Genève, terre de contrastes électoraux communaux

Mosaïque d'alliances


Il vous reste deux jours, citoyennes et citoyens, pour voter au deuxième tour des Municipales genevoises. C'est court si on a attendu aujourd'hui pour s'apercevoir qu'il y a des élections, mais c'est  suffisant si on le savait et qu'on est prêt-e à déposer ou à faire déposer son enveloppe dans la boîte aux lettre du Service des votations et élections (25 Rte des Acacias, de 8 heurs à midi et de 14 à 16 heures).  La Cour de Justice ayant repoussé la demande de SolidaritéS et du MCG d'annuler le deuxième tour, et le taux de participation s'annonçant comme bien moins mauvais qu'on le pouvait craindre, on saura mardi soir qui composera les exécutifs des communes, et d'entre elles des villes, et d'entre elles celle de Genève : ces mêmes exécutifs qui auront dès le 1er juin à prendre les décisions nécessaires pour amortir les conséquences sociales et économiques de la crise sanitaire... En attendant quoi on constate  que Genève est une belle terre de contrastes électoraux communaux : en Ville, le MCG et l'UDC appellent à voter PLR mais à Vernier, c'est la gauche qui appelle à voter PLR. En Ville et à Chêne-Bougeries, les Verts libéraux soutiennent la candidate et les candidats du PDC et des Verts et à Onex la gauche appelle à voter pour la candidate du PDC. Et si en Ville les partis de gauche n'appellent à voter que pour leurs candidates et candidats, nombre de militantes et de militants socialistes et vert-e-s appellent à y ajouter, pour le cinquième siège à pourvoir, soit pour la candidate du PDC, soit (avec la Jeunesse Socialiste) pour celle du Parti du Travail, soit, plus discrètement, pour le candidat de SolidaritéS. Avouez que ça aurait été serait dommage d'annuler des élections aux alliances si foisonnantes... 

"Alors que faisons-nous ensemble depuis cinq ans ?"
 
Petit tour de quelques villes genevoises (puisqu'il n'y a pas que LA Ville...) et des alliances à géométries variables qui y ont bourgeonné à la faveur des Municipales : à Chêne-Bougeries, le PDC et les Verts libéraux appellent à voter pour les deux candidats Verts qui restent présents au deuxième tour, et la gauche soutient l'un des deux. Le PLR se retrouve un peu seul avec ses deux candidats, et pourrait perdre la majorité absolue à l'Exécutif. Bah, il pourra toujours expliquer que c'est la faute du PDC. Avec lequel, en revanche, il fait alliance au Grand Saconnex contre le candidat socialiste et la candidate du groupement apolitique GAG. Pendant quoi,  à Onex, la gauche appelle à voter pour la candidate du PDC et celle des Verts, après l'élection au premier tour de la socialiste Carole-Anne Kast. Le PLR (dont le Conseiller administratif sortant a démissionné du parti et appelle à voter pour la candidate des Verts et la candidate du PDC) a fait alliance (dite "Entente onésienne") avec la nouvelle formation de droite ECHO, qui a récupéré des dissidentes et des dissidents du PLR et du MCG. A Vernier, le PS (dont le candidat sortant, Martin Staub, a été réélu au premier tour), les Verts et le PLR font alliance, comme il y a cinq ans, contre le candidat du MCG, l'ineffable Thierry Cerutti. PS, Verts et PLR présentent donc ensemble le Vert Mathias Buschbeck et le PLR Gian-Reto Agramonte. On note que la gauche verniolane fait alliance avec le PLR, pas avec le PDC (qui présente aussi un candidat). ça doit faire chaud au coeur à Simon Brandt, candidat PLR qui rame en Ville pour obtenir le soutien du MCG contre le PDC. 


En Ville de Genève, le Parti du Travail et SolidaritéS se présentent séparés (comme au premier tour, la candidate du PdT, Maria Pérez, avait devancé le candidat de SolidaritéS, Pierre Bayenet), ce qui risque fort d'avoir pour effet de priver la gauche de la gauche du siège qu'elle détient au Conseil administratif depuis l'élection de Roger Dafflon, il y a un demi-siècle. Le Parti du Travail, qui sera absent du Conseil municipal pour la première fois depuis 1943 (il se présentait alors sous le nom de "Liste Ouvrière") faute d'avoir atteint le quorum (il a obtenu 4,1 % des suffrages, SolidaritéS 7,8 %) promet d'être "dans la rue". Il a raison, c'est mieux qu'au musée. "Sans nous, la gauche n'a pas la majorité au Conseil municipal", menace Pierre Bayenet. Arithmétiquement, il a parfaitement raison (le PS et les Verts détiennent 37 sièges sur 80 et ça ne fait pas une majorité absolue. De là à écrire, dans sa lettre aux électrices et électeurs de la Ville, que c'est son groupe "Ensemble à Gauche" qui a permis à la gauche de reprendre la majorité en Ville, il y a une marge -celle qui sépare la vérité des chiffres de l'illusion des slogans : si la gauche a regagné la majorité, c'est uniquement grâce à la progression des Verts et au maintien du PS pendant que le groupe "Ensemble à Gauche" perdait trois de ses dix sièges... Mais politiquement, elle signifie quoi, la menace implicite contenue dans le  "Sans nous, la gauche n'a pas la majorité au Conseil municipal", de Pierre Bayenet? Que SolidaritéS est prêts à voter avec le PLR, l'UDC et le MCG (28 sièges à eux trois) pour punir le PS et les Verts de ne pas avoir retenu son candidat sur une liste unique pour le deuxième tour ? ça ne ferait toujours que 35 sièges d'une étrange opposition face aux 37 d'une majorité relative... et ça laisserait le PDC jouer le rôle qu'il affectionne : celui d'arbitre. Après tout, c'est jouable : le pouvoir essentiel, dans les communes, c'est celui dont disposent les Exécutifs -on l'a bien vu depuis cinq ans. Et l'Exécutif, il va rester majoritairement, voire très majoritairement (et pourquoi pas totalement ?) à gauche... 

A droite,  la candidate des Verts libéraux au premier tour, et qui ne se présente pas au deuxième tour (elle, au moins, a compris la logique d'une élection majoritaire à deux tours) appelle à voter pour la candidate du PDC (et pour la candidate et le candidat des Verts). L'alliance du PDC avec les Verts libéraux lui a d'ailleurs réussi dans toutes les communes où elle avait été passée (sauf à Lancy), et on ne voit pas pourquoi elle ne fonctionnerait pas à Genève... En face, le MCG et l'UDC appellent à voter pour le candidat du PLR, Simon Brandt, qui n'appelle pas, lui, à voter pour les candidats de ces soutiens encombrants, mais fait campagne sur "Léman Bleu" sur le mode du règlement de compte avec la candidate du PDC. Comme s'il tenait vraiment à convaincre un maximum d'électrices et d'électeurs de gauche à voter pour elle. Bon, ben ça doit être une stratégie... la même que celle qu'avait adoptée Marine Le Pen face à Emmanuel Macron au deuxième tour de la présidentielle française, en somme...  le conseiller de campagne du PLR, c'est Séraphin Lampion ? Brandt s'interroge sur le PDC : "le PLR, le PDC, le MCG et l'UDC ont signé il y a cinq ans une plateforme commune. (...) Pourtant, le 16 mars, le PDC nous a dit qu'il n'y avait pas de valeurs communes" entre lui et l'UDC et le MCG. "Alors que faisons-nous ensemble depuis cinq ans"... Ouais, c'est une putain de bonne question, ça, Séraphin...la réponse parviendra par SMS... Peut-être.

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