Les élections passées, place aux choses sérieuses
Faites vos jeux !
On connaîtra le résultat de l'élection des exécutifs municipaux genevois dans une heure, et on se contentera en attendant de se dire qu'un peu de démocratie dans ces temps de confinement et d'exécutifs régnants sans contre-pouvoirs, ça ne pouvait pas faire de mal,et qu'exercer un droit démocratique est au moins aussi important que faire des stocks de papier de chiotte. Qu'on cesse alors de geindre sur les entraves à la campagne électorale en temps de confinement relatif : il y a beau temps que les partis politiques n'avaient pas été placés dans une situation aussi égalitaire en période électorale, et que les campagnes des plus démunis n'étaient si ressemblantes à celles des plus riches... La participation est médiocre (29,12 %) ? Certes, mais elle n'est que médiocre, comme à son habitude... et après tout, dans la majorité des communes il n'y avait pas plus de candidatures que de sièges à pourvoir... L'élection passée, on peut donc passer aux choses sérieuses : la création imminente, à partir de la Gauche Dugong, de l'Oupopo (l'ouvroir de politique potentielle) et du Collège de patapolitique.
"...puisque tout signifie, rien en définitive n'est anodin"
Et s'il n'était
de plus sûr moyen de radicaliser le changement et d’en hâter
le moment, pour passer enfin "d'une jouissance d'avoir à une
jouissance d'être" (Paul Ariès) que celui qui consiste à
introduire dans tous les fonctionnements sociaux, dans chacun
et dans le moindre d’entre eux, l’élément de trouble qui le
perturbera et permettra d’en rendre évident le caractère
forcément arbitraire ? Nous pouvons mettre au point, pour
chacune des situations dans lesquelles l’individu se trouve
confronté à une norme sociale, l’élément -l’acte, le lieu, la
structure éphémère, la parole- qui désarticulera et
délégitimera cette norme. Jouer avec les normes, détourner les
structures, sont autant de méthodes premières par lesquelles
on peut agir, moins pour réaliser nos objectifs que pour en
manifester à la fois la possibilité, la légitimité et
l’urgence. Ainsi peut-on explorer la politique, ses chemins de
traverse et ses détours, dans et hors des institutions. Ainsi
peut-on aussi découvrir des voies nouvelles, de nouvelles
potentialités de l'action politique comme l'Oulipo (Ouvroir de
littérature potentielle) voulait découvrir de nouvelles
potentialités du langage, non par l'écriture automatique ou le
cadavre exquis des surréalistes, mais, si paradoxal que cela
semble, en s'imposant des contraintes formelles (ne pas user
d'une lettre, par exemple, comme Perec s'interdisant la lettre
"e" dans "La Disparition"). Nous savons, comme Queneau,
qu'"obéir à toute impulsion est en réalité un esclavage". Nous
savons aussi que la ligne droite est toujours le chemin le
plus con pour aller d’un point à un autre et que, comme le
proclamait Boris Vian, c'est l'anomalie qui fait avancer les
idées".
On peut voir dans un usage politique de la
pataphysique, cette "science des solutions imaginaires" dont
la parenté à l'Oulipo est évidente, une réponse à la
programmation, la planification, la détermination des actes et
des enjeux politiques (et des méthodes d’action) en fonction
d’un calendrier et d’échéances fixées par les institutions
politiques elles-mêmes. Le temps de l’action politique ne
saurai être capté par des institutions que nous voulons
changer, radicalmente e da capo. Or c’est bien cela,
aussi, qui pèse sur les actions de « la gauche », courant
d’échéances électorales en sessions parlementaires, dépossédée
de toute capacité d’initiative autonome et se condamnant
elle-même à l’attente (que ce soit pour les soutenir ou les
combattre) de propositions tombant des institutions comme les
Tables de la Loi sur Moïse ou le Coran sur le Prophète.
Le pouvoir ne s’exerce jamais si bien,
c’est-à-dire si lourdement, que sur des gens tristes. La
tristesse isole et le pouvoir doit isoler les uns des autres
ceux sur qui il s’exerce, précisément pour pouvoir continuer à
s’exercer sur eux -ce qui expliquera d’ailleurs leur
tristesse. La politique est chose trop sérieuse pour être
laissée à des gens sérieux. Si les révolutionnaires avaient
été moins tristes, sans doute leurs victoires auraient-elles
été plus heureuses. Ce que nous avons à faire, nous avons à le
faire en riant, et en jouant. Le jeu nous permet de définir
nous-mêmes les règles de nos actes et de nos conduites, d’en
assumer les conséquences comme nous l’entendons, d’en changer
les règles où, quand et comme cela nous sied. Le jeu rétablit
les communications perdues, réalise les liens improbables,
libère les affinités avilies par le marché et bridées par les
normes extérieures aux joueurs. Il est la source de toute
invention sociale et de toute invention culturelle, les pires
(comme les religions) autant que les meilleures (les
révolutions) ; il est surtout la condition de la
transformation du spectateur en acteur, n’attendant d’autre
récompense à son jeu que le plaisir qu’il prendra à y jouer. Puisque "tout signifie",
comme l'écrit Gaston Cherpillod, "rien en définitive n'est
anodin".
Rien ne va
plus ? faites vos jeux, camarades !
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