Une nouvelle ère en Ville de Genève


Coronamajorité


Gauche : 53,07 % des suffrages, 44 sièges

Droite : 46,93 % des suffrages, 36 sièges

Pangolin : 68 % d'abstention, 123 lits

Etranges élections municipales genevoises : pendant des mois, avant, pendant et après les élections fédérales, on avait vécu sous le signe de deux mobilisations sociales considérables -celle pour l'urgence climatique, celle pour les droits des femmes. On s'attendait à pouvoir continuer sur cette lancée, mais un coronavirus intempestif a brouillé les cartes. Il a même dissipé les derniers relents de la picrocholine "affaire des notes de frais".  La participation (32 % en Ville de Genève) est minable, mais elle n'est guère qu'à quelques points de celle de 2015, et plus de 100'000 électrices et électeurs ont usé dans le canton (40'000 en Ville) de leur droit d'élire. En temps de pandémie, on pouvait craindre une abstention plus massive encore. 
On comptait pouvoir donner au Conseil municipal une majorité de gauche, c'est fait. La gauche progresse, mais la droite, si elle recule, ne s'effondre pas. Du moins perd-elle en Ville de Genève une majorité dont elle n'a jamais rien su faire d'utile, ni même d'intelligent.Voilà une bonne chose de faite -ne reste plus qu'à transformer l'essai au deuxième tour de l'élection du Conseil administratif .


Déjà deux majorités sur trois
 

On attendait une poussée des Verts, après celle des Fédérales, elle a eu lieu, et elle est considérable. En 2015, les Verts avaient subi une assez lourde défaite en perdant 16 de leurs 81 sièges dans les conseils municipaux, et en se retrouvant à la limite du quorum en Ville de Genève. Ils font bien mieux que récupérer les sièges perdus deviennent le deuxième parti de la Ville, devant le PLR, et sont bien placés pour gagner un deuxième siège (celui de Rémy Pagani...) au Conseil administratif.

On attendait une plantée du PLR, plombé par l'"Affaire Maudet" (et quelques autres) en Ville, il résiste mieux que prévu  (il ne perd qu'un siège au Conseil municipal), mais n'est plus que le troisième parti de la Ville, le troisième groupe du Conseil municipal et son candidat au Conseil administratif en est réduit à draguer l'UDC et le MCG pour espérer pouvoir rafler le siège du PDC.

On se demandait si le PDC allait survivre (aux Fédérales, il était tombé en-dessous du quorum en Ville), il a survécu, malgré son indécision, en Ville, à s'émanciper du PLR comme il avait eu le courage de le faire dans une dizaine de communes. Il recule néanmoins en perdant les sièges qu'il avait gagné il y a cinq ans.

On se demandait si les Verts libéraux allaient percer. Ils n'ont pas percé. Le président du PLR ne voyait pas ce que les Verts libéraux avaient de libéraux, nous ne voyions, pas, nous, ce qu'ils avaient de verts. Apparemment, les électeurs ne l'ont pas vu non plus.

On espérait que le MCG, supplétif de la droite PLR-UDC, disparaisse du paysage parlementaire municipal, ce que suggérait son score, en-dessous du quorum, aux Fédérales. Il a survécu. De justesse, mais il ne pourra plus servir d'appoint à une majorité de droite.

On n'espérait pas que l'UDC le suive vers la sortie, puisqu'on se disait qu'elle allait récupérer des déçus du PLR et du MCG. Elle en a récupérés, elle fait mieux que se maintenir puisqu'elle gagne deux sièges.

On se demandait ce qu'il adviendrait de chacun des deux morceaux désormais épars de feue "Ensemble à Gauche". L'un des deux (le morceau SolidaritéS, passe le quorum, l'autre (le morceau PdT9 tombe en dessous -et de mémoire, c'est la première fois depuis 75 ans que le Parti du Travail ne siègera plus au parlement de la Ville. Maria Pérez aurait été la première Conseillère administrative de la gauche de la gauche, elle ne le sera sans doute pas, même si elle a obtenu plus de suffrages que le candidat de SolidaritéS, Pierre Bayenet.

On comptait sur notre capacité de socialistes à au moins résister. On avait raison d'y compter : on garde tous nos sièges, on reste le premier parti et le premier groupe de la Ville. Seul membre du Conseil administratif actuel à se représenter, Sami Kanaan sort en tête du premier tour de l'élection de la Municipalité, suivi de Christina Kitsos et des deux Verts. Que le PS perde des suffrages au profit des Verts n'est que logique : un parti ne gagne d'électeurs que dans l'espace politique proche -or les électorats respectifs des Verts et du PS sont très proches. Il y a cinq ans, le PS avait progressé au détriment des Verts, cette année les Verts reprennent le terrain perdu au détriment du PS... mais le PS ne recule que marginalement en suffrages, et ne perd rien en sièges.

Nous voilà donc avec un nouveau Conseil municipal, avec une nouvelle majorité -la nôtre, en séance plénière et en commissions. Avec plus de pain sur la planche que de grain à moudre : Dans les cinq ans à venir, il va falloir concrétiser la déclaration d'urgence climatique votée par le Conseil municipal et la concrétiser en la conjuguant à l'ugence sociale, revaloriser les allocations accordées par la Ville (allocations scolaires, allocations complémentaires aux allocations cantonales) et faire tout ce qu'on peut pour atteindre deux vieux objectifs de la gauche municipale : la municipalisation des crèches-garderies, et le 0,7 % du budget municipal à accorder à la solidarité internationale. Et cela, avec des rentrées fiscales plombées par la RFFA. Le Conseiller municipal sortant Tobia Schnebli ajoute, dans le dernier "Gauche Hebdo", que "Genève doit être un  bastion de résistance de la gauche contre les plans de déréglementation menés par la droite cantonale". Et on est entièrement d'accord avec lui.
 
Le résultat de l'élection du Conseil national, en octobre, avait été spectaculaire : les Verts progressaient dans toutes les communes, et devenaient le premier parti dans la plupart d'entre elles, à commencer par celle de Genève, à continuer par les autres villes, et à terminer par la plupart des communes anciennement rurales et devenues "rurbaines". Le PLR n'était plus en tête que dans des communes résidentielles et dans deux arrondissements de la Ville (Champel et Cité-Rive), le PS plus que dans le seul arrondissement verniolan des Avanchets, le PDC dans la seule commune de Laconnex. En Ville, les Verts étaient en tête dans tous les arrondissements, y compris ceux où le PS dominait, sauf les deux péniblement gardés par le PLR. On n'en tirait aucune conclusion pour les Municipales (le système électoral est différent, le corps électoral est différent, le comportement électoral est différent...), sinon celle-ci : la gauche était potentiellement majoritaire en Ville de Genève (et dans la majorité des autres villes). Elle l'est désormais réellement. Hier, elle a obtenu deux des trois majorités qu'il lui faut pour concrétiser son programme : une majorité populaire (pour autant que l'on admette que les 68 % d'abstentionnistes et les 75'000 habitantes et habitants de la Ville qui n'ont pas le droit de vote, consentent, n'ayant dit mot, à ce qu'a voté le corps électoral actif) et une majorité parlementaire. Ne lui manque plus qu'une majorité "gouvernementale" -celle au Conseil administratif.


Gardons-nous de croire que tout, coronavirus aidant, est déjà joué : le deuxième tour est maintenu, les électrrices et les électeurs vont recevoir leur matériel de vote, il va tout de même falloiur les convaincre de confirmer leur choix de dimanche. On compte pouvoir donc au moins maintenir la majorité de gauche de quatre sièges sur cinq au Conseil administratif. Reste à savoir à qui accorder, princièrement, le cinquième siège : à la droite (mais à qui, à droite ?), ou à la gauche (mais qui, à gauche ?). Il n'y avait aucune raison pour le PS et les Verts de renoncer à l'une ou l'autre de leurs candidatures, comme le leur demandait SolidaritéS (de toute façon, le camarade Corona ayant accéléré les procédures démocratiques et levé les assemblées générales, c'est la liste du premier tour qui a été déposée pour le deuxième. On aurait certes pu envisager d'adjoindre une cinquième candidature de gauche aux quatre qu'on présentait si les morceaux épars de feue Ensemble à Gauche avaient consenti à se recoller, mais comme tel n'est pas le cas, on  reste droit dans nos cothurnes avec nos deux candidates et nos deux candidats. Pour le reste, les électrices et les électeurs de gauche sont bien assez grandes et grands pour voter le moins à droite possible (fût-ce pour une PDC) sans qu'on le leur demande officiellement...

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