Ouverture dominicale des magasins genevois : Loi de la jungle ou convention collective
Souvenez-vous : en novembre 2016, en votation cantonale, le bon peuple
avait accepté que les commerces genevois puissent ouvrir trois dimanches
par année, plus le 31 décembre, à condition qu'une convention collective
de travail soit en vigueur, étendue à toute la branche. Mais cette
condition n'a pas été remplie -un contrat-type de travail a dû être
édicté par le canton pour suppléer à cette carence. Ce contrat impose
des salaires minimums et prévoit une augmentation du salaire (très)
minimum pour le personnel non qualifié et sans expérience, qui passerait
au niveau mirifique de 4007 francs par mois pour 42 heures de travail
hebdomadaire. Ce contre quoi des associations patronales du commerce de
détail genevois ont recouru au Tribunal fédéral. Auparavant, le patronat
du secteur avait tenté de contourner la condition d'une Convention
collective de travail en en signant une avec la société des employés de
commerce, pratiquement absente du secteur du commerce de détail genevois
et donc disposée à signer n'importe quoi avec n'importe qui pour exister
dans le paysage syndical local. Sauf que son coup de surin dans le dos
des syndicats représentatifs des travailleuses et des travailleurs du
secteur lui a valu d'être exclue de la communauté genevoise d'action
syndicale (la CGAS), qui regroupe tous les syndicats genevois -sauf,
désormais, la SEC... Les associations patronales ont également
instrumentalisé la majorité de droite du Grand Conseil pour contourner
la condition d'une convention collective, par une loi la supprimant, ce
contre quoi les syndicats ont lancé un référendum*, soutenu par la
gauche. On vote le 19 mai. Et on vote, évidemment, "non". Pour rétablir
l'obligation d'une convention collective si vraiment le patronat du
commerce genevois tient à ouvrir le dimanche les magasins qui le
peuvent. Parce que la loi de la jungle, c'est fait pour la jungle, pas
pour une République où on ne cesse de nous chanter les vertus du
"partenariat social". Pour mieux s'assoir dessus.
*A Nyon aussi, un référendum a été lancé contre une décision politique d'élargir les horaires d'ouverture des magasins (jusqu'à 19 heures le samedi), décision prise par le Conseil communal (les horaires d'ouverture sont dans le canton de Vaud de la compétence des communes) pour complaire au patronat du commerce de détail local. Pour les référendaires (les syndicats et le PS), une prolongation des heures d'ouverture ne profitera qu'aux grands magasins. Comme à Genève.
L'ouverture dominicale, c'est l'opium du commerçant.
Dans le magazine de la Migros (qui est évidemment favorable à l'ouverture dominicale de ses magasins -dont deux, plus les franchisés, sont déjà ouverts le dimanche), le directeur de Payot assure que "pouvoir ouvrir trois dimanches par an, avant les fêtes, renforcerait l'attractivité des commerces genevois et préserverait l'économie locale et l'emploi". Mais en quoi trois dimanches d'ouverture des magasins réduiraient-ils le tourisme d'achat et la consommation par internet ? En quoi baisseraient-ils les prix à Genève (ou les augmenteraient-ils en France) ? Le directeur de Migros Genève cultive la même illusion (dont il sait lui-même qu'elle est une illusion) d'ouvertures dominicales permettant "aux commerçants genevois qui le souhaitent de s'adapter à l'évolution de leurs clients et nous redonner de l'attractivité face à la concurrence". La concurrence de qui ? d'Amazon ?
Il y en a un, en tout cas, qui n'est plus (s'il y a jamais été) dans les petits papiers du patronat du commerce genevois, c'est le président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers. Il s'est attiré une lettre ouverte furibarde (adressée aussi à Pierre Maudet, mais elle a dû être retournée à l'expéditeur avec mention "destinataire inconnu") du président du Trade Club, de la présidente de la Fédération du commerce genevois et du président de la Nouvelle organisation des entrepreneurs, qui dénoncent en les personnes de Hodgers et Maudet "une politique étatique de développement économique faisant peu de cas des besoins et attentes légitimes des commerçants". Mais qu'est-ce qu'il a fait, Hodgers, pour s'attirer5 cette philippique ? il a déclaré que le "tourisme d'achat" des Genevois en France était "anecdotique"... Blasphème ! Les Genevois font pour 416 millions de francs d'achats par en en France, ce qui ne doit guère représenter plus de 3 ou 4 % du total des achats faits par les Genevois (et par les résidents en France) à Genève. Mais ce n'est pas la réalité qui intéresse les patrons du commerce (sinon, pourquoi s'obstineraient-ils à nous faire croire qu'ouvrir trois dimanches par an allait remédier à la crise du secteur ?), c'est le regard qu'on porte sur eux. Ils veulent qu'on les aime, quoi. On compatit à leur douleur, mais on le redit : à la crise que vivent certains commerces (les petits commerces d'abord), l'ouverture dominicale à laquelle ils s'accrochent comme des fidèles du moyen-âge à des reliques n'offre aucune solution, ni même aucun échappatoire. Sinon celui d'un rêve dans un paradis artificiel : comme dirait Karl Marx, l'ouverture dominicale, c'est l'opium du commerçant...
*A Nyon aussi, un référendum a été lancé contre une décision politique d'élargir les horaires d'ouverture des magasins (jusqu'à 19 heures le samedi), décision prise par le Conseil communal (les horaires d'ouverture sont dans le canton de Vaud de la compétence des communes) pour complaire au patronat du commerce de détail local. Pour les référendaires (les syndicats et le PS), une prolongation des heures d'ouverture ne profitera qu'aux grands magasins. Comme à Genève.
L'ouverture dominicale, c'est l'opium du commerçant.
Dans le magazine de la Migros (qui est évidemment favorable à l'ouverture dominicale de ses magasins -dont deux, plus les franchisés, sont déjà ouverts le dimanche), le directeur de Payot assure que "pouvoir ouvrir trois dimanches par an, avant les fêtes, renforcerait l'attractivité des commerces genevois et préserverait l'économie locale et l'emploi". Mais en quoi trois dimanches d'ouverture des magasins réduiraient-ils le tourisme d'achat et la consommation par internet ? En quoi baisseraient-ils les prix à Genève (ou les augmenteraient-ils en France) ? Le directeur de Migros Genève cultive la même illusion (dont il sait lui-même qu'elle est une illusion) d'ouvertures dominicales permettant "aux commerçants genevois qui le souhaitent de s'adapter à l'évolution de leurs clients et nous redonner de l'attractivité face à la concurrence". La concurrence de qui ? d'Amazon ?
Il y en a un, en tout cas, qui n'est plus (s'il y a jamais été) dans les petits papiers du patronat du commerce genevois, c'est le président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers. Il s'est attiré une lettre ouverte furibarde (adressée aussi à Pierre Maudet, mais elle a dû être retournée à l'expéditeur avec mention "destinataire inconnu") du président du Trade Club, de la présidente de la Fédération du commerce genevois et du président de la Nouvelle organisation des entrepreneurs, qui dénoncent en les personnes de Hodgers et Maudet "une politique étatique de développement économique faisant peu de cas des besoins et attentes légitimes des commerçants". Mais qu'est-ce qu'il a fait, Hodgers, pour s'attirer5 cette philippique ? il a déclaré que le "tourisme d'achat" des Genevois en France était "anecdotique"... Blasphème ! Les Genevois font pour 416 millions de francs d'achats par en en France, ce qui ne doit guère représenter plus de 3 ou 4 % du total des achats faits par les Genevois (et par les résidents en France) à Genève. Mais ce n'est pas la réalité qui intéresse les patrons du commerce (sinon, pourquoi s'obstineraient-ils à nous faire croire qu'ouvrir trois dimanches par an allait remédier à la crise du secteur ?), c'est le regard qu'on porte sur eux. Ils veulent qu'on les aime, quoi. On compatit à leur douleur, mais on le redit : à la crise que vivent certains commerces (les petits commerces d'abord), l'ouverture dominicale à laquelle ils s'accrochent comme des fidèles du moyen-âge à des reliques n'offre aucune solution, ni même aucun échappatoire. Sinon celui d'un rêve dans un paradis artificiel : comme dirait Karl Marx, l'ouverture dominicale, c'est l'opium du commerçant...
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