ça y'est, cette fois c'est sûr, c'est la crise finale du capitalisme...


Mektoub !


On a pris l'habitude d'annoncer, au moins une fois par génération, que la crise finale, définitive, du capitalisme était là, sous nos analyses pertinentes, et que ce matin, que c'était l'aube du Grand Soir. On s'est toujours trompés ? Oui, mais seulement dans la scansion, le timing. On a seulement eu raison trop tôt en 1914, en 1918, en 1929, en 1933, en 1939, en 1945, en 1974, au moment des "subprimes"... Mais cette fois, pas de doute, on y est : le Pangolin a mis à bas le néolibéralisme, la mondialisation, le mercantilisme. Et on sortira de la crise sanitaire, de l'épidémie, en sortant du capitalisme. Forcément. Mektoub.


"c’en est fini de la fin de l'histoire. Elle s'est remise en marche, pour le meilleur et pour le pire"

Une fois la crise sanitaire passée, dans quelques semaines, nous entrerons en plein dans la crise économique et sociale. Le ralentissement considérable de l'activité économique, c'est une chute considérable du revenu des entreprises (sauf de quelques unes : les GAFA, les entreprises de téléphonie et de communication, les fabricants de masques et de respirateurs), des petits entrepreneurs (sauf les livreurs à domicile), des salariés mis aux chômage total ou partiel, des assurances sociales (AVS comprise) et de l'Etat. Du coup, on met les dogmes en veilleuse : le 5 avril 2018, Emmanuel Macron répondait à une infirmière qui réclamait plus de moyens pour les hôpitaux publics qu'il n'y avait "pas d'argent miracle" à leur consacrer. Deux ans plus tard, miracle, il y a des milliards disponibles pour un plan massif d'investissement et de revalorisation des carrières, une fois la crise sanitaire surmontée. Les Etats qui ne juraient que par l'équilibre budgétaire acceptent de creuser dette et déficits, les banques centrales vont injecter des milliers de milliards (toutes ensemble) dans le système économique, la Banque centrale européenne va racheter les dettes des Etats membres les plus fragiles. Et le ministre français de l'Economie annonce que les entreprises qui auront demandé un report de leurs échéances fiscales et sociales ne pourront pas verser de dividendes à leurs actionnaires. ça durera ce que ça durera : le temps nécessaire pour "relancer l'économie" en changeant le moins possible les modes et les rapports de production. On sortira peut-être du "néo-libéralisme"... mais si on oublie qu'il n'est que le masque le plus récent du vieux mercantilisme bi-séculaire, on n'en sortira que pour le retrouver sous un autre masque, recouvrant le même visage : celui de la marchandise triomphante et de l'humain réifié.
En novembre dernier (en l'an 1 av.COVID, donc) dans un entretien au "Monde", le député de la "France Insoumise" Jean-François Ruffin disait son espoir d'un "événement, une grande secousse, que les gens fassent péter les cloisons". COVID-19 est-il cet événement, cette secousse briseuses de cloisons ? Il nous semble qu'il est plutôt, du moins tant que règnent l'épidémie et les mesures prises pour y parer, la freiner, la réduire, une sorte de mise entre parenthèse de presque tout ce qui, avant lui, pouvait dire la nécessité et la légitimité de cette rupture : le théâtre et le cinéma en salles, les manifestations et les réunions, les séances politiques en réunions physiques. Change-t-on le monde en étant confiné chacun dans son petit monde individuel ou familial et qu'on se convainc, ou que l'on nous convainc, que l'autre, celui ou celle avec qui  combattre, est une menace, peut nous refiler un virus bien pire que celui de la volonté de changement ? "c’en est fini de la fin de l'histoire. Elle s'est remise en marche, pour le meilleur et pour le pire", assurait François Ruffin en conclusion de son entretien. L'histoire n'avait en réalité jamais cessé de marcher -mais sur sa marche, elle a croisé un pangolin sur un marché chinois...

La pandémie remet un compteur à l'heure : mondiale par définition, elle exclut toute réponse isolée, singulière: nul ne pouvant s'en préserver, tous doivent la combattre. Si possible ensemble. En quoi elle ressemble fort à la dégradation climatique... et au capitalisme, dont on ne sortira pas non plus chacun dans son coin, en fermant les frontière, en restaurant les capitalismes nationaux contre le capitalisme mondialisé. Ou le féodalisme contre le capitalisme. On ne sort pas d'un système en restaurant ses formes anciennes. Pas plus qu'on ne change l'ordre du monde en attendant, confinés, qu'il change tout seul. Il changera, sans doute. Mais pour ne pas être aboli, il changera lui-même, se réadaptera, se re-formera plutôt que se réformera, à moins que... à moins que déconfinés, nous formions une force capable d'en venir à bout. Le temps de latence  qui nous est imposé pourrait d'ailleurs être utile à nous y préparer, plutôt qu'à nous taper la tête contre les murs en attendant qu'ils s'effondrent d'eux-mêmes, par compassion devant notre douleur.

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