Comme un arbre dans la ville


Le prix politique d'un arbre

On a passé la fin de la séance du Conseil municipal de Genève, mercredi soir, sous les arbres. Ou à côté de ceux qui ont été abattus. Et on a fini la soirée en adoptant, à une quasi unanimité au moins de façade (végétalisée), une motion des Verts demandant à l'Exécutif communal d'introduire un moratoire sur toutes les nouvelles demandes de coupes d'arbres valide, sauf raisons de sécurité. Le Conseil administratif a bien lancé un plan de végétalisation de la Ville, mais le Conseil municipal l'a jugé insuffisant et trop lent à mettre en oeuvre dans sa conception actuelle. Il y a 40'000 arbres en Ville de Genève. Le Conseil municipal veut les garder (en un an, entre juin 2016 et juin 2017, 1379 ont été coupés et 709 plantés) -mais est-il prêt à en payer le prix politique, le renoncement à des projets d'aménagement, de construction de logements, de parkings ?


Auprès de mon arbre, je vivais heureux


Une motion, d'habitude, ça ne mange pas de pain : ça n'est pas exécutoire, ce qu'elle demande n'est pas mis en oeuvre sitôt la motion acceptée -elle n'impose en fait au Conseil administratif que de rendre un rapport ou de proposer une mesure. Mais la motion adoptée par le parlement municipal mercredi soir va plus loin : ce que par elle le Conseil municipal demande, c'est un changement radical (au sens originel du terme : "à la racine", ce qui convient fort bien au sujet) de la politique d'aménagement de la Ville. Et une obligation de changement tout aussi radical de conception de ses projets urbanistiques. Parce que renoncer à faire couper des arbres (la Ville peut le demander, mais c'est le canton qui doit l'autoriser), c'est aussi renoncer à des projets qui impliquent leur abattage. Comme celui des Allières, dans la quartier des Eaux-Vives, où de grands arbres ont été abattus pour laisser place à des immeubles... et 450 places de parking.En Ville, a rappelé le Conseiller administratif Guillaume Barazzone, la majorité des arbres abattus depuis 2015 l'ont été (outre ceux abattus parce qu'ils étaient malades ou dangereux) en conséquence de projets adoptés par le même Conseil municipal qui aujourd'hui exige qu'on n'en abatte plus...

Une place de parking en surface empêche l'implantation de deux arbres. Et un parking en sous-sol empêche toute implantation d'arbres au-dessus de lui. Il faut donc choisir. Si on s'en tient aux belles intentions de la motion votée par le Conseil Municipal, le choix est clair, évident : les places de parking en surface doivent être supprimées sans être compensées par des places de parking en sous-sol. Est-ce que les conseillers municipaux bagnolomaniaques qui ont voté la motion arbrophile parce qu'elle est dans l'air (réchauffé) du temps vont se tenir à leur vote d'avant-hier ou à leur fétichisme du siècle dernier ? Est-ce que ceux qui ont voté les projets de substitution de gazon artificiel au gazon naturel des stades de foot vont accepter de faire le chemin inverse, de remettre de l'herbe là où ils ont mis du plastique ?

Les arbres sont des obstacles au béton et aux bagnoles. Ce sont ces obstacles que nous voulons défendre, en tant précisément qu'ils sont ces obstacles, mais il va bien falloir choisir entre les belles intentions végétales d'une motion sur les arbres et les vieux réflexes bétonneurs d'une politique d'aménagement et d'une politique des transports nous venant tout droit des années soixante du siècle dernier. Et ce choix, on n'y échappera pas en invoquant Yggdrasill, Irminsul ou le gui sur les chênes de la forêt des Carnutes.

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