Urgence climatique et environnementale : Et nos comportements individuels ?


12'000 scientifiques du monde entier, dont 1700 Suisses, ont appelé à des actions urgentes pour protéger l'environnement. 260 scientifiques francophones ont également lancé un appel allant dans le même sens : "il y a urgence à agir pour le climat", résume le climatologue Reto Knutti, pour qui si nous avons "un problème, nous avons aussi des solutions" : remplacer les énergies fossiles par des énergies neutres du point de vue climatique, rénover tout le parc immobilier, remplacer les voitures, développer les transports publics et en particulier les chemins de fer... Or on est loin de ces engagements nécessaires : la Suisse a émis en 2016 l'équivalent de 48 millions de tonnes de CO2 en gaz à effet de serre, et le Conseil fédéral n'a donné pour objectif que celui de réduire cette production de 22 % en dix ans, et de financer le double de réduction à l'étranger, comme si le CO2 et les autres gaz à effet de serre respectaient les frontières. Les Etats signataires de l'Accord de Paris ont apparemment pris le sujet au sérieux et reconnu la responsabilité humaine dans le dérèglement climatique, mais n'ont pas mis grand chose en oeuvre pour y parer. Et en Suisse, le parlement a vidé de sa substance la loi sur le CO2... Pourquoi ? Parce que, répond Reto Knutti, "trop de personnes, en politique et dans l'économie, profitent du système actuel", et que "nos politiques placent la croissance de l'économie avant la préservation de la biodiversité", alors qu'il nous faudrait nous tenir à la quantité de ressources naturelles qu'on peut exploiter et consommer sans péjorer les conditions de vie des générations suivantes. Et il ne suffit pas qu'une minorité de la population change de comportement, il faut que ce changement soit général, et accepté par tous. Noble ambition, vaste programme, mais comment le réaliser ? Par la contrainte ? Plutôt, nous semble-t-il, par la raréfaction volontaire des capacités de consommation. Faute de quoi c'est la réalité même (la hausse du prix des ressources fossiles, leur raréfaction) qui imposera des changements plus brutaux que ceux que nous aurions pu choisir nous mêmes. Mais nos propres comportements nous opposent à nous-mêmes : nous voulons payer moins cher ce que nous consommons, mais en consommant chinois nous contribuons à licencier chez nous. Nous prônons la résistance au "toujours plus vite", mais nous communiquons par courriels urgents. Et nombre d'entre ceux se veulent écologistes sont automobilistes sans y être contraints...

Balayons un peu devant notre porte...

Si on tire des rapports sur l'état de l'écosystème mondial (comme ceux du GIEC) des conséquences en termes de choix personnels, on peut évidemment réduire un peu son "empreinte carbone" en changeant d'ampoules d'éclairage, en étendant son linge (qu'on aura lavé à l'eau froide) plutôt qu'user d'un séchoir, en recyclant ses déchets et en échangeant sa voiture à essence pour une voiture hybride, mais on la réduira plus significativement en passant à une alimentation végétarienne, en consommant de l'énergie "verte", en renonçant à au moins un vol transatlantique par année, et en renonçant à une automobile qu'elle soit hybride, tout électrique ou à essence... et d'aucune nous glissent que le renoncement le plus efficace est celui à enfanter -surtout si l'enfant auquel on renonce aurait dû grandir en consommant comme on le fait actuellement : un enfant de pauvres dans un pays pauvre ne pèse pas sur l'environnement... La clef de la lutte contre le réchauffement climatique est-elle le refroidissement démographique, un recul de la population mondiale à un ou deux milliards d'individus, et une maîtrise absolue de leur procréation pour en rester à ce niveau ? mais quelles populations doivent-elles être réduites ? les plus pauvres, celles qui, consommant le moins, sont le moins responsable du dérèglement climatique ou les plus riches, celles qui détiennent le pouvoir, mais consomment le plus et dérèglent le plus? Au fond, pour en revenir à un ou deux milliards d'humains peuplant leur planète, il suffirait de laisser les malades mourir, de cesser de prolonger l'espérance de vie et de fixer l'âge de la retraite à l'âge moyen du décès... en ne soignant plus les retraités que palliativement. L'eugénisme comme clef d'une politique environnementale ? on s'autorisera a réprimer (discrètement) un début de nausée.

Il y a heureusement d'autres réponses à donner au saccage de l'écosystème terrestre par la plus invasive des espèces animales : la nôtre. Et ces autres réponses ne sont même pas particulièrement difficiles à mettre en oeuvre : c'est si simple, en effet, pour ne prendre que cet exemple, de prendre le train plutôt que l'avion pour un voyage quand ce choix est possible sans devenir héroïque : tout trajet national ou européen en avion pollue quarante fois plus que le même trajet en TGV... et il y a en effet quelque chose d'absurde à prendre l'avion à Genève pour aller à Bordeaux ou à Nantes, à Venise ou à Florence, à Bruxelles ou à Barcelone... Combien, d'entre les quatre milliards de passagers d'avions en 2018, n'avaient vraiment pas le choix de leur mode de transport ? Et même de ceux-là, combien étaient tenus de faire le voyage aérien qu'ils ont fait ? A plus forte raison de l'augmentation de 100 % du nombre de passagers prévue dans les vingt ans (après une augmentation de 60 % entre 2005 et 2017), la question se pose. Un aller et retour Genève-New-York balance dans l'atmosphère autant de gaz carbonique par passager qu'une année entière de chauffage au fuel, et le secteur aéronautique est responsable  à lui seul de 2 % des émissions mondiales de CO2 : c'est deux fois plus qu'un pays comme la France ou la Grande-Bretagne... Et en huit heures de voyage aérien, le voyageur  annule l'effet d'une année d'efforts de réduction des déchets, de consommation locale et "responsable"et d'alimentation végétarienne. Alors, pourquoi plus d'un tiers des Français interrogés en 2018 se sentent "incapables" ou "très difficilement" capables de renoncer à l'avion pour leurs loisirs ? On doit cependant admettre qu'en supprimant les trains de nuit, et en laissant les compagnies aériennes (et pas seulement les "low coast") proposer des billets d'avion moins cher que les billets de train, on ne facilite pas la "transition" de l'avion au train, qu'on faciliterait en revanche efficacement en supprimant purement et simplement les vols courts courriers, du genre Genève-Paris, Genève-Marseille, Genève-Nice, pour ne rien dire du plus absurde : le vol Genève-Zurich... Cette suppression des vols superfétatoires ne serait pas une mesure révolutionnaire, juste une décision de bon sens, bien plus acceptable socialement qu'une taxe sur les vols, payée par les passagers, les plus friqués n'ayant aucun problème pour la payer, les plus hauts placés pour se la faire rembourser au titre de frais professionnels.

En attendant, balayons un peu devant notre porte : quand la commission des arts et de la culture du Conseil municipal de Genève s'organise un chti voyage à Bordeaux, pourquoi le fait-elle en avion plutôt qu'en train alors qu'on ne met que deux heures et demie de plus pour faire ce trajet en train, de centre-ville à centre-ville, plutôt qu'en avion, d'aéroport périphérique à aéroport périphérique ?

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