurs pas ce "compromis" impliquant un refinancement de l'AVS (largement payé par les cotisations sur le salaire) pour faire avaler la réforme fiscale à la gauche qui fera renoncer la droite à son projet de repousser de deux ans l'âge de la retraite des hommes... et de trois ans celui des femmes. Le financement supplémentaire de l'AVS, équivaut aux pertes fiscales estimées pour les collectivités publiques, mais ne compense nullement ces pertes et n'amène aucune amélioration des rentes, déjà insuffisantes, même lorsqu'elles atteignent leur maximum, à assurer un revenu suffisant à une vie "normale". Le "paquet ficelé" par les Chambres fédérales est donc en soi inacceptable.

S'il n'en va pas tout-à-fait de même de la "compensation" proposée par le Conseil d'Etat à sa propre réforme fiscale, puisqu'elle n'est pas liée à cette réforme dans un vote unique, elle non plus ne compense pas les pertes de ressources des collectivités publiques, mais seulement, avec une enveloppe de 186 millions, la lourdeur de la charge des cotisations d'assurance-maladie pour les familles qui ne sont ni pauvres ni riches, et ne bénéficient donc ni de subsides pour payer leurs primes, ni de revenus assez élevés pour pouvoir les payer sans problème.

On relèvera tout de même que la soumission au vote populaire de cette proposition se fait par une démarche plus honnête que celle qui a, dans le "paquet" fédéral (la RFFA), lié le financement additionnel de l'AVS et la réforme fiscale de telle manière qu'on doit forcément les accepter ou les refuser ensemble, en seul vote : au moins peut-on à Genève dissocier notre prononcement sur la réforme fiscale et celui sur l'élargissement des subsides d'assurance-maladie, et voter contre la réforme fiscale et pour la réduction des primes d'assurance-maladie, que ce soit par l'élargissement du champ des bénéficiaires des subsides, ce que propose le Conseil d'Etat, ou par un plafonnement des primes à 10 % du revenu déterminant, ce que propose l'initiative de la gauche.  Et si la proposition du Conseil d'Etat et celle de l'initiative sont toutes deux acceptées, on exprimera une préférence pour l'initiative...

Bref, le 19 mai, on votera deux fois NON aux réformes fiscales, la fédérale et la cantonale, et deux fois OUI aux deux mesures proposées pour alléger la charge des cotisations d'assurance-maladie. Et princiers comme le sont forcément les membres du Souverain démocratique, on laissera sept mois à celles et ceux qui sont supposés le représenter pour lui proposer quelque chose qu'il puisse accepter sans se boucher les oreilles pour ne pas entendre le tocsin sonné par les prophètes du désastre fiscal.

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