De la transparence et du secret de fonction


Comme tu choises, t'assumes

Donc, au cas où vous n'auriez pas entendu leurs hurlements et ceux de leurs zavocats, trois conseillers municipaux de la Ville de Genève, dont deux cumulards (ils sont aussi députés) ont été convoqués par la police pour fournir des explications sur des fuites concernant les travaux de la commission des finances du Conseil municipal, touchant notamment un rapport du contrôle financier de la Ville sur les frais des fonctionnaires municipaux. Sur demande du président d'alors du Conseil municipal, l'UDC Eric Bertinat, le Conseil administratif avait porté plainte pour violation du secret de fonction (qui couvre en effet les travaux des commissions jusqu'à publication des rapports sur ces travaux)... et du serment qu'ils ont prêté en acceptant de siégfer au Conseil municipal. Ce serment s'appuie logiquement sur la loi telle qu'elle est, et si on réduit le champ du secret de fonction (si on en exceptes par exemple les travaux en commission), on réduit du même coup le champ du serment prêté. Mais dans la situation actuelle, ce secret couvrant les travaux de commission, ce serment l'impose aussi, tant que la loi n'a pas changé. C'est d'ailleurs pourquoi Eric Bertinat, alors président (UDC) du Conseil municipal, n'avait pas vraiment le choix de demander ou non au Conseil administratif de déposer plainte contre ceux qui l'ont violé... La loi impose, elle ne rend rien impossible de ce qu'elle interdit, ni rien inéluctable de ce à quoi elle oblige. Et face à toute loi ou à tout règlement) celle ou celui à qui elle s'applique choisit d'y obéir ou non -qu'il s'agisse d'une limitation de vitesse ou d'un secret de fonction. Mais doit assumer  ensuite les conséquences de son choix. Sans pleurnicher quand il est sanctionné pour avoir fait le choix de ne pas respecter la loi ou le règlement.


"Celui qui brûle de l'ambition d'être édile, tribun, préteur,consul, dictateur, crie qu'il aime sa patrie, et il n'aime que lui-même" (Voltaire)


Trois conseillers municipaux genevois (dont deux multicartes) ont donc été convoqués par la police, qui a saisi leurs portables. Une amputation, carrément. Et en voilà au moins deux (les cumulards députés-conseillers municipaux)  qui brandissent leur immunité parlementaire de députés, dont un qui nous fait du Mélenchon au rabais en accusant la Municipalité « d'envoyer la police aux représentants du peuple » alors que c'est le procureur général (et pas le Conseil administratif) qui les a fait convoquer par la police, que c'est le président du Conseil municipal qui a demandé au Conseil administratif de déposer plainte, et que les conseillers municipaux (qui ont d'ailleurs prêté serment de garder le secret sur les informations confidentielles dont ils disposent) ne sont pas les « représentants du peuple » (qui d'ailleurs ne peut être représenté sans être trahi) mais, puisqu'ils sont élus à la proportionnelle, seulement ceux de leurs électeurs. Alors, déjà que c'est complètement idiot de prendre le risque de faire « fuiter » des informations qui pourraient être rendues publiques par des rapports de commission (plus il y a de transparence, moins on a de problèmes de "secret de fonction" et de fuites... on ne peut violer un secret qu'on a aboli...), ça l'est tout autant de tenter de se prévaloir d'une « immunité parlementaire » dont les conseillers municipaux ne bénéficient pas, et dont les deux députés cumulards concernés ne bénéficient que pour leur activité de députés -et pas celle de conseillers municipaux. Quant à se faire passer pour des « lanceurs d'alerte » et la réincarnation municipale de Julian Assange,  parce qu'on a fait « fuiter » des informations qui auraient de toute façon été rendues publiques, la prétention le dispute là à l'indécence : entre le «ouiiiiin, on m'a saisi mon portable» des trois conseillers municipaux et le risque pour un Assange d'être condamné à la prison à vie, ou pour d'autres d'être purement et simplement éliminés, il y a un gouffre : celui qui sépare ceux qui prennent réellement des risques de ceux qui, l'agenda (de leur portable) bloqué sur les élections municipales du printemps prochain, rêvent d'un siège au Conseil administratif de la Ville de Genève, siège sur lequel ils ont à peu près autant de chances de s'asseoir que l'auteur de ces lignes de devenir président de la Banque Nationale. Ou chef de la police genevoise.

En attendant, gageons que nos trois martyrs à deux balles de la transparence à un kopeck vont s'épancher à la prochaine plénière du Conseil municipal. Et avec un peu de pot, nous pondre un projet de texte qui finira, s'il est adopté, par rejoindre dans la poubelle de la surveillance des communes la vingtaine de ceux qui, sortis du même tonneau, s'y accumulent depuis quatre ans.

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