Campagne pour des "multinationales responsables" : Chaude fin d'été



La coronapandémie a retardé le vote sur l'initiative populaire fédérale pour des "multinationales responsables", mais ne l'a pas annulé : on votera cet automne. Et si la coalition qui soutient l'initiative est prête à la campagne, le lobby des multinationales aussi. Il a agi au parlement fédéral pour couler un éventuel contre-projet qui ait quelque contenu, il va agir sur l'opinion publique pour essayer d'inverser la tendance favorable à l'initiative que révèlent les sondages. Soutenue par la gauche et 120 organisations non gouvernementales, l'initiative propose d'imposer dans la Constitution fédérale un devoir de diligence et une responsabilité juridique des multinationales en matière de droits de l'homme et de l'environnement dans toutes leurs activités et celles de leurs filiales à l'étranger. On se doute que cette perspective ne les enthousiasme guère. Leur lobby a donc commencé à faire campagne, surtout en Alémanie : elles vont, avec l'aide de l'agence de relations publiques proche de la multinationale Glencore, et la complicité du groupe de presse Tamedia  (que la coûteuse pub des multinationales nourrit) consacrer des millions (au moins huit) à tenter de convaincre le peuple (et les cantons) à les exonérer de toute responsabilité sociale et environnementale. La fin de l'été sera politiquement chaude...


A la fin de l'été, il faudra déconfiner les consciences... 

En 2011, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU adoptait des "Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits humains" (https://www.ohchr.org/Documents/Publications/GuidingPrinciplesBusinessHR_FR.pdf) engageant les Etats membres (dont la Suisse, rappelons-le...) à élaborer un cadre et des mesures concrètes permettant de s'assurer du respect de ces droits par les entreprises, particulièrement les entreprises multinationales. Le Conseil fédéral mettra quatre ans pour présenter un plan d'action basé uniquement sur la bonne volonté des entreprises, et sans aucune règle contraignante. La société civile a été plus rapide: en novembre 2011, une pétition "Droit sans frontières" était lancée par une large coalition d'associations et d'organisations, qui la déposaient avec 15'000 signatures en juin 2012. En mars 2015, une motion demandant au Conseil fédéral de proposer une loi instaurant un devoir de diligence en matière de respect des droits humains était acceptée à une voix de majorité dans un premier vote au Conseil national, puis refusée dans un deuxième vote. La coalition pétitionnaire lançait alors l'initiative populaire.


La coalition qui soutient l'initiative peut certes compter sur des milliers de bénévoles, sur le soutien de toute la gauche, celui des églises, et celui d'entrepreneurs, mais elle n'a pas les moyens financiers dont disposent ses adversaires. Lesquels ont déjà réussi à couler un contre-projet que le Conseil national avait accepté et qui, quoique en retrait de l'initiative, pouvait être accepté par les initiants -qui auraient, s'il avait été aussi accepté par le Conseil des Etats (après tout, il l'était même par le groupement des entreprises multinationales, l'association suisse du négoce de matières premières et du transport maritime, la Coop et la Migros), retiré leur texte pour assurer tout de même l'imposition d'un minimum d'obligations aux multinationales... 
 
Le contre-projet tel qu'adopté par le Conseil national ne soumettait pourtant à un devoir de diligence et une responsabilité juridique des multinationales en matière de droits de l'homme  que les entreprises de plus de 500 salariés en Suisse, et limitait les responsabilités en cascade, de l'entreprise-mère à ses filiales.  Le Conseil des Etats est allé encore moins loin, en proposant, à l'initiative de la Conseillère fédérale Karin Keller-Sutter et du Sénateur PDC Beat Rieder, de ne s'aligner que sur la recommandation de l'Union européenne aux multinationales de rendre un rapport annuel. Sans autre "devoir de diligence", et sans responsabilité juridique des entreprises sur les violations des droits humains et environnementaux. Un texte purement cosmétique et sans portée réelle ("une coquille vide", résume l'ancien Sénateur PLR tessinois Dick Marty).


L'initiative est portée par des sondages favorables, mais il faut attendre qu'elle soit furieusement combattue. A nous de la soutenir tout aussi furieusement : les coups tordus ne vont pas manquer, ni la désinformation (voir https://initiative-multinationales.ch/actualites/cinq-coups-tordus-du-lobby-des-multinationales/)

A la fin de l'été, il faudra déconfiner les consciences...

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