Un chèque en blanc (et en zinc) de six milliards


Avions très furtifs
Il y a six ans, le peuple suisse refusait de dépenser trois milliards de francs pour acheter 22 avions de combat (des Saab Gripen). Et aujourd'hui, le Conseil fédéral et les Chambres fédérales lui proposent d'en claquer au moins deux, voire trois fois plus, pour acheter un nombre imprécisé (jusqu'à une trentaine) d'avions de combat d'un modèle pas plus précisé, puisque le choix se fera après le vote populaire (le référendum est lancé, et il aboutira), entre cinq modèles hauts de gamme et de prix. Un chèque en blanc et en zinc pour un achat excédant les besoins de la Suisse. C'est sans doute ce qu'on appelle des avions furtifs. Cest en tout cas un achat la tête dans le sac ou la boîte noire -un achat contre lequel un référendum a été lancé. Pour provoquer un vote populaire on signe et fait signer le référendum (on peut télécharger le formulaire de signatures sur https://www.fichier-pdf.fr/2020/01/09/referendum-avions-de-combat/)


Que peut un avion de combat contre un hacker, un réseau terroriste ou une catastrophe naturelle ?

Pour le ministre de la Défense de l'époque (mars 2018) où la proposition d'achat d'une trentaine d'avions de combat (et un nouveau système de défense aérienne) était transmise au parlement, et sans doute pour celle qui lui a succédé, "la question fondamentale qui se pose est celle-ci : veut-on ou non une défense aérienne pour protéger la population ?". Admettons, et répondons-donc à Guy Parmelin et Viola Amherd : La Suisse est située en plein coeur du dispositif de l'OTAN. Sans en être, elle en est comme une sorte de passager clandestin, et pour qu'un improbable ennemi extérieur puisse atteindre notre pays dans une guerre conventionnelle, il lui faudrait  d'abord percer les défense de l'Alliance atlantique. S'il y arrivait, on ne voit pas que quelques dizaines d'avions helvètes de combat, fussent-ils des plus performants, puissent y faire grand chose. De toute façon, les menaces réelles ne sont pas de celles auxquelles peuvent parer une aviation militaire : que peut un avion de combat contre un hacker, un réseau terroriste ou une catastrophe naturelle ? Et a-t-on besoin d'un Rafale, d'un Eurofighter ou d'un F-35 pour intercepter un drone ? Sans doute la Suisse a-t-elle besoin d'une "police aérienne" surveillant son espace en temps de paix (pour protéger la population, pas le Forum de Davos) -mais sa flotte actuelle y suffit pour encore vingt ans, avec une défense anti-aérienne sol-air qui sera certainement toujours bien plus efficace pour "protéger la population" qu'une vingtaine d'avions de combat, même du dernier cri. 


Après tout, peut-être bien que ce sont moins les avions de combat que le Conseil fédéral veut acheter que les "compensations" que l'avionneur choisi devra accorder à l'industrie suisse (alémanique surtout, notent les socialistes et les gouvernements romands), ou qui résulteront de l'entretien des appareils achetés. Avec tout ce que cela peut comporter... disons de petits arrangements : un rapport du Contrôle fédéral des finances accuse l'entreprise publique d'armement RUAG d'avoir délibérément gonflé ses prix, et donc de s'être fait payer plus qu'elle devrait par la Confédération, en obtenant des marges bénéficiaires excessive (entre 11,6 et 14,6 %, au lieu des 8 % convenus au départ), notamment pour entretenir et réparer les avions de combat et des hélicoptères, en prélevant par exemple deux fois une marge bénéficiaire sur des pièces de rechange. Il n'y a pas de petits profits, même pour une entreprise publique. On vous laisse imaginer ce qu'on peut retirer de l'entretien et les mises à jour périodiques des avions qu'on aura achetés  six milliards (Parmelin espérait obtenir neuf milliards, son parti, l'UDC, voulait 18 milliards...) : on estime le coût de cet entretien et de ces mises à jour à deux ou trois fois le prix d'achat des avions. 

Mais ne passez pas trop longtemps à imaginer : d'abord, parce que la réalité risque fort de dépasser la fiction si le peuple n'y met le holà. Ensuite parce qu'il y a mieux à faire que se préparer au pire : l'éviter. En faisant aboutir un référendum, et, quand il aura abouti, en faisant campagne pour que les milliards que la majorité du gouvernement et du parlement veulent consacrer à l'achat d'avions de combat soient consacrés à l'urgence climatique et à l'urgence sociale.  
Des urgences qui n'ont besoin que d'une arme : une volonté politique.


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