Confinement des résidents des EMS : Groupe à risque de solitude



Ma' Dalton est en EMS. A 95 ans, elle en a le droit. Mais elle n'a plus le droit de voir ses proches, ni ses proches de la voir. Alors du coup, pour la première fois, Averell  a envie de célébrer la Fête des Mères, ce vieux machin pétainiste récupéré par les fleuristes. Il paraît que les plus de 65 ans font partie d'un "groupe à risque". Mais c'est un groupe à risque pour eux-mêmes, pas pour les autres. Ensuite,  à la mi-avril, l'âge médian des décès du Covid en Suisse s'élève à 84 ans. Mais quel est l'âge moyen des décès en général, pour toutes les causes possibles ? 83,6 ans en 2017. Autrement dit, quand on meurt du Covid, on en meurt plus vieux que si on meurt d'autre chose. Il est un groupe à risque qui ne l'est que de solitude...


"Profite de ta liberté. Il faut toujours abuser de sa liberté"

Les EMS, inaccessibles aux familles des résidents depuis des semaines, sont particulièrement touchés par le Covid-19 et la classe d'âge des plus de 80 ans est sur-représentée dans la cohorte des morts du covid ? Evidemment : on risque plus de mourir à plus de 80 ans qu'à moins de 30 ans... Est-ce vraiment l'âge qui détermine le risque d'être infecté, ou la condition physique, la capacité de réponse immunitaire ? Une commission parlementaire fédérale demande fort justement de renoncer à faire de l'âge le critère de définition d'un "groupe à risque", et le délégué au Covid de l'Office fédéral de la santé public, le désormais illustre Daniel Koch, ne déconseille plus les embrassades entre grands-parents et petits-enfants (de moins de dix ans), puisque les enfants ne transmettent pas le virus, qu'ils sont très rarement infectés par lui, que les grands parents ne sont pas plus contagieux que les parents et que les plus dangereux dans les réunions familiales ne sont ni les plus vieux ni les plus jeunes, mais celles et ceux qui sont entre les deux. Logique, Mais suspicieux, quand même : les embrassades doivent être brèves et suivies d'un lavage des mains (on a tout de même évité celui des enfants et des aïeux). Pour plus de tendresse intergénérationnelle, faut attendre l'été. Si les vieux ont survécu. 

L'anthropologue Vinh-Kim Nguyen considère que désormais « le facteur de risque est de moins en moins biologique mais plutôt sociologique », et qu'il reflète «la manière dont notre société prend en charge les personnes vulnérables». La crise qui accompagne et suivra la pandémie de Covid-19 semble bien le confirmer.

Ne laissons pas vos vieux tout seuls dans leur ems. Leur confinement, et celui-là est total et imposé alors que celui que nous suivions plus ou moins, n'était que relatif et laissé à notre libre choix, ressemble plus à une détention qu'à autre chose, si bonnes que soient les conditions de leur séjour, et dévoué le personnel qui les entoure, les soigne, entretient chez eux l'envie de continuer à vivre. Cette détention est aussi une ségrégation, puisqu'elle est imposée à une population en seule raison de son âge et de sa faiblesse. 


"Profite de ta liberté. Il faut toujours abuser de sa liberté", écrivait Paul Eluard à Gala, en mars 1928. Et il n'y a pas d'âge pour cela.



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