SARS-CoV-2, COVID-19, nécessaires, forcément nécessaires


Spinoza et le pangolin


Dans ce monde désenchanté où nous traînons notre mélancolie, nous manquions de héros, de guides, de timoniers, et ne savions plus où en cherche. Or voici que la Chine qui nous avait déjà gratifiés (et s'était-elle même gratifiée) de Mao nous fournit ce qui nous manquait : le pangolin. Un mammifère insectivore de la taille d'un gros chat, au corps couvert d'écailles. Porteur du virus SARS-CoV-2, qui provoque la maladie COVID-19. Tout en un. Et à peine a-t-il pointé le bout d'une protubérance qu'il trouble l'ordre du monde, le SARS-CoV-2. La consommation de pétrole recule, les voyages en avion se font plus rares, les croisières maousses aussi. Même en Suisse, il fait fort, le virus  : plus de Salon de l'Auto et de salon horloger de luxe, plus de messe papiste au Temple calviniste de St-Pierre, matchs de foot annulés, bourse déprimée (plus de 10 % de recul à la fin de la semaine dernière...).  Le coronavirus, c'est rien qu'un écolo laïcard antisportif et anticapitaliste. Et décroissant. Mais avec une faiblesse -un manque de féminisme : les manifs du 8 mars sont aussi annulées. Quant à l'anticapitalisme, il prend un peu la forme de l'artisanat : des tas de petits malins vendent des masques inutiles à prix surfaits et des poudres de perlimpinpin comme remèdes miracles. N'empêche : ils étaient nécessaires, forcément nécessaires, le Pangolin, le SARS-CoV-2 et le COVID-19 -c'est Spinoza qui nous le dit. 
 

Lisons ou relisons "La Peste" de Camus. Et adoptons un pangolin
 
Le pangolin porteur du virus SARS-CoV-2 existait. le Chinois qui l'a attrapé pour le vendre sur un marché existait aussi. Et le Chinois qui l'a acheté pour le bouffer existait aussi. Et le virus existe. Et la maladie existe. Or Spinoza nous explique, dans sa louable démonstration  ("Ethique") de la nécessaire existence de Dieu, non seulement que toute chose est, au début de la chaîne des causalités, produite par Dieu, mais encore ("De Dieu", proposition XXXIII) que "les choses n'ont pu être produites par Dieu d'aucune autre manière ni dans aucun ordre qu'elles ne sont produites", vu que sinon il faudrait admettre qu'il y ait au moins deux dieux, ce qu'on ne saurait admettre (c'est Spinoza qui le dit, hein, pas nous). Donc, logiquement, le pangolin, le SARS-CoV-2 et le COVID-19 sont nécessaires, et parfaits, puisque produits par Dieu (qui étant parfait, ne peut produire que de la perfection). CQFD. Cela posé, qu'est-ce qu'on en fait, de cette bestiole, de ce virus et de cette maladie nécessaires ? on essaie de les rendre utiles. Pas à la manière de Pangloss pour qui "tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes", mais à la manière de Swift réagissant à la grande famine irlandaise en recommandant la consommation alimentaire des chtis nenfants surnuméraires (ce qui lui valut longtemps après d'être célébré par André Breton comme l'un des maîtres de l'humour noir). 


Il est donc exemplaire, le parcours du SARS-CoV-2, de la capture du pangolin à l'arrêt de l'usine chinoise produisant les composants de nos portables. Et avant-même le pangolin, il est exemplaire. Parce que le pangolin, il ne l'a pas créé lui-même, le virus, il l'a chopé de quelqu'un d'autre, sans doute une chauve-souris. Comment ne pas être tout ébaubi devant cette belle solidarité animale pour niquer le prédateur ultime (nous), cette union du sous-prolétariat animal contre l'espèce dominante, du 99 % contre le 1 % ?  Et devant l'effet que cet interspécisme (version vegan de l'internationalisme) produit : une belle remise en cause de la mondialisation capitaliste (la Chine à l'arrêt, c'est la pénurie de masques de protection, de composants d'ordinateurs et de téléphones,... et de médicaments), du productivisme, de la déforestation, de l'étalement urbain (l'habitat des espèces animales "sauvages" se réduisant, ces espèces sont de plus en plus proches de l'habitat humain, et donc de plus en plus capables de transmettre aux humains, passant la "barrière d'espèces", des virus qu'elles supportent... mais pas nous). Et plus subtilement, un test grandeur nature de notre adhésion au "vivre ensemble" et de notre capacité à ne pas voir a priori dans tout autre, notre voisin de tram, de file, de cinéma, de manif, une menace...
 

Ce virus est donc, incontestablement altermondialiste et écosocialiste, carrément. Et même un chouïa vegan. Une manif de soutien au pangolin accusé d'être à l'origine de l'épidémie devrait s'imposer, mais les rassemblement de plus de 1000 personnes (on n'en attendrait pas moins) sont interdits (on n'a "pas la garantie que cette interdiction stoppera la maladie mais ça peut contribuer au moins à la stopper" nous dit le Conseiller fédéral Alain Berset). Dommage, ça aurait de la gueule, et ça nous rajeunirait, une manif du CLP (Centre de liaison pangoliniste)... on se voit bien scandant "co-co-corona, pan-pan-pangolin !", sur le rythme du bon vieux "ho-ho-Ho Chi Minh, che-che-Guevara !" des manifs trotskistes des années septante...  

En attendant, lisons ou relisons "La Peste" de Camus. Et adoptons un pangolin. Parce que comme acteur d'une remise en cause de la mondialisation et du productivisme capitalistes, il se pose un peu là, le pangolin.  D'ailleurs, la Gauche Dugong envisage de se transformer en Gauche Pangolin, histoire d'étendre son influence. Et de devenir virale.

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