Genève : On votera sur le prix des réformes fiscales


Un enjeu : "Zéro pertes"

Sans surprise, la commission fiscale du Grand Conseil genevois a refusé l'initiative populaire constitutionnelle "zéro pertes", lancée par la gauche et les syndicats l'année dernière, pour limiter les dégâts de la réforme fiscale (finalement acceptée par le peuple cette année, contre l'avis, précisément, de la gauche et des syndicats). La commission ayant aussi refusé l'idée d'opposer un contre-projet à l'initiative, le peuple aura donc vraisemblablement à se prononcer sur la seule initiative. Un beau combat politique s'annonce : l'initiative engage en effet l'Etat à lutter contre la concurrence fiscale intercantonale, en laquelle précisément il s'est engagé par sa réforme fiscale. En outre, l'initiative demande que le financement des services publics et des prestations à la population soit préservé, que les recettes fiscales des communes et du canton soient maintenues et que la progressivité de l'impôt en fonction des ressources réelles des contribuables soit renforcée. Tous enjeux lors desquels un clivage gauche-droite clair et net sautera méchamment aux yeux lorsque l'initiative sera soumise au vote... comme il vient de sauter aux yeux dans le bricolage budgétaire auquel s'est livrée la commission des finances du parlement genevois pour digérerer les déficis provoqués par la réforme fiscale.


Cadeaux fiscaux : les services publics paient toujours la note

Pendant que la commission fiscale du Grand Conseil refusait l'initiative "zéro pertes", et refusait l'idée de lui opposer un contre-projet, la commission des finances taillait dans le projet de budget du Conseil d'Etat, et y supprimait les 400 nouveaux postes proposés, notamment dans l'éducation et l'action sociale. Au final, le déficit, dû notamment à la réforme RFFA, atteint 584 millions de francs. Comme l'a relevé la députée socialiste Caroline Marti, la droite savait pertinemment que la réforme fiscale allait provoquer un déficit considérable, et avait déjà prévu d'en profiter pour couper dans les dépenses et les prestations sociales. La suppression des postes nécessaires à l'accomplissement des fonctions attribuées à l'Etat n'est donc qu'un avant-goût -les budgets des années suivantes permettront de mieux mesurer, mais trop tard, l'ampleur des dégâts de la RFFA version genevoise.

Les partisans des réformes fiscales l'assuraient : la baisse d'impôts accordée aux entreprises (sauf les multinationales, et encore : les outils fournis avec les nouveaux taux d'imposition permettront de compenser une grande partie de l'augmentation de la perception fiscale, et certaines multinationales continueront à ne payer quasiment pas d'impôts) va "booster" le dynamisme économique, la création d'emplois, les bénéfices imposables, de sorte que les pertes de ressources dues aux baisses d'impôts seront plus que compensées. Comme si les profits des entreprises étaient mécaniquement réinvestis dans la production et les emplois... "la théorie selon laquelle les baisses d'impôt engendrent du dynamisme économique, et donc d'autres recettes, n'a jamais été démontrée. C'est une pensée magique", résume la fiscaliste canadienne Brigitte Alepi, pour qui "au final, ce sont les services publics et les autres contribuables (que les entreprises) qui paient la note".

On trouvera donc au moins aux votes de commission (et sans doute de plénière) de la droite genevoise une utilité -mais ce sera la seule : celle de confirmer cette annonce du prix à payer par toutes et tous pour les cadeaux fiscaux accordés à quelques uns... et de confirmer par là-même la nécessité de soutenir,. lorsque sera venu le moment de la voter, l'initiative "zéro pertes".

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