Cointrin comme un avion sans aile ?


Pas de crash en vue

Dans le menu de la votation de dimanche, aussi copieux qu'on y a désormais pris l'habitude à Genève, on trouve l'initiative populaire "pour un pilotage démocratique de l'aéroport de Genève" et le contre-projet que lui oppose la majorité du parlement. Mais, quoique la droite hurle à la catastrophe économique si l'initiative devait être adoptée (elle est dystopique, la droite genevoise : au moins tous les trois mois, elle nous annonce une catastrophe si la gauche devait gagner un vote : l'initiative sur l'aéroport succède à l'élection mazzono-sommarugesque au Conseil des Etats, ce "déferlement de la vague rose-verte sur notre canton", selon le directeur de la Chambre de commerce, Vincent Subilia...), ce n'est pas le destin de l'aéroport de Genève qui sera scellé dimanche. Seulement un mode de "gouvernance" qui sera réformé et des ambitions de croissance un peu bridées si l'initiative devait être adoptée. Elle ne demande ni la lune, ni la décroissance, mais la maîtrise du développement de l'aéroport et la prise en compte des droits de la population riveraine autant que des "besoins" économiques. On en conviendra : Cointrin y survivrait sans se transformer en un "avion sans aile"...


Il n'est pas nécessaire à Genève d'avoir un aéroport de métropole asiatique

L'initiative "pour un pilotage démocratique de l'aéroport de Genève"propose d'insérer dans la constitution genevoise une disposition imposant à l'Etat de prendre "toutes les mesures adéquates pour limiter les nuisances dues au trafic aérien, notamment le bruit, les pollutions atmosphériques et les émissions de gaz à effet de serre et pour mettre en oeuvre les principes d'accomplissement des tâches publiques (...) de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire et de promotion de la santé". Tous mandats qui devraient en 2019 relever de l'évidence. Mais à quoi la majorité du Grand Conseil oppose un contre-projet évoquant un "équilibre entre les enjeux économiques, le développement des emplois et les exigences du développement durable" -on sent que cet "équilibre" est surtout rhétorique et que les "enjeux économiques" et le "développement des emplois" (quels emplois ? ceux si mal payés, occupés par des travailleurs si maltraités, que l'aéroport est l'entreprise genevoise qui a à ce jour connu le plus grand nombre de grèves ?) va peser plus lourdement que les "exigences du développement durable".

En quinze ans, de 2005 à aujourd'hui le nombre de passagers enregistrée à l'aéroport de Genève a presque doublé, passant de 9,5 à 18 millions. Et on en prévoit jusqu'à 25 millions dans dix ans, avec un atterrissage ou un envol toutes les minutes et demie, tous les jours. Et 40 % des émissions d'oxydes d'azote de tout le canton. C'est beaucoup. C'est trop. Nombre de vols, pour Paris (60 vols hebdomadaires d'Air France...) ou pour Zurich, par exemple) sont superfétatoires -le train est plus commode, qui mène d'un centre-ville à un autre. Et puis, il y a la prolifération des vols en jets privés : samedi, des militants d'"Extinction Rébellion" ont pacifiquement bloqué le terminal de ces avions, dont ils rappellent qu'ils émettent vingt fois plus de CO2 par passager qu'un avion classique normalement rempli...

L'initiative a toutefois eu un premier effet -la menace de son acceptation a donc été prise au sérieux : l'aéroport, Easyjet et Swiss se sont engagés à réduire les décollages après 22 heures... C'est un début. Un petit début. Tout petit. Pour aller un peu plus loin, il faut voter pour l'initiative -et refuser un contre-projet qui ne propose que de figer la situation actuelle dans la Constitution. Nul ne conteste que l'Aéroport de Genève soit, comme "les autorités" (le Grand Conseil et le Conseil d'Etat) l'écrivent dans la brochure officielle de votation, un "outil indispensable pour Genève, sa large région, et la Suisse". Mais l'usage de cet outil, comme de tout autre, se mesure aussi à la capacité de ceux qui en usent de le calibrer intelligemment aux nécessités. Et il n'est pas nécessaire à Genève d'avoir un aéroport de métropole asiatique. L'initiative que "les autorités" combattent ne remet nullement en cause l'existence de l'aéroport -elle remet en cause la part inutile de son développement, et la prétention du Conseil d'Etat à être seul à le contrôler  : l'initiative exige que l'aéroport rende compte au Grand Conseil... Il n'y a pas là de quoi crier au crime de lèse-majesté, s'il y a bien là de quoi soutenir l'initiative...

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